Forum des auditeurs passionnés et critiques de France Culture

Je suis évidemment d'accord avec les remarques des 3 forumeurs sur l'obsession Finkielkrautienne d'une invasion, mais outre que c'est là un des mythes contemporains dont il n'est qu'une victime parmi d'autres, je ne crois pas que Finkie fasse de l'Islam ni même de l'islamisme l'ennemi principal ni de la France ni de la civilisation. Il me semble plutôt installé dans un personnage d'intellectuel extrêmement réactif à tout ce qui ressemble à du fanatisme et à de la pensée sans nuance, et pour le coup je veux bien croire qu'il y perd lui-même de son sens des nuances. C'est un piège qui est tendu aux personnes réactives. Pour autant, les gens réactifs, de les traiter de réactionnaires quand ils manquent de nuance c'est une autre façon de manquer de nuance. On n'en sort pas. Et lui non plus n'en sort pas, mais pas tant de la condamnation des autres, des "différents" car ça n'est là, il me semble, qu'un cas particulier de sa grande frousse : la peur d'une régression démocratique à commencer par celle de l'école, par le recul des valeurs du travail et de la morale, dont il voit la source aussi dans les excès d'une certaine gauche. Ces excès l'ont mis en porte-à-faux et ça dure depuis des années. Définitivement il n'en sort pas. Comment en sortir ?

Eh bien il fait des efforts : parfois il retourne à ses amours littéraires et nous fait une émission culturelle. Pas tant que ça, mais enfin il me semble que son taux reste constant : environ un tiers des numéros de Répliques ?

Il a un autre moyen pour en sortir : il appelle au secours régulièrement de grands ainés. Au fil des années il en aura fait, des émissions sur Péguy, Harendt, Camus (Albert). Alors justement c'est le troisième qui était là samedi dernier. Et j'ai été surpris qu'avec la présence de Michel Onfray, en prenant pour thème la pensée de Camus aujourd'hui, l'émission de samedi dernier pourrait à la fois justifier Finkielkraut et recadrer les reproches qu'on lui fait régulièrement. Encore faudrait-il lui faire confiance, mais je ne doute pas qu'en forumeurs honnêtes, nous en soyons tous capables. Mais aussi, dans cette discussion qui est encore moins un débat que d'habitude, on entend dire nombre de choses qui pourraient recadrer dans le bon sens (entendez : celui que je préfère) les polémiques récentes dans le forum et sur la chaîne : sur l'équilibre entre la pensée de droite et la pensée de gauche, sur la dégradation de cette dernière sous le coup des simplifications, de la radicalité, du goût de l'exclusion, des cynismes qui se déguisent en praxéologie et s'autorisent toutes les brutalités. Sartre en prend pour son grade et avec lui les Bourdieusiens. Ma surprise aura été de voir Onfray abonder à la plupart des remarques de Finkielkraut. Je ne connaissais pas l'autre invité. Et même sans ignorer l'épaisse humanité de Camus, je ne le connaissais pas non plus sous ce jour-là.

Je n'arrive pas à savoir si cette émission est un robinet d'évidences ou une utile remise en place des excès de l'idéologie. Bref je conseille l'écoute de ce numéro de Répliques où l'on entend l'idéologue Finkielkraut sans qu'on puisse à mon sens lui reprocher ses excès habituels, et sans non plus qu'il remise son rôle de moraliste. Comme tous les intellectuels, Finkie a du céder dès son adolescence à la norme de gauche. Après quoi, comme trop peu d'entre eux, il n'a pas toléré la prise de pouvoir de la "gauche simplifiée" sur l'intelligentsia. Dans cette émission il recrute même Onfray pour abonder dans son sens en célébrant Camus. Et le pire ou le meilleur, c'est que ça marche. A quand une façon un peu moins con d'être de gauche, et à quand un France Culture qui ne donnera pas envie de fuir la philosophie politique ? A mon avis ce numéro de Répliques y participe.

Nessie a écrit: Et le pire ou le meilleur, c'est que ça marche.

Le meilleur, Nessie, le meilleur.

On se permettra de trouver ce numéro de "Répliques" sur Camus admirable (avec ou sans l'emphase qu'aime bien mettre Alain Finkielkraut sur ce mot).

Non seulement admirable, mais très émouvant.

On avait écouté l'émission partiellement avant votre texte de 12h35. L'écoute intégrale justifie tout ce que vous avez écrit patiemment, que vous avez poli et repoli avant de nous le donner à lire. Merci.

À suivre.

D'accord avec toi, Nessie.
Le Répliques de samedi dernier était de grande tenue.
Onfray et Finkie, dévêtus un temps de leurs oripeaux politiques, on rendu le meilleur hommage en abordant Camus sans le ramener à eux.
Et avec le second invité, que je ne connaissais pas non plus, plus attaché à éclairer le versant littéraire que philosophique, cela faisait un excellent trio.
A déguster les yeux fermés !

Vous dites, Nessie: "à quand un France Culture qui ne donnera pas envie de fuir la philosophie politique ? A mon avis ce numéro de Répliques y participe"

Oui, il y participe et de belle façon.

J'ai trouvé Alain Finkielkraut d'un respect et d'une courtoisie exemplaires. Une des raisons à cela fut, entre autres, la présence de Maurice Weyembergh, visiblement ("audiblement") diminué par une maladie ayant pour effet un trouble de l'élocution.

