Forum des auditeurs passionnés et critiques de France Culture

Au post 429 de ce fil en réponse à Pollux sur la jeunesse maoïste et plus loin sur la Grèce

antonia a écrit: (...) Le problème, voyez-vous, c'est que, si 1968 advenait de nos jours, France-Culture, dont les producteurs et journalistes n'ont plus 20 ans passeraient leur temps à trouver que c'est formidable, ces jeunes.On entendrait des micro-trottoirs d'étudiants lançant n'importe quelle idiotie qui serait du pain-bénit pour notre Amélie Perier et Cie

Votre remarque se fonde sur une juste observation de l'enthousiasme de la Rédaction et de certains producteurs pour les luttes, les combats, les protestations, les manifestations, etc. L'exemple parfait en est Marie... (j'entends déjà un choeur dire « encore elle ! »), oui... Richeux. Pauvre petite fille riche, dit la chanson.  Parisienne bien à l'abri de tous les conflits du monde (et incapable d'en comprendre les enjeux), elle se fait le porte-parole de tous les déclassés, sorte de pose snob pour qui veut un peu souffrir par procuration et rejoindre la troupe des bien-pensants du vivre-ensemble (quand ça concerne les autres et pas soi).

antonia a écrit: (...)  j'ai du mal à comprendre que vous ne voyiez pas à quel point nous sommes abrutis à longueur de temps par la propagande sur la "catastrophe humanitaire" qui se passe en Grèce.Quand on sait comment vivent certains pays d'Europe de l'Est ou des pays comme l'Erythrée, le Soudan, le Mali,c'est révoltant d'entendre parler des pauvres grecs.Quand j'entends parler du  tiers des grecs en dessous du "seuil de pauvreté", j'ai envie de crier à l'imposture.Ce seuil de pauvreté ne veut rien dire puisqu'on le base sur de seuls revenus connus.Comment comparer , à revenu égal, quelqu'un propriétaire d'un appartement ou d'une maison(avec jardin où il cueillera  des fruits, etc) et un locataire sans famille, etc .Les situations sont si multiples. (...)

Voilà, Antonia, vous dites le réel et à France Culture on nous récite des chiffres tirés d'organes de presse partenaires. Quand on parle chômage et revenus on devrait aussi, dans tout pays, France y compris,  évoquer l'économie informelle et la propriété. Et comme vous le dites, les situations sont multiples.

Mais à France Culture, il y a le bien et le mal, l'art de la nuance se perd au profit d'un « dé-cryp-tage » manichéen : qui est bon et qui est mauvais. Il est chômeur ? Bouh, je pleure ! Mais il  y a des inscrits à Pôle emploi propriétaires et ayant des revenus.  Un migrant ? Le pauvre ! J'ai parlé à des Irakiens chassés par Daech et qui possédaient peu de temps après leur arrivée des Iphone neufs. Des Chrétiens de langue araméenne, soit dit en passant, et qui faisaient tout pour apprendre notre langue et notre culture, s'étonnant de voir des Français conchier leur propre pays.

Faut-il généraliser ces observations ? Non, simplement les intégrer dans un panorama.  Et l'on aimerait que France Culture réfléchisse à la complexité (définie ailleurs par Nessie dans ce forum). Si elle ne le fait pas, c'est en grande partie du fait que son personnel est trop jeune, trop inexpérimenté, trop peu curieux et sans solide bagage intellectuel.

Triple zut !

Une émission au carrefour de l'éthique, de la médecine, de la philosophie, de la vie sociale : La médecine face à la fin de vie, un Alain Finkielkraut en grande forme, et finalement... on (= je) coupe à la moitié.

L'invitée derrière laquelle le producteur se range, Emmanuèle Bernheim, romancière et scénariste, dont le père s'est suicidé en Suisse (je n'avais pas encore fait le rapprochement phonétique). L'invité qui doit faire face aux deux précédents,  Robert Moulias, professeur à Paris-VI et gériatre à l'hôpital Charles-Foix.

La romancière : j'aurais voulu aider mon père, je n'y ai pas été autorisée (la police française l'a arrêtée avec sa soeur).
L'éminent gériatre (et géronte, ce qui s'entend, hélas) : toute personne pensant avoir une vie invivable peut, s'il est bien accompagné, perdre l'envie de mourir et avoir le sentiment de sa dignité.
Alain Finkielkraut (+ bonus R. Moulias) : [son mp3="http://franceculture.fr/sites/default/files/sons/2015/05/s18/RF_9F9E329D-E591-4F13-9F5A-A22DF76ECD8C_GENE.MP3" debut="27:21" fin="30:18"]

Cinquante minutes de débat dont la première moitié ne donne rien. Et pourquoi ? Parce que c'est un débat à la France Culture, à savoir que l'un répète sous des formes variées le même propos (M. Moulias), l'autre n'arrive pas à avoir la parole après avoir raconté son histoire personnelle et n'a pas de véritable réflexion sur le sujet, et Alain Finkielkraut qui n'arrive pas à tirer de ses interlocuteurs une parole mémorable.

