M. André Perrin, dans le livre succinctement présenté sous la rubrique
« Le coin des bouquineurs », insiste « sur la réception du livre de Sylvain Gouguenheim »,
Aristote au Mont-Saint-Michel. « Ainsi, parce qu'il prétendait s'opposer à une opinion répandue surestimant le rôle des Arabes dans la transmission du savoir grec, Gouguenheim avait-il été accusé d'avoir fabriqué une vulgate imaginaire afin de pouvoir la réfuter à peu de frais. Rémi Brague avait alors répondu que la légende qui prédominait aujourd'hui dans le grand public, était bien celle à laquelle s'opposait Gouguenheim et il en donnait comme exemple un discours prononcé par le roi du Maroc à l'ouverture du festival de musique sacrée de Fez dans lequel il était raconté que Gerbert d'Aurillac, futur pape Sylvestre II, devait l'étendue de ses connaissances mathématiques à des études qu'il aurait faites à l'université de Fez [in
Commentaire, n°124, hiver 2008-2009, pp. 1180-1190]. (…) J'aurais pu tout aussi bien citer Malek Chebel écrivant : ''Toute la pensée antique a en effet transité par les centres intellectuels de Bagdad, de Harran, de Samarra et de bien d'autres encore'' [
L'islam et la raison, Tempus, 2006, p. 122] ou (...) le discours du Caire dans lequel Barak Obama attribuait aux Arabes l'invention de la boussole et le développement de l'imprimerie. Or le 13 septembre 2014 à 10h sur France Culture Jean-Noël Jeanneney consacrait son émission
Concordance des temps à la Renaissance du Califat. L'émergence de l'Etat islamique (…) fournissait l'occasion d'évoquer avec Gabriel Martinez-Gros, professeur d'histoire médiévale du monde musulman à l'université de Paris Ouest Nanterre, le califat médiéval à l'époque de la splendeur de Bagdad. A 26'20'', Jean-Noël Jeanneney, parlant sous l'autorité de son invité, déclare, sans être le moins du monde démenti par celui-ci : ''N'empêche que nous avons des motifs d'être extrêmement reconnaissants à cette civilisation des grands siècles de Bagdad pour nous avoir permis de retrouver, de sauvegarder une bonne partie de l'héritage littéraire et philosophique de l'antiquité grecque.'' Ainsi donc nous serions redevables à la civilisation islamique d'avoir traduit et transmis à l'Occident non seulement les œuvres philosophiques, mais aussi ''une bonne partie de l'héritage littéraire'' de l'antiquité grecque... Quelle partie au juste ? L'
Iliade et l'
Odyssée ?
Les travaux et les jours ?
Les Perses ?
Antigone ?
Oedipe-Roi ?
Lysistrata ? Ainsi donc l'œuvre d'Homère, celle d'Hésiode, les tragédies d'Eschyle, de Sophocle, d'Euripide, les comédies d'Aristophane, les fables d'Esope, les odes de Pindare, les dialogues de Lucien de Samosate, les biographies de Plutarque, une bonne partie de tout cela, sans parler d'Hérodote et de Thucydide, aurait été sauvegardé [sic] et transmis [resic] par Bagdad ? Ce ne sont pas deux animateurs de radio incultes, mais deux agrégés et docteurs en histoire, dont un universitaire ''spécialiste'' de l'histoire médiévale du monde musulman, qui diffusent ou cautionnent cette énormité dans une prestigieuse émission historique du service public. Faut-il s'étonner après cela que des légendes se répandent chez les non-spécialistes qui cherchent à s'instruire ? » (pp. 25-27.)
https://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/renaissance-du-califat