C'était quand même une bien belle émission que cet "Entre deux langues" et la seconde partie de 25 minutes tout à fait stimulante qui appelle à une rectification de ce que l'on pouvait déduire de la première partie.
D'abord Finkielkraut a l'honnêteté de dire à un moment qu'il ne veut pas s'engager sur un terrain du fait de son ignorance. Il est rare qu'un producteur avoue celle-ci. Et puis quand Alain Finkiekraut annonce "Je vais me faire l'avocat de la défense face aux deux parties civiles" sur le sujet de Heidegger, l'inquiétude initiale disparaît quand une belle réflexion à trois s'instaure sur la langue de Heidegger (Wismann comble Finkielkraut d'aise quand il dit "Heidegger ne pense pas faux, il écrit faux, c'est une prose laide" et d'y trouver des résonances avec le manifeste de Rosenberg. Goldschmidt, lui, applaudit et approuve Wismann tout au long de sa magistrale réflexion)
Goldschmidt qui a eu visiblement besoin de sentir un climat de réflexion pour nuancer son propos ne radote plus, il propose une manière d'envisager le français et la culture française qui suscite la réflexion, à défaut d'approbation immédiate (La Bruyère inventant la psychanalyse avant Freud). On soupçonne d'ailleurs un tantinet Wismann d'un peu de complaisance vis-à-vis du public français qui l'écoute, car il en rajoute sur ce que Goldschmidt appelle "la gentillesse du français" en parlant du français comme "langue de civilisation" (bien évidemment au rebours de l'allemand qui par sa précision ne laisserait pas de place à la complicité des esprits en conversation, comme le français sait le faire avec des mots polysémiques, type "ardeur" chez Racine). Je ne suis pas sûr que des spécialistes de stylistique comparée suivraient ces assertions, mais cela reste stimulant (quand on connaît les deux langues).
"Quand je vous écoute l'un et l'autre parler de cette élégance, de cette politesse, de cette grâce française, je me demande si elle n'est pas quand même un peu menacée (...) il y a une forme de français qui est tout à fait opposée au français que vous décrivez et qui d'ailleurs, comment dire, est parfois célébrée sur cette antenne, c'est le rap, ça rappelle la LTI dont Klemperer disait "tout en elle est harangue, sommation, galvanisation", donc cette syntaxe française, je prie Dieu qu'elle soit préservée (...)"
Pas hors sujet donc, car il s'agit de savoir de quel emploi de la langue les deux invités parlent quand ils la portent au pinacle. Là où Finkielkraut se trompe, c'est quand il mentionne de façon moutonnière la LTI, qu'il pense que le rap tue la syntaxe française et que ce genre musical est illégitimement célébré sur France Culture.
Ce qui tue la syntaxe française, ce n'est pas le rap, c'est par exemple Marie Richeux, Sophie Nauleau, Éric Chaverou (cf fil Petits textes post 53) et d'autres, qui écrivent des descriptifs bourrés de fautes et à la logique corrompue sur le site de France Culture, des types d'écrits qui imprègnent la manière d'user de la langue chez les prétendues élites.
