Forum des auditeurs passionnés et critiques de France Culture

Complément au billet précédent.

Le ravalement de façade du site de France Cu, conçu surtout pour smartphone, change peut-être la mise en forme des programmes sur le net, mais rien sur le fond.

Sur la page proposée comme avant-goût de la révolution annoncée, il faut descendre au-delà de la moitié de la page pour tomber (un peu) sur  autre chose que de l'actu, du sociétal, de la politique, les trois étant imbriqués au plus haut point afin de constituer la Sainte Trinité de la station à tuture.

                                        

Hé oui, encore une émission d'actu qui ne fait que reprendre ce que vous avez déjà bien entendu et réentendu toute la semaine. Ne rien proposer de neuf, surtout, juste labourer le terrain médiatique du moment.

Plusieurs rubriques ensuite :
A la une, avec soit de l'actu, soit de la promo. Les programmes eux n'ont pas changé.

                                        

Une nouveauté, une rubrique "C'est nouveau". Les promos du moment avec une ligne directrice : les catastrophes et les horreurs sous toutes leurs formes. "C'est nouveau", un slogan pour produit ménager.
Whaou ! Le Vel'Hiv', "c'est nouveau" !

                                        

Vous allez dire que oui, il y a deux fictions là-dedans. Mais elles abordent des problèmes d'actu, parfois avec un humour sinistre. Vous savez, le type même d'humour pratiqué au forceps par ceux qui n'en ont pas ? Dépressifs s'abstenir. Et si vous avez le moral, laissez tomber aussi, ça pourrirait votre journée. A quoi que je pense ? A la "Préhistoire du futur". [son mp3="https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/23047-13.04.2022-ITEMA_22992143-2022C21338E0006-21.mp3" debut="00:15" fin="03:22"]
Quant à l'autre fiction, voir ailleurs si j'y suis.

                                        

La suite n'est qu'un long défilé de l'actu du moment, de quoi faire oublier que cette chaîne est culturelle. Puis...

                                        

Dans l'ordre, du plus important (=du plus consulté, c'est calculé pour) au plus négligeable, l'actu again, les docus, la plupart soit sur la thématique de la catastrophe, soit ce qui vient, parce que le docu, c'est pas trop l'abondance sur France Cu. Alors "A voix nue", hop, chez les docus.
Comme y'a pas bezef de fictions, les maîtres du oueb ont ressorti "Le mystère de la chambre jaune", feuilleton de 1983 diffusé à nouveau il y a deux/trois ans durant l'été.

Nous étions presque en bas de la page.

                                    

Pour les "Nuits", vous voyez que la nouvelle équipe ne connaît qu'une culture, celle de la Sociopoli, le royaume merveilleux de la sociologie et de la politique. Le reste s'est raréfié, parce que plus on racole avec l'actu, plus on a une chance de gratter de l'audimat, et de faire oublier la spécificité de la chaîne.
Pour revitaliser les Nuits, la formule "d'exception". Un slogan de pub tout ce qu'il y a de plus lambda.

                                                                                    

En bas, le "fil culture" qui contient l'essentiel de la culture, soit l'insignifiant du carnet à filo, et de la sociologie, voire de la politique, pour changer un peu.

                                

L'article sur Fourier est fourni puisqu'il n'est qu'une invite à refondre notre société pourrie de merde pour en faire une plus mieux.
Et encore un renvoi à l' "Ode à Charles Fourier" de Raymond Queneau (lu par Jean Vilar). Depuis des années, personne n'a jugé bon de corriger la faute, de remplacer Queneau par André Breton. Ce serait faire preuve de culture. Mais comme seule la façade compte, WTF ?


Enfin, après la rubrique "Evènements" qui ressemble fort à du partenariat, les plus écoutés du moment.