Pour avoir entendu traiter ce sujet en long et en large dans des émissions très préparées sur une autre radio , je vois que nous n'avons pas de chance avec l'option « Libre conversation » à deux ou trois qui est le format de traitement de tout sujet sur notre station culturelle.  

Yann Sancatorze avait pointé dans un post (où ?) la différence entre le resserrement du propos dans les échanges à la BBC et le délayage à France Culture. I agree sur toute la ligne...

.../...

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Finalement, large victoire aux points du chevrotant professeur Moulias face au tandem survitaminé Finkielkraut-Bernheim (cette dernière n'ayant en réalité rien à dire de consistant).

Contrairement à ce que je disais plus haut concernant  cette émission, La médecine face à la fin de vie, j'ai fini par l'écouter intégralement pour la comparer avec une émission de grand intérêt sur le même sujet diffusée récemment sur la Première de la RTBF.

Alain Finkielkraut use beaucoup du « nous » dans cette émission pour donner  avec insistance sa manière de voir les choses ("nous ne voulons pas de ça !", etc). Qui est ce « nous » ? Je n'ai pas l'impression qu'il soit de majesté...

Mais face à la position sans nuance, et parfois limite, de l'Académicien, le professeur de médecine a tenté, quoique imparfaitement, de montrer la complexité, laquelle n'est d'ailleurs pas très en vogue dans les débats de France Culture (puisque pour la station culturelle, le débat est le seul format pour traiter un sujet de réflexion). Normal, la castagne c'est mieux que l'échange compréhensif pour faire de l'audience...

Heureusement, Alain Finkielkraut sait aussi manier l'auto-dérision (une de ses grandes qualités) pour faire baisser la tension qu'il a provoquée :
[son mp3="http://franceculture.fr/sites/default/files/sons/2015/05/s18/RF_9F9E329D-E591-4F13-9F5A-A22DF76ECD8C_GENE.MP3" debut="46:29" fin="46:55"]

J'espère que feu Pollux n'a pas écouté ceci, sinon il va brandir l'émission pour réclamer la mise à la retraite d'Alain Finkielkraut !

Alain Machefert a écrit:(...) paraphrasant Voltaire et Clemenceau, je pense que la mort est une chose trop sérieuse pour la confier aux  seuls medecins ou aux religieux. J'aimerais entendre d'autres voix de la société.

Aussi aviez-vous écouté La médecine face à l’euthanasie (moi pas encore) où l'une des invitées est aussi philosophe : Anne-Laure Boch, neurochirurgien praticien hospitalier à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris. Docteur en philosophie, auteur d'une thèse sur la médecine technoscientifique. .

Si je compare l'intervention ici de Nicole Bernheim, « romancière » (vous l'avez lue ?)  et celle du professeur et prêtre Dominique Jacquemin (P O-D, RTBF 13. 05. 2015), force est de constater que cette dernière voix a beaucoup plus à nous dire... (surtout face à la douce Pascale Tison).

Sinon, vous écouterez (ou aurez écouté) alors avec profit les émissions de France Culture dans la série « Sur les docks » sur les thanatopracteurs et les maîtres de cérémonie. Je recommande, entre autres, Naître et mourir (3/4).

Une émission par an sur le sujet, la fin de vie est une des préoccupations d'Alain Finkielkraut. L'émission mentionnée précédemment date donc du 12 avril 2014 (admirons France Culture qui nous permet d'écouter les émissions pendant 1000 jours !) : La médecine face à l’euthanasie.

Elle est nettement plus satisfaisante que la plus récemment diffusée. Les deux intervenants ont des positions nuancées et aucun n'a été embrigadé par le producteur. L'intérêt grandit à mesure que l'émission avance et l'on n'a pas le sentiment de circularité (chacun campant sur ses positions et les répétant sous diverses formes durant une heure)  souvent ressenti à Répliques.

Anne-Laure Bloch clôt l'émission avec maestria face à un Alain Finkielkraut qui soupire un « c'est atroce » (on ne voit pas ce qui l'est, mais bon...) :
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En fait, ces deux émissions sont en creux des émissions sur Alain Finkielkraut. Qui devrait « décrypter » les mots d'Anne-Laure Bloch  : « Je crois qu'il ne faut pas essayer de simplifier trop la vie ». En d'autres termes de la caricaturer.

