Ce matin c'est un Jacques Munier plus bafouillant que jamais qui nous a présenté un livre des chroniques. Non, pas celui qui suit les Rois et précède de loin les Macabbées même si nous voila quelque part entre janvier et novembre ; il s'agissait de chroniques par notre cher Philippe Barthelet qui tisse maintenant sa toile de chroniqueur ailleurs que sur FC. Et pas seulement de chroniqueur puisqu'on le trouve parmi les animateurs des Dossiers H, ceux-là même qu'avait fondé Dominique de Roux en 1975, dans l'esprit qui lui avait fait créer quelques années plus tôt les Cahiers de l'Herne.
On sait de source sûre qu'Antoine Perraud regrette Philippe Barthelet. Souvenons-nous : il fut un temps où Tire-ta-langue durait 58' et précédait une respiration poétique quotidienne qu'André Velter avait intitulée Poésie-sur-parole. Oui, ce même Poésie sur parole dont le souvenir nous glace de regret quand on compare la chose au 'poème du jour' chez Marie 'roudoudou' Richeux. En ce temps-là de 14h à 14h58 Antoine Perraud tirait sa langue en 3 temps : le temps fort c'était 35 à 40 minutes de documentaire fait dans le style maison par les documentaristes capés et on se souvient de nombreux chefs d'oeuvre ornés de quelques excellentes signatures de la maison ou de passage : Thierry Beauchamps, Françoise Estèbe, Fanny Capel, Jacques Munier, Vincent Lemerre, Antoine Mercier, parfois Antoine Perraud lui-même qui avait la délicatesse de créditer la réalisatrice et d'annoncer "un documentaire de Françoise Camard". Dans de rares cas le documentaire fut de Philippe Barthelet, puisqu'il était par ailleurs de ces producteurs occasionnels qui enrichissaient France Culture à l'époque où dans ce qui depuis est devenu un conclave de planqués contents d'eux-mêmes, la 'diversité' n'était pas comme maintenant un badge idéologique à la mode -et d'ailleurs mensonger- , mais la réalité du système de production : Barthelet lui-même y oeuvra, nous y donnant peut-être quelques A voix nue et certainement des Lieux de mémoire (Citeaux, St Cyr) et des Une vie une oeuvre (Cingria, Ernst Junger, un Rozanov). Et puis aux meilleurs temps de Tire-ta-langue, quand le temps fort du documentaire était bien encadré, Barthelet livrait en ouverture sa chronique sur le thème de la semaine, traité de façon toujours libre et personnelle ; et après le documentaire, Antoine Perraud recevait un invité pour un entretien, le plus souvent sur un thème approchant.
Cette formule idéale fut liquidée progressivement dans l'année 2002-2003 pour laisser place à une heure d'entretien. Ce fut au grand dam de Perraud qui ne se priva pas de dire (en direct) que rien ne saurait égaler le documentaire en beauté radiophonique. Rien que pour cet instant de radio et malgré toutes les crasses qu'on s'amuse à lui envoyer dans ce fil, on lui conserve un respect amical et il le sait. D'ailleurs son excellent chroniqueur Philippe Barthelet n'était pas moins achille-talonnesque que Perraud lui-même l'est devenu depuis, à ceci près que c'était allégé du ton farce qu'y ajoute le second. C'est dire que la chronique était d'une érudition poussée, avec un style oral quelque peu maniéré certains diront jusqu'à la préciosité, une rhétorique affinée et exempte de facilités, des thèmes sinon originaux du moins traités avec originalité, à sa façon. Dans ce modélique Tire-ta-langue, Barthelet était le chroniqueur modèle.
On retrouvera donc cet esprit et quelque chose de ces chroniques (certaines d'entre elles, nous dit Munier) dans "Fou forêt", 4eme volume de son cycle "Le roman de la langue", récemment édité chez Pierre-Guillaume de Roux (maison fondée en 2010) qui est par ailleurs le fils de Dominique de Roux. Pour cette raison aussi, vous trouvez ici-même le lien de présentation de
Fou Forêt chez l'éditeur. En revanche ou plutôt par contre, c'est un mélange de pitié et de rétorsion qui m'interdit de fournir le lien vers la page correspondante du site de FC où l'amateurisme de la maison (à moins que ce ne soit un choix idéologique, délibéré) met en avant une revue militante et ne laisse qu'un strapontin à Barthelet.