                                

Vous pouvez admirer le culte de la personnalité en œuvre, car pour faire des économies et fidéliser les auditeurs, la direction a mis la gomme sur les producteurs, négligeant et la forme et le fond des émissions. Les émissions sont bonnes parce que c'est Adèle van, parce que c'est Guillaume debout-les-gnomes-il-est-sept-heures, parce que c'est le sympatoche Xavier Mauduit. Le reste on s'en fout. C'est par l'imposition du culte de la personnalité que l'on réussit à embobiner les auditeurs les plus smartphonés.

Faisons table rase des Nuits de France Culture de l'ère Philippe Garbit. Maladresse, négligence, peu importe, le résultat est là.
Pourtant il reste un dilemme : comment faire table rase de programmes que l'on continue pourtant à rediffuser abondamment ?
Simple, il suffit de les rendre invisibles à l’œil nu.

Les quelques nouveaux programmes eux, quoique peu nombreux, sont visibles à l’œil nu.

Une démonstration.
La nuit du lundi 6 juin.

                                                                

Et nuit suivante.
                                                                

Deux émissions seulement sont nouvelles, devinez lesquelles. Les autres, il faut cliquer sur le lecteur et écouter la présentation pour savoir à quoi vous avez affaire.
Les émissions invisibles ont encore une page à elles dédiées, mais il faut faire une recherche à partir du fil des Nuits. Simple.

Encore une démonstration du grand professionnalisme de France Culture.
En attendant une probable réparation (ou une éventuelle suppression des Nuits) l'auditeur se retrouve à jouer à cache-cache avec les quelques rares émissions encore vraiment culturelles et créatives de la chaîne.

Parmi elles, dans ces deux nuits, on trouvera en cliquant un peu au hasard, en plus de l'émission sur Rabelais par Hubert Juin et du copieux ACR linguistico-politique de 1971 et de René Farabet (les deux nouveautés)  :

La vie de Judy Garland : A star is born 1/5 (1ère diffusion : 04/02/1985)
Par Jean-Louis Cavalier

Le monde insolite - New York, la nuit (1ère diffusion : 05/01/1975)
Par Luc Bérimont

Parler en prose et le savoir - Jules Supervielle (1ère diffusion : 08 et 15/05/1956 Chaîne Nationale)
Par Robert Mallet - Avec Jules Supervielle

Mme Ziegler et M. Yonnet parlent de l'histoire de Paris (1ère diffusion : 01/10/1967)
Par l'Office De Coopération Radiophonique (OCORA) - Avec Gilette Ziegler et Jacques Yonn


Analyse spectrale de l'Occident - Léonhard Euler ou la vie du mathématicien racontée par lui-même (1ère diffusion : 09/12/1961)
De Philippe de Saint Robert- Réalisation José Pivin

Cette dernière, contrairement aux apparences, est une fiction radiophonique ("évocation radiophonique") en réalité intitulée "Léonhard Euler, le mathématicien-philosophe".

Afin de faire réagir la direction de la station de tuture, tirons le signal d'alerte en prenant un cas plus parlant.

A voix nue - Annie Ernaux, 4 (1ère diffusion : 07/11/2002)
Par Geneviève Brisac - Avec Annie Ernaux - Réalisation Bruno Sourcis

est passé à la trappe avec le reste. Ce n'est que la quatrième diffusion de cet entretien, dont seule la quatrième partie mérite les honneurs. Elle doit être particulièrement exceptionnelle. Sa diffusion de 2022 est injustement invisibilisée, car faisant partie des Nuits période P. Garbit.
Il convient de réagir et de la diffuser prochainement une cinquième fois accompagnée cette fois-ci d'un copieux communiqué de presse, car Annie Ernaux n'a pas le droit d'être traitée ainsi sur la radio qui n'a de cesse de la vénérer nuit et jour comme une  icône religieuse.

Sur la page d'accueil du site de France Cu quand vous cliquez sur "Arts et création" vous vous retrouvez sur la page suivante.