PS 1.  Je retrouve dans mes descriptifs de Répliques une émission du 24 mai 2008 : La médecine face à la demande de suicide assisté
PS 2. Anne-Laure Bloch mentionne Didier Sicard en milieu d'émission. Un très bel À voix nue lui avait été consacré en 2004, rediffusé en 2012. Déjà Caroline Broué s'enivrait de sa propre parole avec des « questions » à rallonge...

C'était le  24 mai 2008, et Jean-Claude Ameisen* déroulait ses arguments nuancés devant un Alain Finkielkraut idéalisant l'épisode d'Hugo Clauss. en citant Philippe Ariès dans : La médecine face à la demande de suicide assisté.

Comme on l'a vu plus haut, le sujet tient à coeur à Alain Finkielkraut et l'on y gagne une série d'émissions faisant entendre des points de vue contrastés et présentant la complexité de la question. Complexité que rappelle ici Sylvain Pourchet dont le titre n'est pas mentionné sur la page de l'émission, mais dont un extrait biographique se trouve ici (il a aussi eu récemment les honneurs du Figaro).

Peut-être ai-je abusé de simplification en croyant qu'Alain Finkielkraut est convaincu des positions qu'il défend au micro. Ne peut-on aussi penser qu'il joue, volontairement et avec une outrance calculée, le rôle de la voix majoritaire et simpliste sur des sujets polémiques (immigration, école, fin de vie, etc) dans le but de faire naître la contradiction intelligente et la présentation de nuances ?

Enfin, ce numéro de 2008 n'est évidemment plus en écoute à la demande. Pourquoi ne pas le rediffuser avec les archives de la Nuit ? J'ai l'impression que Répliques ne fait pas partie des rediffusions en général. Pourtant après 20 ans d'existence, il y a bien des numéros "collectors"...


* médecin et chercheur, professeur d’immunologie à l’université Paris VII, président du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE)

Alain Finkielkraut a un « défaut », surtout pour cette station culturelle : il prend au sérieux les  invités qu'il reçoit et les livres que ceux-ci écrivent. « Défaut » supplémentaire, il prépare ses émissions.

Mais on ne le croit pas naïf au point de croire que le nom sur la couverture d'un livre signifie que celui ou celle qui le porte a écrit entièrement ou tout à fait le livre. Peu importe d'ailleurs dans le cas de l'émission avec Emmanuel Carrère Le royaume, du 13.09.2014, rediffusée le 8 août dernier.

Il est donc amusant de constater qu'Alain Finkielkraut en sait davantage sur le sujet du livre que son auteur, il est moins drôle d'entendre l'auteur faire des phrases, parler en formules, ne pas savoir que répondre aux interrogations et aux réflexions de l'Académicien.

C'est d'ailleurs un piège que devraient éviter certains invités sachant qu'Alain Finkielkraut aura lu attentivement et fraîchement leur livre : ils devraient réviser et non se pointer pour faire de la présence promotionnelle.

Ce numéro n'est donc pas inintéressant, il permet aussi de voir comment Finkielkraut avance ses pions, masqué (avant de chausser ses gros sabots), pour en venir à des sujets qui lui importent. Je crois deviner vers la 20e minute une manoeuvre finkielkrauto-machiavélique cherchant à découvrir dans  l'intérêt personnel de Carrère pour le christianisme une sorte de contre-pied existentiel, une détestation de soi ou, lâchons le mot, une repentance. Celle d'être privilégié, riche, en bonne santé, blanc, occidental, je ne sais. Et qui sait, une repentance qui est davantage une pose contemporaine qu'une authentique conviction.

Nous en sommes donc vers 20' au sens de l'hospitalité, au don, sur lequel s'opposent deux types de pensée, celle de Lévinas et Derrida et celle de Marcel Hénaff et Alain Caillé . Que va répondre Emmanuel Carrère ? J'ai mon idée (qui a un rapport avec le rugby)...

Emmanuel Carrère reste coi après la tirade d'Alain Finkielkraut... C'était dans  Le royaume, du 13.09.2014 (émission rediffusée le 8 août dernier et mentionnée dans le post précédent).
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À partir de ce moment-là, la question principale va tourner autour de l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité. Mérite l'écoute.

À noter que si Alain Finkielkraut dit qu'il ne se considère pas comme intelligent, il est possible que ce soit en écho aux propos de Carrère tenus quelques minutes auparavant. L'auteur se déclarait alors, sans humour décelable, « jeune, beau et intelligent » (à la fois)...