Philaunet(https://regardfc.1fr1.net/t629p10-les-regardeurs-chefs-d-oeuvre-de-l-art#26093) a écrit:France Culture met en haut de page l'émission Les Regardeurs sous le titre "Le déjeuner sur l’herbe", histoire d'une obscène modernité ("obscène", ça attire l'attention...).
Ça tombe bien, j'ai pris l'émission au fil de l'écoute et n'ai pas été déçu (si l'on peut dire).
On appréciera dans ce passage (début 37'45) la "question/intervention" de Jean de Loisy qui dure une minute trente. Je n'y ai pas compris grand'chose, le silence de l'invitée avant de répondre est peut-être significatif ? : [son mp3="http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13090-19.06.2016-ITEMA_21013651-0.mp3" debut="37:45" fin="40:32"]
Ceci me rappelle les propos de Yann Sancatorze sur la comparaison que l'on peut faire entre les intervieweurs français qui excellent dans le flou et les phrases creuses et les Anglais de la BBC qui vont droit au but avec précision et clarté (voir In our Time, par exemple).
Jean de Loisy s'embourbe parfois dans ses questions et l'exemple ci-dessus est on ne peut plus probant. Mais le fruit de sa recherche est assez intéressant : du bouvreuil à l'« ouvre-oeil ». Reste à savoir si ce jeu de résonance est valable historiquement (1863) avant de le soumettre à toute interprétation. À mon avis, le silence de l'artiste à la suite de sa question signe moins une réserve qu'un temps de réflexion face à un commentaire qu'il faut s'empresser de re-commenter, au risque de sentir monter l'impatience de son interlocuteur (les conditions sécurisantes et libres de rendement propres à Alain Veinstein n'existent plus sur une seule des émissions de la station).
En revanche, à 48'22'', une autre question alambiquée du producteur a le mérite d'une réponse franche :
Jean de Loisy : Qu'est-ce que vous pensez de cette étrange idée que : on peut être le premier en venant après tout le monde ? (silence) Au fond, c'est ce que dit Baudelaire, quand il dit : vous êtes le premier dans la décrépitude de votre art, votre art est arrivé à un maximum, il ne peut plus que se décrépir parce qu'il va devenir moderne et autre chose, et vous serez le premier. (silence) Vous, vous venez après, vous faites de la vidéo, et du cinéma et vous venez après tout ceux qui ont fait des images fixes, tout ça vous le portez en vous, et vous êtes dans une tradition qui est en train de s'inventer, elle n'a que quinze ans. (silence)
Ariane Michel : Oui, je comprends pas très bien la question.
de Loisy : Bah peut-être que je sais pas très bien la prononcer.
Michel : Ouais mais... Je la perçois très loin...
Philaunet(https://regardfc.1fr1.net/t629p10-les-regardeurs-chefs-d-oeuvre-de-l-art#26093) a écrit:(...) Pour ce qui est de l'autre invitée, Ariane Michel, on apprend qu'elle "a réalisé des travaux en vidéo qui s’inscrivent le plus souvent dans des dispositifs d’installation ou de performance...", ce qui nous renseigne amplement... Après la photo on en apprend quand même davantage "...Visibles tantôt en galerie, dans une forêt, au cinéma, dans un couloir de métro ou chez soi, ses œuvres, qui posent la plupart du temps des pierres, des bêtes ou des végétaux au centre du monde, tendent à recomposer le réel pour offrir au visiteur une expérience de déterritorialisation de la perception."
Une "déterritorialisation de la perception" ? Diantre ! (...)
L'écoute du début de l'émission vous aurait renseigné plus précisément sur l'oeuvre de cette artiste. Mais, il n'empêche que les descriptions des oeuvres des artistes contemporains sont trop souvent pompeuses, et qui plus est, interchangeables d'un artiste à l'autre, d'une oeuvre à l'autre. C'est ce qui rend l'approche de l'art contemporain délicate, souvent vérifiée par ce constat : sur le papier (cartel de musée, texte introductif), le visiteur rigole/se moque. Devant la parole de l'artiste/sa médiation, la compréhension s'opère. « Déterritorialiser la perception », soit, de tels mots peuvent justement formuler la démarche de l'artiste. Mais à dire vrai, c'est du placement de produit deleuzien, ni plus, ni moins. Qui fait toujours plaisir à son récipiendaire/galeriste.
Dernière édition par Jean-Luuc le Mar 21 Juin 2016, 23:33, édité 1 fois