Philaunet a écrit:"Dès l’avertissement placé en liminaire, l’auteur affronte « le » problème : « J’ai parlé de Le Corbusier lorsqu’il s’agissait du personnage historique et du Corbusier dans les cas de plus grande familiarité ». Ce qui n’empêche pas les variantes qui donnent du piquant à son portrait : Corbu, maître Corbu, le Corbu ou encore son totem : le Corbeau."
"L'auteur", François Chaslin, sorte d'icône de France Culture pour certains.
http://larepubliquedeslivres.com/prenom-corbu/
Chaslin use ici d'un tour de métier. Tour langagier je veux dire : entre professionnels de l'architecture ou même entre amateurs de cette discipline, ça se fait couramment, comme il le dit, de transformer le "Le" initial de Corbu en article défini. C'est une licence et aussi c'est un peu un clin d'oeil. Je comprends d'ailleurs qu'on pousse l'intransigeance jusqu'au refus de tels accommodements, mais il faut tout de même savoir quand on a affaire à une licence de Chaslin et des architectes, et non à un cuir de Françoise (soigneusement noté par Marcel), ou à une conduite imitative de l'inénarrable Tewfik.
De même je peux vous dire qu'à Cachan dont le maire s'appelait "Le Bouillonnec" (il fut mon avocat dans un procès en diffamation qui me fut intenté il y a 20 ans), on parle à l'occasion "du" Bouillonnec, parfois par familiarité, parfois avec moquerie, ironie ou acidité.
Les professions et d'ailleurs tous les groupes sociaux ont tendance à se créer des usages langagiers qui leurs sont propres. Voila pourquoi ou plutôt comment chez les architectes et non sur Francinculture on parle parfois "du" Corbusier sans que ce soit une faute. Et j'ai encore un autre exemple, très différent mais qui ressortit de même à la licence langagière : Philaunet ou bien Antoine Arnoux je crois, s'était insurgé ici contre l'expression "les enquêtés" qui avait été utilisée par Bourmeau ou Munier probablement ou par un autre chroniqueur traitant de science sociale. L'expression est fautive certes, et il a été dit pourquoi. Sauf qu'elle est passée dans l'usage : dans le milieu des sociologues il est très courant de dire "les enquêtés" ou "la population enquêtée". La formule est devenue courante. Elle signale l'appartenance à la profession.
Anyway, tout ce qui passe dans l'usage n'est pas très agréable à considérer, que ce soit pour l'oreille ou pour le sentiment de la langue. Et d'autant plus agaçant quand l'usage fautif est à la fois universel et commis en toute ignorance de la forme exacte. Ainsi en passant au niveau lexico-sémantique, je vois deux exemples d'usages fautifs dans la dérive de sens qui affecte deux mots (j'en prends 2, seulement 2 ) :
idyllique, entendu ce matin au micro de Munier ;
virulent, lu assez régulièrement dans ce forum :
a) "idyllique" signifie maintenant "paradisiaque" alors qu'une idylle c'est autre chose.
b) "virulent" est couramment employé pour qualifier des propos jugés acides, décapants, ou même agressifs. Alors que ce qui est virulent est ce qui a la propriété de la maladie transmise par un virus : attaquer l'organisme. Mais une critique "virulente" n'attaque aucun organisme : elle manifeste une pensée, en réaction à une autre pensée ou à une action. La formule "critique virulente" est certes une image, mais elle m'apparait maladroite et même quelque peu clichesque sur les bords. Dans une matinale d'octobre 1999 Pierre Assouline avait ironiquement reproché à Jean-François Revel sa "critique virulente" du marxisme. Revel avait répondu : "Ca n'est pas moi qui suis virulent, ce qui est virulent c'est le marxisme ; quand on tue des millions de gens on est assez virulent il me semble".
A mon sens de tels glissements de sens -commis par tous et fréquemment en pleine ignorance du sens initial- sont virulents et autrement dommageables à la langue que ne le sont des licences localisées à un petit groupe social (les architectes, les habitants de Cachan) où elles ont pour fonction première un relatif maniérisme, et pour fonction accessoire de conforter et manifester une appartenance au dit petit groupe.
Remarque : ce post a été modifié. Il contenait une remarque critique qui a déplu, je l'avais mise en ouverture pour répondre à quelque chose qui m'avait déplu et l'engagement un peu armé qui a suivi en a été déplaisant sur un trend continûment croissant. Aussi ai-je préféré effacer cette querelle, car je ne veux ni culpabiliser autrui ni qu'on vienne me culpabiliser ; nous avons déjà fort à faire avec cette entreprise de culpabilisation qu'est FC.
Ce post a été modifié. Il contenait en ouverture une remarque critique en réaction à la dernière ligne citée, délibérément déplaisante. A la suite de ma remarque pourtant succincte et polie, moins ironique que celle à laquelle elle répondait, un échange désagréable en est résulté. C'est fréquemment le cas d'ailleurs, quand je me laisse manipuler par une provocation. Après réflexion j'ai préféré effacer cette querelle, initiée comme d'autres récemment par cet habitué qui pratique un peu trop souvent les jeux transactionnels malsains, d'ailleurs proches de ceux du troll (provocation procès moral, hit and run) quoique sans projet trollesque.