Après quelque temps de décantation, je reprends ce fil avec une contribution en 2 posts + vos réponses qui y seront les bienvenues. Je reprends sur le sujet du tout-direct, en référence à un échange
dans le fil de La grande Table.
Il s’agit donc de la préférence accordée au direct par France Culture. Ceux des auditeurs d’avant 1999 qui n’ont pas encore définitivement changé de radio se souviennent que cette année-là, lors de la rentrée de septembre, le programme mis en place par Laure Adler avait commencé sa marche progressive vers le quasi-tout direct, marche qui fut exactement coordonnée avec la dégringolade de la qualité radiophonique et le recul de la culture dans le programme de la chaîne.
Laure Adler avait probablement compris de travers la doctrine radio de son jules, Alain Veinstein, qui d’ailleurs lui-même ne l’applique plus depuis longtemps, car ni dans Jour au lendemain, ni dans Surpris par la nuit on n’y retrouvera les principes tels qu’ils sont clairement exposés
a posteriori dans sa bible radiophonique
"Radio sauvage". C’est un livre brillant, intelligent, convaincant, émouvant, dont on ne peut que conseiller la lecture. Toutefois ça n’est pas non plus l’alpha et l’oméga de la radio : c’est une doctrine parmi d’autres, celle d’un esprit raffiné à coup sûr, mais il y a surement d’autres façons de faire de la radio de qualité. Et puis j’attends toujours qu’on vienne me démontrer la supériorité de la fiction radiophonique en direct, sur la même quand elle est mise en forme au fil des opérations usuelles de la fabrication, de l’enregistrement à la touche finale. Alors, d’avoir compris de travers une conception évoluée de la radio serait ce qui a poussé Laure Adler à édicter que 70% du programme de France Culture soit fait en direct. On croit rêver ! Mieux vaut y trouver la justification a posteriori d’une gestion de gribouille, à base de gauchisme mal compris et d’autoritarisme managérial. Il est plausible que le direct coute beaucoup moins cher que le programme monté et fignolé, tant en frais réels qu’en coûts internes bidon (pour la distinction, je renvoie à Pierre Schaeffer dans le chapitre 4 de ses "Antennes de Jéricho"). Mais on ne sait toujours pas leurs coûts respectifs pour une minute de programme. Il n’est pas du tout impossible que ce coût soit une donnée ignorée (ou absurdement fausse) même à l’intérieur de la maison ronde, ni même que dans ladite maison on ait renoncé à le connaitre, et pas non plus impossible qu’on ne se pose même pas la question et que tout le monde s’en foute comme d’une guigne ? De toutes façons il y a tellement d’autres priorités, que le plus simple est de tout faire avec pour critère principal la baisse des coûts, sauf pour la titularisation généralisée qui a conduit à attribuer à une minorité de producteurs un budget autrefois distribué à 6 ou 7 fois plus d’artisans créatifs, ce qui a tué la diversité du programme. Chose dont un directeur de Radio-France ne voulait pas car il en prévoyait les effets néfastes, tels qu’il les explique dans son livre "Echec à Panurge". Le nom de ce directeur était (est toujours) Jean-Noël Jeanneney
Pour autant, la nullité crasse de la Grande table n’a pas grand chose à voir avec la doctrine du tout direct. Sur cette tranche de la mi-journée, la règle a toujours été le direct, et du temps du Panorama la qualité culturelle y était. On peut en dire autant de la matinale, qui s’est toujours faite en direct : du temps de Jean Lebrun l’auditeur recevait du dialogue intelligent (en direct), du temps d’Assouline il recevait de la culture (en direct), et depuis Demorand suivi par le gueulard des ondes Ali Baddou et maintenant par le du Pivot-du-pauvre qu’est Marc Voinchet, on a du parler-pour-ne rien dire, de la question plate, et de l’orientation forcenée sur l’actu avec le normal traitement amnésique que ça entraîne. Chose que, mardi dernier, Marcel Gauchet ne leur a pas envoyé dire mais bien sûr personne dans le studio n’a compris que la critique de Gauchet, les Matins de FC la méritent en plein.
Alors désertons la grande table qui a son fil, et revenons au problème radiophonique du direct : erreur ou trouvaille, préférable ou injustifiable ? C’est bien sûr dépendant du type d’émission. Changer la forme des Chemins de la connaissance et leur faire quitter celle du Documentaire élaboré pour les faire muter au Direct, c’était assurément tuer l’émission. Ce qui en survit sous un autre titre ne manque pas de qualités (ni de défauts) mais enfin ça n’a plus rien à voir avec les Chemins, qui ont bel et bien été liquidés en 2 temps. Ne serait-ce qu’en les confiant à Munier qui brillait dans le documentaire mais aujourd’hui encore se montre toujours incapable de faire du direct proprement, et comment lui en voudrait-on d’ailleurs ?
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