Ensuite vint l'hommage à Alain Resnais, que Marc Voinchet doit orthographier "Alin Réné" si on en juge à la prononciation.
Alain Resnais en tant que personnage, m'agaçait considérablement. Après le dégoulinant hommage de ce lundi, je dois reconnaitre que ma détestation a été considérablement accrue, autant par l'étalage de dévotion que par la stupidité des questions que Voinchet inflige à un Bruno Podalydès de plus en plus gêné au moment de répondre. Voinchet feint de poser des questions, en fait il pratique le forçage, histoire de bien faire dire à son interlocuteur ce que lui Voinchet il veut entendre. De là systématiquement une hésitation de Podalydès, qui dégage en touche "ah c'est difficile de vous répondre de façon simple comme ça". Eh oui à une question à la fois aussi fermée et aussi bêtement préparée, il n'y a que deux réponses possibles : a) "oui, admettons, si c'est ça que vous voulez entendre". Ou alors : b) "Non c'est complètement idiot ce que vous cherchez à me faire dire". Mais Voinchet s'en fout comme il se fout bien de ce que Poda cherche à dire, alors il l'interrompt en pleine phrase pour lui tirer de la glotte un titre de film car il n'y a que ça qui l'intéresse : pouvoir lancer le bobineau qu'il a fait préparer. Et là on le voit le digne successeur de Jean Lebrun qui chaque jour sabotait sa propre émission en interrompant l'invité pour placer la camelote sonore soigneusement numérotée sur sa fiche. Au prix de ce forçage Voinchet atteint son objectif : lui faire dire le titre du film dont on a soigneusement préparé un extrait. Et là, d'un geste le Von Karajan de la matinale lance l'envoi du bobineau et tant pis si du coup la fin de phrase de Podalydès est shuntée, l'essentiel est que l'enchaînement soit réussi.
Et quel enchainement, misère ! Il s'agissait de forcer une minute de "Mon oncle d'Amérique", film qui eut été rigoureusement sans intérêt s'il n'y avait eu Laborit, si Resnais n'avait renoncé à une forme usuelle de cinéma au profit d'un bricolage mi-documentaire mi-presse du coeur. Et l'extrait est particulièrement bien choisi puisqu'on y entend un exemple du gauchisme niais d'Henri Laborit stupidement qualifié de "scientifique" par Voinchet. Oui stupidement car Laborit n'est pas un savant des sciences sociales mais un savant de la biologie, mais de cela Voinchet n'en a pas la moindre idée, lui qui serait probablement incapable de produire une définition moyennement acceptable du mot "scientifique". Oui, bien choisi l'extrait, car ainsi le cinéaste est recruté post-mortem pour servir le paradigme idéologique de la chaine, chose qu'il eut d'ailleurs fait très volontiers de son vivant, à l'image d'autres artistes qui sortent le mouchoir sur l'humiliation du prolétariat tout en roulant eux-mêmes sur l'or gagné dans leur complicité avec le capitalisme le plus aliénant, celui de l'industrie du spectacle. A ce titre, il faut reconnaitre que les parasites sociaux qui pérorent autour du micro sont de tout petits joueurs.
Ca ne s'arrangera pas avec la contorsion rhétorique et hypocrite de Xav'e qui fidèle à ses habitudes, n'a retenu de Resnais que ses gadgets au moins ça lui permet de saluer le grand innovateur en cinéma qu'était le disparu. Personne ne semble savoir que le grand innovateur était mort depuis une bonne quarantaine d'années, et avait laissé la place à un fabricant de gadgets pour les prédateurs du nutella, chose que confirme l'admiration tardive et énamourée de Xav'e. Ca continue à ne pas s'arranger avec les ridicules conclusions de Matthieu Conquet qui théorise sur la valse comme structure typiquement Resnaisienne, dans un tortillage niaisement Conquettien. Bien en phase sera la chute de Voinchet, des plus affligeantes et typiquement XavierDelaportienne : soudons les titres de son premier et de son dernier film, et ça donne "Nuit et Brouillard, aimer rire et chanter". Oh que c'est finaud ça, dommage que ce soit complètement foireux mais pas si étonnant de la part de Marc Voinchet le super-cinéphile de France Culture la radio super-culturelle. Car cette lebrunade loupée est non seulement un mauvais bon mot, pas drôle pas brillant et pas malin, mais en plus même pour faire Culture c'est raté. Comment, "Nuit et brouillard" c'est pas le premier film de Resnais ? Eh non mon pauvre ami, ni le premier long ni même le premier court-métrage de Resnais. D'ailleurs personne ne peut plus dire maintenant quel fut le premier court, mais enfin avant Nuit et brouillard il y en avait au moins quatre : d'abord son 'Van Gogh', ensuite un 'Gauguin', puis 'Guernica' et 'Les statues meurent aussi'. Pour cette bourde, je me demande combien il en aura reçu des twitts ce Marc Voinchet, l'homme qui prépare ses interviews en recopiant les bons mots de Gilles Jacob plutôt qu'en ouvrant un dictionnaire du cinéma.
Pour autant, l'hypocrisie culturelle de ce petit aréopage est tout de même bien en phase avec celle du disparu : "Je suis un moule à gaufres où la pâte se répand librement". Ca semble brillant comme ça et aneffet c'est aussi brillant que du Godard, du Bourdieu ou du Duchamp, entendez qu'une fois passé l'effet de sidération c'est particulièrement idiot, enfin de la part de Resnais, plus fin que ça et n'ayant jamais fait deux fois le même film, c'est plus probablement un coup d'ironie au 6eme degré que seuls les commentateurs n'auront pas repéré. Mais l'important est qu'en se cantonnant au premier degré pour signaler lourdement le génie de la métaphore, tout le monde est content, les Trissotins du studio tombent en pâmoison, et comme le temps passe, les voila tous les trois dispensés de la moindre remarque sur le fond de l'oeuvre. De toutes façons, on n'a jamais vu ni entendu Marc Voinchet produire une analyse. Marc Voinchet est une machine qui répète comme un perroquet les clichés ressassés dans les cocktails par des cinéphiles WoodyAlleniens qui les ont eux-mêmes pêchés dans les hebdomadaires du grand public cultivé. En clair : si vous voulez ne rien entendre qui soit pensé ou réfléchi sur un sujet culturel de votre choix, alors écoutez ce qu'en dira Marc Voinchet.
De ce naufrage qui aura probablement mis en joie les Resnaisoophiles à l'écoute, je conclus que le mieux qu'on pouvait faire de Voinchet, c'était de le sortir des émissions culturelles et notamment de celle du midi qui a remplacé le Panorama. Tant qu'à faire, qu'on lui donne à saboter les émissions d'actualité avec ses blagues de Bernard Pivot, c'est tout de même un moindre mal. Cela dit, comme sur la tranche de midi on a mis à la place du Voinche successivement un narcisse vaniteux et maintenant une cruche ignare, l'auditeur n'est pas gagnant pour autant.