Lorsque interrogés sur les différences de méthode de production entre BBC et Radio France, les producteurs de RF disent souvent qu'ils préfèrent le leur car celui-ci leur garantit une plus grande liberté d'action, alors qu'à la BBC, "tout est verrouillé" (ie. le format existe avant même que l'émission ne soit conçue, avec un cahier des charges très serré). Je comprends qu'ils le voient comme un inconvénient, mais les conséquences pour l'auditeur se font durement sentir, de fait, comparant une production comme celle-ci, et une table-ronde paresseuse à la France Culture : introduction claire et intelligente et distribution de la parole avec des axes de discussion en tête. Tout cela sent la préparation en amont (comme nous le disions dans un autre fil). Il y a également un facteur culturel purement français (et contemporain): pendant la durée d'une phrase par un de nos "spécialistes-de-rien" de France Culture (qui ressemble en gros à ceci : "eeeeeeeuh en réalité euuuuuh si l'on examineeeeuh, les, les euh, les choses du point de vue, eeeeuuuh, des acteurs sociaux, eeeuuh, enfin si c'est vrai que eeeuh, enfin quand on accepte que eeeuuuh" etc.), vous avez dix phrases par deux interlocuteurs différents à la BBC. Nous sommes connus pour cette tendance à simuler l'intelligence en donnant l'impression que la pensée nait au moment où nous parlons. L'impression donnée par les locuteurs des émissions préparées de la BBC est différente : les invités apportent une expertise déjà développée et mûrie, sans doute déjà travaillée et formulée ailleurs, et chaque fois perfectionnée quand l'exercice de la parole publique se présente. Il n'y a rien à retirer. A Radio France, cette tendance à laisser flotter les choses peut produire de bonnes émissions quand le producteur est un génie. Malheureusement, lorsqu'il s'agit d'imposteurs qui ne peuvent pas faire autrement que simuler la formulation de pensées qu'ils ne possèdent pas eux-mêmes, le résultat est désastreux. Nous en revenons sans arrêt au problème de la formation.