PS. Il a été deux fois fait mention de François Dufay qui a mené l'entretien avec Goldschmidt. On sent tout le monde consterné, et je le suis tout autant qu'eux, par cette disparition brutale due à un chauffard il y a trois ans. François Dufay, splendide styliste, a écrit de très beaux textes d'introduction pour un livre publié chez Lattès en 2009 : "Maximes et autres pensées remarquables des moralistes français"
On notera aussi, pour ceux que les questions de traduction intéressent, que Georges-Arthur Goldschmidt a donné une belle traduction du Lenz de Georg Büchner aux éditions La vagabonde en 2003 (version bilingue)
D'abord Finkielkraut a l'honnêteté de dire à un moment qu'il ne veut pas s'engager sur un terrain du fait de son ignorance. Il est rare qu'un producteur avoue celle-ci. Et puis quand Alain Finkiekraut annonce "Je vais me faire l'avocat de la défense face aux deux parties civiles" sur le sujet de Heidegger, l'inquiétude initiale disparaît quand une belle réflexion à trois s'instaure sur la langue de Heidegger (Wismann comble Finkielkraut d'aise quand il dit "Heidegger ne pense pas faux, il écrit faux, c'est une prose laide" et d'y trouver des résonances avec le manifeste de Rosenberg. Goldschmidt, lui, applaudit et approuve Wismann tout au long de sa magistrale réflexion)
Goldschmidt qui a eu visiblement besoin de sentir un climat de réflexion pour nuancer son propos ne radote plus, il propose une manière d'envisager le français et la culture française qui suscite la réflexion, à défaut d'approbation immédiate (La Bruyère inventant la psychanalyse avant Freud). On soupçonne d'ailleurs un tantinet Wismann d'un peu de complaisance vis-à-vis du public français qui l'écoute, car il en rajoute sur ce que Goldschmidt appelle "la gentillesse du français" en parlant du français comme "langue de civilisation" (bien évidemment au rebours de l'allemand qui par sa précision ne laisserait pas de place à la complicité des esprits en conversation, comme le français sait le faire avec des mots polysémiques, type "ardeur" chez Racine). Je ne suis pas sûr que des spécialistes de stylistique comparée suivraient ces assertions, mais cela reste stimulant (quand on connaît les deux langues).
Pas entièrement d'accord avec vous, Finkielkraut dit :Nessie a écrit: Donc pas d'engueulade au programme pour cette fois. Tout au plus à la 48ème Finkie ne peut s'empêcher de vitupérer la dégradation du niveau de civilité en même temps que le recul de la langue. Fidèle à ses obsessions il choisit de taper sur le rap, et il le fait avec une fourberie aussi rare que bien venue puisqu'il y dénonce un cas de LTI. Ce faisant il recycle un argument massue du gauchisme contemporain : ce Klemperer que Munier, Noodle-man et Eric Hazan recrutent au service de leur pulsion-Godwin pour fustiger le jargon du capitalisme, Finkie l'emploie pour stigmatiser le rap. C'est savoureux et bien trouvé mais c'est quand même salement hors-sujet donc il est heureux que ça ne dure que le temps d'une incise.
"Quand je vous écoute l'un et l'autre parler de cette élégance, de cette politesse, de cette grâce française, je me demande si elle n'est pas quand même un peu menacée (...) il y a une forme de français qui est tout à fait opposée au français que vous décrivez et qui d'ailleurs, comment dire, est parfois célébrée sur cette antenne, c'est le rap, ça rappelle la LTI dont Klemperer disait "tout en elle est harangue, sommation, galvanisation", donc cette syntaxe française, je prie Dieu qu'elle soit préservée (...)"
Pas hors sujet donc, car il s'agit de savoir de quel emploi de la langue les deux invités parlent quand ils la portent au pinacle. Là où Finkielkraut se trompe, c'est quand il mentionne de façon moutonnière la LTI, qu'il pense que le rap tue la syntaxe française et que ce genre musical est illégitimement célébré sur France Culture.
Ce qui tue la syntaxe française, ce n'est pas le rap, c'est par exemple Marie Richeux, Sophie Nauleau, Éric Chaverou (cf fil Petits textes post 53) et d'autres, qui écrivent des descriptifs bourrés de fautes et à la logique corrompue sur le site de France Culture, des types d'écrits qui imprègnent la manière d'user de la langue chez les prétendues élites.
Complètement.Nessie a écrit: je pense qu'on peut (...) conseiller [l'émission d'hier matin avec Heinz Wismann et Georges-Arthur Goldschmidt] à l'auditeur gourmand de culture, car elle est fidèle à l'intitulé de notre fil : Répliques comme refuge radiophonique.
PS. Il a été deux fois fait mention de François Dufay qui a mené l'entretien avec Goldschmidt. On sent tout le monde consterné, et je le suis tout autant qu'eux, par cette disparition brutale due à un chauffard il y a trois ans. François Dufay, splendide styliste, a écrit de très beaux textes d'introduction pour un livre publié chez Lattès en 2009 : "Maximes et autres pensées remarquables des moralistes français"
On notera aussi, pour ceux que les questions de traduction intéressent, que Georges-Arthur Goldschmidt a donné une belle traduction du Lenz de Georg Büchner aux éditions La vagabonde en 2003 (version bilingue)