                                                                            


Fou, non ? Des émissions culturelles sur une radio culturelle ! Ce qui signifierait que les autres émissions ne le seraient pas ? Quel aveu !  Mais ce n'est pas possible, puisque sur une radio culturelle, à priori toutes les émissions sont culturelles.
On se pince pour y croire et on clique sur "en savoir plus", parce qu'on veut en savoir plus.
Et là, horreur, en voulant en savoir plus nous nous retrouvons à en savoir autant. Enfer et damnation.

                                                                            

On appréciera le mot "bouquet" – très original puisque peu utilisé par les opérateurs tévé & leur box à tévé – métaphore bucolique et romantique : oui, la radio des zidées est aussi fleuriste. Trop mignon.
Mais on ne veut plus respirer que ce bouquet, on ne veut plus aller ailleurs que chez cet opérateur floral, enfin des émissions culturelles ! Sur une radio culturelle !

Si vous lisez bien la phrase servie deux fois (une fois dans la présentation, une fois dans "en savoir plus", pour les plus curieux qui veulent en savoir plus), vous sentez vite que ces fleurs sont fanées, l'odeur ne trompe pas.
Seuls les artiss', tout plats à force d'être passés et repassés au micro de France Culturdézidés,  sont arrosés, pas les fleurs.

Donc, France Cu entend par "émissions tuturelles", les entretiens promo des grandes tablinettes & des Business cucurel. C'est la tuture par excellllence.

                                                                            


Et aussi, et aussi, n'oublions pas, vous avez dans le bouquet, pour le même prix mesdames & messieurs, de la musique !

                                                                            

Franchement, n'écoutez pas ces émissions, vous auriez l'air ridicules. Est-ce qu'on met des bouquets, fanés en plus, dans les oreilles ?

En bas de la page d'accueil du site de France Cu, les différentes catégories de savoirzédeconnaissances, suivies des personnalités sélectionnées sur des critères inconnus (sélection prise dans "La culture gé pour les nuls" ?)

                                                                 

Il y a beau avoir le logo France Cu à côté, quand on clique sur une catégorie, on tombe sur un mélange de toutes les émissions du Radio France Group.
Or, les pages d'accueil de France Inter et France Musique ne proposent pas les mêmes catégories, ce que l'on peut comprendre, surtout pour France Musique.
Donc, la page est bien personnalisée avec amour spécialement pour France Cu.

Une des catégories intrigue : les fictions littéraires. Comme il y  a très peu de fictions sur France Cu, nous pouvons légitimement nous demander si cette catégorie ne trône pas ici pour faire croire que la création radiophonique imposée dans le cahier des charges, eh bien c'est tout bon, France Cu est dans les clous.
Mais surtout ne cliquez pas dessus malheureux, d'abord vous découvririez qu'une "fiction littéraire" est bien souvent un entretien promo, et ensuite ce n'est pas la peine, je l'ai fait pour vous.
Surprise, l'intitulé est miraculeusement changé en "Fictions Littérature" ce qui n'est pas la même chose.... malin malin.
Les premiers résultats qui tombent sont donc des promos pour des romans, et comme roman = fiction, c'est encore tout bon. Reste plus qu'à noyer là-dedans les quelques rares fictions et lectures. La première qui arrive date de juillet dernier, et elle est inécoutable.
Étrangement, ni le feuilleton, ni la fiction du samedi soir n'y figurent, alors que ce sont bien des fictions (observer la misère oblige à écrire de telles platitudes), qui plus est adaptées de romans, quand ce ne sont pas des lectures d'extraits. Les fictions originales sont rares et souvent richement appauvries en originalité.
Quant à la littérature, disons que la chaîne enchaînée au présent du maintenant de l'actu l'entend comme synonyme de promos pour des livres avec entretiens tapis rouge 4 étoiles menés tambour battant par des producteurs érudits qui font semblant de lire des fiches préparées par des assistants, ou qui font semblant de ne pas avoir lu le livre qu'ils promeuvent pour ne pas avoir à étaler leur culture, ce qui serait élitiste.