Ici deux choses : la première est qu'inviter une voix "handicapée" (appelons les choses par leur nom) dans une émission d'une heure est un signe que l'on privilégie le fond sur la forme ; c'est la preuve que l'on croit en la capacité d'attention des auditeurs et qu'on la leur demande en même temps (exigence pas déplacée), car il faut effectivement prêter l'oreille à la voix de ce savant. La deuxième chose, c'est le respect qu'ont montré Finkielkraut et Onfray pour cette voix au bord de la rupture. J'y ai vu incarnée ici et maintenant, en actes sincères, l'éthique que professent les deux intellectuels. Par exemple, un "Pardon, Maurice Weyembergh" de Finkielkraut s'interrompant humblement pour donner la parole à ce dernier a été très touchant et a juré puissamment avec le souvenir que l'on garde des flots verbaux indomptables de l'imprécateur, rôle désagréable qu'il joue (ou a joué ?) si souvent.

Et toute l'émission fut de ce calibre. Sans doute aussi grâce au montage qui montre encore une fois, s'il en est besoin, qu'une émission construite, bien taillée, est la marque de fabrique d'une radio de qualité. Il n'y a pas à reprocher un quelconque artifice de construction à un débat où l'on taille et coupe (sauf si c'est pour nuire à un intervenant).

Une coupure très audible (selon conditions d'écoute...) a donc été faite à 21'20" de l'émission. Finkielkraut prenait son élan, comme un skieur de saut à skis, sur la pente de l'école et du fameux rapport maître à élève quand il a été coupé net... par le monteur. À sa propre demande ? On veut le croire. On lui prête en effet cette intelligence de connaître ses défauts et de vouloir les corriger. Toute cette émission fut d'ailleurs un effort sur soi pour avoir un dialogue policé, compréhensif, sans animosité. Même Onfray ne s'est pas lancé dans de grandes tirades solitaires et n'a pas fait de mauvaise blague (il a quand même un peu trop répété son credo sur le socialisme libertaire, ce qui n'a même pas énervé Finkielkraut, là on a admiré la retenue).

Bref, une très belle émission, en espérant que d'autres de la même eau suivront.

De fait, Alain est sur une bonne lancée.

Peut-on parler intelligemment de la question israélo-palestinenne, sans complaisance et sans invectives ? Oui, la preuve avec la livraison de ce samedi matin. Sans consentir une seconde au travestissement de leur pensée, Henry Laurens et Nathan Weinstock ont bien montré comment l'on peut penser deux légitimités concurrentes mais tout aussi solides l'une que l'autre sans négliger la qualité et la profondeur de l'analyse historique. D'autre part, Finkielkraut montre une fois encore qu'il n'est jamais aussi meilleur que quand il se garde des emportements de sa pensée.

Le bonheur de cette émission sur Camus tenait selon moi à la présence de Mr Maurice Weyembergh, qui semblait, chose rare, ne rien sacrifier aux postures de l'intellectuel médiatique. Passé un certain âge, ces choses perdent leur sens probablement. Etait prouvé ici qu'une certaine précarité, une certaine rareté sont ce qui manque le plus à l'univers médiatique tel que nous le connaissons.

S'il y a bien une émission qui ait toutes raisons de figurer en proposition d'écoute du forum, c'est celle-ci, qui parvient à faire l'unanimité parmi tous les courants de RFC ! C'est chose faite.

Une belle évocation de Camus, dans une atmosphères aux désaccords feutrés, présents mais rendus secondaires par la position sur laquelle s'accordent - c'est peut-être l'inattendu - Finkielkraut et Onfray : celle qui, dans le sillage de Camus, tient le clivage gauche/droite pour important mais moins déterminant in fine que les valeurs de justice et de vérité.

Ce samedi Finkielkraut tel qu'en lui meme, essentialisant ce qu'il n'y a pas lieu de l'etre, ratiocinant sur des spécificités spécieuses, développant une idée de la culture à mille lieux de celle de W.Benjamin ou H. Arendt, s'évertuant à redonner un sens à la fierté nationale ainsi qu'à rabacher sa hantise de l'islam.

A mon avis la question de la hiérarchie des civilisations ne peut aboutir qu’à des considérations scolastiques peu en rapport avec la réalité. J’ai donc écouté ce numéro avec un certain amusement, comme une sorte de performance musilienne, l’action parallèle en action en quelque sorte.
Cela donne des retournements de situation étonnants. On entend Finkie et Thibault glorifier la civilisation occidentale au nom de sa capacité d’autocritique (c’est un peu le paradoxe de celui qui se dit modeste, ou encore l’hypocrisie de Claude Guéant se félicitant tout à coup de l’existence des droits de l’homme, de la laïcité, de l’égalité homme/femme, de la sécurité sociale – choses dont il se fout éperdument le reste du temps – puisqu’ils lui permettent de faire la promotion de l’Occident), mais très vite dénoncer tous ceux qui font la critique de cette même civilisation occidentale en brandissant un argument fort convaincant, et qu’on retrouve souvent chez Couturier : il y a pire ailleurs. Françoise Héritier rappelle alors que dans d’autres civilisations il y a aussi des possibilité de critiques de soi et de curiosité avec l’extérieur, mais que bon oui peut-être… et puis tous les hommes sont capables d’apprendre, non ? Thibault et Finkie opinent mollement, ce dernier reprend néanmoins sa cavalcade « Tout de même… n’y a-t-il pas… ? Ne faudrait-il pas considérer…. ?»
A la fin nos trois amis font un grand tableau en deux parties avec à gauche les bons côtés (satellites dans l’espace, recherche médicale, droits de la femme) et à droite les mauvais (nazisme, guerres mondiales, esclavage). Ou l'inverse. Mais les bons l’emportent.

J'en ai eu assez d'entendre ce qu'on entend
les ratiocinations de finkielkraut défendant le guéant de la pensée :
alors j'ai publié today sur agoravox :

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-radio-philosophe-pour-les-nuls-114209