Emmanuel Laurentin ou : comment rater un sujet (234e épisode).
Depuis le début de l’année France Culture a perdu ma clientèle le matin et même un peu plus. L’enfilade de quotidiennes qui va de Richeux à Kronlund me fout le bourdon : entre l’affectation des uns et les vannes lourdingues des autres, avec en plus des idées reçues à la pelle, c’est plus de la radio c’est une comédie d’enfants gâtés. Mais enfin parfois je me laisse piéger : aujourd’hui soucieux d’écouter Dominique Wolton aux Matins, je tiens le coup jusqu’à la Fabrique de l’histoire.
Oh oh le beau sujet cette semaine dans la Fabrique : la chasse. Sujet fondamental dans l’histoire des hommes : des chasseurs-cueilleurs à la structuration du monde rural moderne il y avait vraiment de quoi faire 4 émissions passionnantes sur un grand thème transverse : la nourriture carnée, la technique, les armes, les chiens, le groupe des hommes, et quoi encore si on gratte un peu on remplit 2 pages. Quel potentiel : des pratiques sociales, un florilège symbolique, et une imagerie parmi les plus riches qui soient. On pouvait faire du comparatisme régional, on pouvait traiter de l’évolution du rapport à la nature, du droit rural, de la division sociale de genre. Bref de tout ce qui va quand même se trouver saupoudré en remarques ineptes et erratiques entre deux tunnels d’histoires personnelles non signifiantes, car voyez-vous c’est déjà le cas dans l’entretien du lundi (affligeant de naïveté des deux côtés du micro). Remarquez, ça aurait pu être intéressant encore, si c’était bien fait. Et alors c’est bien fait ? Ben non : ce matin on apprend par une d’Ormesson que la vénerie est en expansion d’ailleurs il y a même de la vénerie en VTT et les petits gars sont admirables elle les admire la d’Ormesson et elle se rengorge comme ça pendant tout l’entretien, c’est son jour ma parole. Insupportable. Inécoutable.
Je coupe !
Pourtant il y en avait, des choses à dire, des sous-thèmes à choisir, dans ce riche potentiel. Mais voila, dans les 4 jours qui composent la série, sur rien de tout ça l’auditeur n’aura droit à un traitement sérieux. Et pourquoi, ou bien comment ? Le producteur annonce sans rire "une pratique millénaire si l’on en croit une proposition de loi", pratique qu’il prétend décrire "dans la longue durée". Ensuite quand il balance son programme on se demande vraiment s’il comprend le sens des mots qu’il emploie : millénaire, longue durée. Il connait, bien sûr, alors pourquoi en user ainsi à contre-sens, est-ce mystère ? Mais non : c’est pure fumisterie. Visez un peu ce que devient ce sujet une fois passé dans la moulinette de l’équipe Laurentin :
- Lundi : La chasse à courre en 2010
- Mardi : L’évolution du permis de chasser dans les années 70 en France
- Mercredi : Les chasses royales et les chasses présidentielles
- Jeudi : (ah zut le programme de jeudi est même pas disponible en ligne sur ce site myope, vous vous rendez compte mais jeudi c’est ’achement loin les gars elle est là, la longue durée !) voyons si ma mémoire est bonne, je crois que Laurentin a annoncé ... euh, ah oui : débat sur les combats sociaux entre chasse aristocratique et chasse populaire.
Eh bien voila comment le producteur de l’émission a choisi de traiter ce sujet fondamental, en le limitant à 2 ou 3 clichés, sujet d’actu du temps de ses jeunes années, et aux idées reçues de l’analyse d’une société par ses classes, avec dans sa mire la bourgeoisie et la caste du pouvoir. Appliquons un peu la méthode Laurentin à quelques autres sujets bien (ou mal) choisis. Par exemple disons tiens l’histoire du cinéma : ça reviendrait à causer en 4 émissions des 3 ou 4 plus gros budgets de Hollywood, et puis des salles de projection privées chez les riches puis maintenant du home-vidéo-cinéma qui se démocratise, et puis le décoinçage du ciné érotique & porno dans les 70’s. Je vous jure que je n’exagère pas : la façon dont s’annonce cette semaine dans la Fabrique, ça ne pisse pas plus loin.
Vous voulez un autre exemple ? Oui vous avez raison, le cinéma c’est trop localisé dans le temps, donc cherchons un autre sujet, qui sera aussi fondamental que la chasse dans l’histoire des hommes. Remarquez, on aura du mal à en trouver plus d’une douzaine : la danse, le conte, le jeu, le mariage, le culte, et notez que je m’en tiens aux pratiques hein. Tiens la danse, allons-y puisque sur le sujet Broué et Gardette ont montré il y a 15 jours qu’ils ne savent pas construire une discussion valable avec leurs invitées. Donc le déroulement thématique de Laurentin cette semaine sur la chasse, c’est exactement comme si on faisait l’histoire de la danse en se limitant au corps de ballet de l’Opéra, à la survivance du menuet, et aux bastons dans les bals du samedi sans oublier d’y ajouter une louche de Bourdieu sur la déshérence matrimoniale des culs-terreux (opprimés par la bourgeoisie évidemment). Et qui donc aurait le toupet d’intituler cette série "Histoire de la danse ?". Réponse : personne, sauf peut-être des faiseurs pas doués.
Là encore je n’exagère pas : c’est exactement avec une lorgnette de ce genre qu’on nous invite à explorer le sujet de la semaine. C’est tellement n’importe quoi que ça ne vaut même pas le coup de se mettre en colère. Certains matins France Culture qui se voudrait radio de référence, est une radio de la pitrerie inculte.
