Hier soir dans le programme des Nuits, on a pu entendre une Nuit magnétique de 1981 qui m'a semblé assez proche de l'actuel Les pieds sur terre, certes dans un autre format puisque l'émission durait ses 88 minutes. Le titre : "Bonjour madame, je suis marchand de fromage"
Cette tranche de fromage était une tranche de vie et même plus. Saisi sinon sur le vif, du moins dans une fort efficace mise en scène de soi, on nous offre le portrait d'un crémier ambulant à mentalité d'épicier IIIe république. Le type est jeune et joyeux, il est plutôt fin et tout sauf populo. Il a quelque chose de vivant et de sympathique. Son idéal est de fourguer le plus de marchandise possible en embobinant ses clients, lesquels d'ailleurs ne sont pas non plus montrés sous un jour très sympathique, mais n'oublions pas que c'est son regard à lui. Avec une mentalité d'épicier roué et une naïveté d'enfant vous montrant ses jouets, il détaille ses ruses de commerçant pour manipuler les uns et les autres, leur vendre sa marchandise à 300 balles le kilo alors qu'ils venaient chercher de la vache qui rit ou quasi. Certes, il ne leur vend que de la qualité, jamais de la camelote, mais enfin il les roule dans la farine, et en racontant tout ça il exulte. En plus il écrit des poèmes, des chansons, là ça se gâte aïe aïe, misère.
Ce genre de document fait réfléchir, non pas tant sur la réalité qu'il nous donne à voir, que sur les intentions de l'auteur du documentaire : le personnage central est à la fois dynamique, joyeux, optimiste, mais aussi pénible et plein de morgue, avec un mélange de finesse et de cynisme dans son habileté mercantile. Il est donc à la fois sympathique et odieux. Qu'a-t-on voulu nous montrer, et que veut dire au juste un document qui évite de nous donner un cadrage moral ? Dans ce fil, aux posts précédents, on a vu qu'un même reportage pseudo-neutre peut être reçu de façons opposées par les auditeurs, selon qu'ils gobent ce qu'on leur envoie (auditeur naïf) ou qu'ils se braquent à l'encontre de la manipe (auditeur sceptique) ou bien qu'exempts d'idées préconçues, ils saisissent l'occasion de réfléchir. Pour cette raison, une même bouillie militante peut déclencher la prise de conscience inverse de celle que visait l'auteur, tandis que ceux qui partagent ses préjugés se trouveront confortés dans leur culture d'idées reçues. Si le document est fait dans un esprit de richesse et de complexité (dialectique ?), alors le projet c'est de dire tout cela en même temps. Dans le cas contraire, le tableau manichéen peut atteindre son but ou mettre à côté.
Je crois que les Nuits Magnétiques sont dans le premier cas, et Les pieds sur terre dans le second. Mais ça n'est pas tout. Où est-ce que je veux en venir ? A ceci : dans les Nuits magnétiquesde 1981, de telles émissions anticipent et annoncent les actuels Pieds sur terre. Mais dans la série quotidienne des Nuits Magnétiques, combien sont de cette eau, et combien sont entièrement différentes ? Au contraire dans Les pieds sur terre, le message frauduleusement présenté comme un "sur le vif" nous est asséné, tous les jours à la même heure comme un rendez-vous de propagande de radio-vichy.
A l'heure où la biodiversité est la scie des scies idéologiques parce que la diversité est devenue le cliché des clichés, on pourrait peut-être s'interroger sur la radiodiversité. Celle des Nuits Magnétiques était forte. Celle des Pieds sur terre est nulle. C'est la variété des points de vue d'auditeurs qui fait la qualité de l'émission : les manipes idéologiques de Sonia Kronlund se retournent, au moins dans une certaine proportion, contre son projet idéologique. Mais dans quelle proportion, au fait ? Ça, c'est le mystère...
Cette tranche de fromage était une tranche de vie et même plus. Saisi sinon sur le vif, du moins dans une fort efficace mise en scène de soi, on nous offre le portrait d'un crémier ambulant à mentalité d'épicier IIIe république. Le type est jeune et joyeux, il est plutôt fin et tout sauf populo. Il a quelque chose de vivant et de sympathique. Son idéal est de fourguer le plus de marchandise possible en embobinant ses clients, lesquels d'ailleurs ne sont pas non plus montrés sous un jour très sympathique, mais n'oublions pas que c'est son regard à lui. Avec une mentalité d'épicier roué et une naïveté d'enfant vous montrant ses jouets, il détaille ses ruses de commerçant pour manipuler les uns et les autres, leur vendre sa marchandise à 300 balles le kilo alors qu'ils venaient chercher de la vache qui rit ou quasi. Certes, il ne leur vend que de la qualité, jamais de la camelote, mais enfin il les roule dans la farine, et en racontant tout ça il exulte. En plus il écrit des poèmes, des chansons, là ça se gâte aïe aïe, misère.
Ce genre de document fait réfléchir, non pas tant sur la réalité qu'il nous donne à voir, que sur les intentions de l'auteur du documentaire : le personnage central est à la fois dynamique, joyeux, optimiste, mais aussi pénible et plein de morgue, avec un mélange de finesse et de cynisme dans son habileté mercantile. Il est donc à la fois sympathique et odieux. Qu'a-t-on voulu nous montrer, et que veut dire au juste un document qui évite de nous donner un cadrage moral ? Dans ce fil, aux posts précédents, on a vu qu'un même reportage pseudo-neutre peut être reçu de façons opposées par les auditeurs, selon qu'ils gobent ce qu'on leur envoie (auditeur naïf) ou qu'ils se braquent à l'encontre de la manipe (auditeur sceptique) ou bien qu'exempts d'idées préconçues, ils saisissent l'occasion de réfléchir. Pour cette raison, une même bouillie militante peut déclencher la prise de conscience inverse de celle que visait l'auteur, tandis que ceux qui partagent ses préjugés se trouveront confortés dans leur culture d'idées reçues. Si le document est fait dans un esprit de richesse et de complexité (dialectique ?), alors le projet c'est de dire tout cela en même temps. Dans le cas contraire, le tableau manichéen peut atteindre son but ou mettre à côté.
Je crois que les Nuits Magnétiques sont dans le premier cas, et Les pieds sur terre dans le second. Mais ça n'est pas tout. Où est-ce que je veux en venir ? A ceci : dans les Nuits magnétiquesde 1981, de telles émissions anticipent et annoncent les actuels Pieds sur terre. Mais dans la série quotidienne des Nuits Magnétiques, combien sont de cette eau, et combien sont entièrement différentes ? Au contraire dans Les pieds sur terre, le message frauduleusement présenté comme un "sur le vif" nous est asséné, tous les jours à la même heure comme un rendez-vous de propagande de radio-vichy.
A l'heure où la biodiversité est la scie des scies idéologiques parce que la diversité est devenue le cliché des clichés, on pourrait peut-être s'interroger sur la radiodiversité. Celle des Nuits Magnétiques était forte. Celle des Pieds sur terre est nulle. C'est la variété des points de vue d'auditeurs qui fait la qualité de l'émission : les manipes idéologiques de Sonia Kronlund se retournent, au moins dans une certaine proportion, contre son projet idéologique. Mais dans quelle proportion, au fait ? Ça, c'est le mystère...