Cahin-caha le feuilleton continue à nous ravir et nous désespérer alternativement. Ca veut dire aussi bien à nous décevoir et ensuite à nous surprendre en bien. Tel est le jeu de l'alternance : tout dépend à quel moment de la séquence vous entrez dans le cycle. Et à mon sens depuis la rentrée, la séquence est complète
- En premier lieu, un mois entier de François Bon. Je ne connais que peu d'auteurs en France qui écrivent encore plus mal que François Bon. Mais comme il s'exprime exactement de même à l'oral, reconnaissons-lui le mérite d'une certaine cohérence.
- Dans la semaine passée, l'autre vice du feuilleton : l'imprégnation présentiste. Entendez l'équivalent à la radio du théâtre du réel, par ailleurs célébré chez Joëlle Gaillot puisque le massacre du théâtre va de pair avec le massacre de la radio. Et ça donne quoi ? Un sujet 'réel - air du temps' donc très banlieue-banlieue, servi par des comédiens 'air du temps', I mean immatures et joyeux d'être là, presque aussi mauvais que Jean-Pierre Léaud mais avec le comique involontaire en moins. Bah comme c'est pour servir un texte creux rempli seulement de son inanité, là encore la cohérence est au rendez-vous. Rendez-vous auquel échappe l'auditeur exigeant.
Déjà 3 paragraphes et 100% de vacheries (soupir). C'est qu'il s'agissait ici d'attirer l'attention des auditeurs exigeants sur le feuilleton de cette semaine et de la prochaine :
Franz Hessel - Promenades dans Berlin. Franz Hessel, c'est le 'Jules' incarné par Oskar Werner dans 'Jules et Jim'. Ceux qui ne connaissent pas Franz Hessel pourraient apprécier de faire connaissance avec le personnage, dans un premier temps par la grâce de ce portrait psychologique signé Jean-Michel Palmier : <<
[...] toute sa vie, Franz Hessel fut d'une étrange générosité. Tous ceux qui l'ont connu soulignent l'impression de gentillesse extrême, de bonté qui émanait de sa personne ... Cette bonté irradiante, ce sens de l'ironie, cette tendresse, on les retrouve à chaque ligne du portrait de Jules par Henri-Pierre Roché : Franz - comme Jules - semble perpétuellement vivre un rêve et rêver sa vie. Sa femme, Helen, restera à jamais celle dont les lèvres portent l'empreinte de ce sourire grec archaïque, contemplé sur une statue. Toute sa vie, il s'entourera d'êtres étranges, célèbres ou insignifiants, qui avaient en commun de l'avoir touché ou fait rêver. >>. Mais encore ? Eh bien encore , on trouvera avant et après ce portrait,
à cette page du site d'Alain Paire ce qu'il est bon de savoir sur Franz Hessel, promeneur de Berlin mais aussi de Munich et de Paris en grand ami de la France où d'ailleurs il finira sa vie en 1941 ; écrivain poète et traducteur, citoyen de l'Allemagne de Weimar ce qui ne lui donna guère d'illusions mais quand même l'amitié de Sigfried Kracauer et de Walter Benjamin. Ouf avec tout ça si on n'a pas un billet en première classe pour France Culture c'est à désespérer. Franz Hessel eut son billet dans le fameux train des Milles, et voila maintenant qu'il a son billet pour le feuilleton de France Culture. Tout est dans l'ordre...
Remarquez, tout cela les gens cultivés le savaient déjà. Seuls les ignorantins ne le savaient pas, entendez -comme votre serviteur- ceux dont la culture dépasse à peine ce qu'on trouve dans les pages de Libé que tout le monde lit. Ceux-là croyaient en avoir assez avec la petite histoire du roman adapté par Truffaut, après tout on a assez répété et recopié que le père de Stéphane Hessel était l'ami proche d'Henri-Pierre Roché, qu'il avait donc en partie inspiré le film de 1962 dont il était un des 3 personnages, et que son fils ainé Ulrich correspond à la dénomination 'le fils de Jules et Jim' entendez le petit garçon qu'on voit au dernier plan du film tandis qu'on entend la dernière phrase "[/i]Kate aurait voulu qu'on jetât ses cendres dans le vent du haut d'une colline - mais cela n'était pas permis[/i]". Le rôle du marmot non dans le film mais dans la vie réelle sera usurpé quelques décennies plus tard donc une fois devenu grand, par un autre fils nommé Stéphane Hessel mais c'est là une autre histoire, et du pinaillage. Heureusement comme ne le dit pas la page Wiki, Franz Hessel était autre chose que seulement le père de l'indigné en chef.
Alors les promenades de Franz Hessel à Berlin, en feuilleton ça donne quoi ? Eh bien avec la sélection de Bruno Tackels + la réalisation d'Etienne Vallès (on ne cite pas toute l'équipe mais c'est vraiment du bon travail) enfin avec la direction d'acteurs d'on ne sait qui -mais peut-être justement qu'à FC on ne sait pas ce que ç'est- , voila que nous échappons aux vices courants des fictions de France Culture : pas de surjeu, pas de cabotinage, au contraire des voix de professionnels soucieux de servir un texte plutôt que de faire un numéro. Résultat : la note juste. Le feuilleton fidèle au paradigme de la maison, dans sa version non politisée.
3 épisodes déjà. Il en reste 7. Le feuilleton n'est pas mort. Il continue son bonhomme de chemin, fidèle à la loi des Fictions sur France Culture : l'alternance du pire et du meilleur. Pour 2 semaines c'est le meilleur. Profitons-en.