Depuis le début de l’année France Culture a perdu ma clientèle le matin et même un peu plus. L’enfilade de quotidiennes qui va de Richeux à Kronlund me fout le bourdon : entre l’affectation des uns et les vannes lourdingues des autres, avec en plus des idées reçues à la pelle, c’est plus de la radio c’est une comédie d’enfants gâtés. Mais enfin parfois je me laisse piéger : aujourd’hui soucieux d’écouter Dominique Wolton aux Matins, je tiens le coup jusqu’à la Fabrique de l’histoire.
Oh oh le beau sujet cette semaine dans la Fabrique : la chasse. Sujet fondamental dans l’histoire des hommes : des chasseurs-cueilleurs à la structuration du monde rural moderne il y avait vraiment de quoi faire 4 émissions passionnantes sur un grand thème transverse : la nourriture carnée, la technique, les armes, les chiens, le groupe des hommes, et quoi encore si on gratte un peu on remplit 2 pages. Quel potentiel : des pratiques sociales, un florilège symbolique, et une imagerie parmi les plus riches qui soient. On pouvait faire du comparatisme régional, on pouvait traiter de l’évolution du rapport à la nature, du droit rural, de la division sociale de genre. Bref de tout ce qui va quand même se trouver saupoudré en remarques ineptes et erratiques entre deux tunnels d’histoires personnelles non signifiantes, car voyez-vous c’est déjà le cas dans l’entretien du lundi (affligeant de naïveté des deux côtés du micro). Remarquez, ça aurait pu être intéressant encore, si c’était bien fait. Et alors c’est bien fait ? Ben non : ce matin on apprend par une d’Ormesson que la vénerie est en expansion d’ailleurs il y a même de la vénerie en VTT et les petits gars sont admirables elle les admire la d’Ormesson et elle se rengorge comme ça pendant tout l’entretien, c’est son jour ma parole. Insupportable. Inécoutable.
Je coupe !
Pourtant il y en avait, des choses à dire, des sous-thèmes à choisir, dans ce riche potentiel. Mais voila, dans les 4 jours qui composent la série, sur rien de tout ça l’auditeur n’aura droit à un traitement sérieux. Et pourquoi, ou bien comment ? Le producteur annonce sans rire "une pratique millénaire si l’on en croit une proposition de loi", pratique qu’il prétend décrire "dans la longue durée". Ensuite quand il balance son programme on se demande vraiment s’il comprend le sens des mots qu’il emploie : millénaire, longue durée. Il connait, bien sûr, alors pourquoi en user ainsi à contre-sens, est-ce mystère ? Mais non : c’est pure fumisterie. Visez un peu ce que devient ce sujet une fois passé dans la moulinette de l’équipe Laurentin :
- Lundi : La chasse à courre en 2010
- Mardi : L’évolution du permis de chasser dans les années 70 en France
- Mercredi : Les chasses royales et les chasses présidentielles
- Jeudi : (ah zut le programme de jeudi est même pas disponible en ligne sur ce site myope, vous vous rendez compte mais jeudi c’est ’achement loin les gars elle est là, la longue durée !) voyons si ma mémoire est bonne, je crois que Laurentin a annoncé ... euh, ah oui : débat sur les combats sociaux entre chasse aristocratique et chasse populaire.
Eh bien voila comment le producteur de l’émission a choisi de traiter ce sujet fondamental, en le limitant à 2 ou 3 clichés, sujet d’actu du temps de ses jeunes années, et aux idées reçues de l’analyse d’une société par ses classes, avec dans sa mire la bourgeoisie et la caste du pouvoir. Appliquons un peu la méthode Laurentin à quelques autres sujets bien (ou mal) choisis. Par exemple disons tiens l’histoire du cinéma : ça reviendrait à causer en 4 émissions des 3 ou 4 plus gros budgets de Hollywood, et puis des salles de projection privées chez les riches puis maintenant du home-vidéo-cinéma qui se démocratise, et puis le décoinçage du ciné érotique & porno dans les 70’s. Je vous jure que je n’exagère pas : la façon dont s’annonce cette semaine dans la Fabrique, ça ne pisse pas plus loin.
Vous voulez un autre exemple ? Oui vous avez raison, le cinéma c’est trop localisé dans le temps, donc cherchons un autre sujet, qui sera aussi fondamental que la chasse dans l’histoire des hommes. Remarquez, on aura du mal à en trouver plus d’une douzaine : la danse, le conte, le jeu, le mariage, le culte, et notez que je m’en tiens aux pratiques hein. Tiens la danse, allons-y puisque sur le sujet Broué et Gardette ont montré il y a 15 jours qu’ils ne savent pas construire une discussion valable avec leurs invitées. Donc le déroulement thématique de Laurentin cette semaine sur la chasse, c’est exactement comme si on faisait l’histoire de la danse en se limitant au corps de ballet de l’Opéra, à la survivance du menuet, et aux bastons dans les bals du samedi sans oublier d’y ajouter une louche de Bourdieu sur la déshérence matrimoniale des culs-terreux (opprimés par la bourgeoisie évidemment). Et qui donc aurait le toupet d’intituler cette série "Histoire de la danse ?". Réponse : personne, sauf peut-être des faiseurs pas doués.
Là encore je n’exagère pas : c’est exactement avec une lorgnette de ce genre qu’on nous invite à explorer le sujet de la semaine. C’est tellement n’importe quoi que ça ne vaut même pas le coup de se mettre en colère. Certains matins France Culture qui se voudrait radio de référence, est une radio de la pitrerie inculte.