Comme pour l'habillage sonore, mes inquiétudes sur la nouvelle grille ne se sont pas toutes vérifiées. Peut-être qu'OPA et son désir forcené de plaire à tout le monde se sont heurtés à certaines réalités, et il existe donc encore quelques émissions pour adultes, sans démagogie ni populisme, et un rythme encore tranquille, peu bruyant et surtout pas festif. L'énorme écueil, à mon sens, c'est la multiplication quotidienne des relais de sorties culturelles, véritable catalogue de spectacles et de livres dont l'auditeur ne pourra presque rien en faire. C'est le risque de voir la station devenir une grande bande annonce pleine de morceaux de productions culturelles, et qui ne laisse aucun souvenir.
Pire encore, on semble peu capable de créer de nouvelles émissions qui paraissent "fraîches" et enthousiastes. Les nouveaux rendez-vous, pour la plupart, semblent déjà se rapprocher à grands pas de la date de péremption, et on risque de voir, comme par le passé, des émissions décéder en direct, mais continuer à bouger pendant toute une année (je pense à A Suivre, de Vincent Lemerre, par exemple), faute d'imagination et de bouteille radiophonique.
Je trouve que votre slogan, Hérode, est un peu sévère ("Ne perdez pas votre temps avec France Culture ! Lisez, sortez, vivez sans eux. La vraie culture est ailleurs"), car il existe encore quelques producteurs adultes (JM Vacher, F Chaslin, Finkie, JJ Jeanneney etc.). Mais pour le reste, je vois la station comme un grand documentaire involontaire sur un petit milieu, avec chacun dans son rôle. Des producteurs comme Laurent Goumarre, Benoît Lagane, Marie Richeux, Frédéric Martel, SoniaKro, Catherine Clément, Aline Paillier, Arnaud Laporte ont l'air de jouer des personnages dont ont pourrait faire des pièces ou des nouvelles... Et ce grand documentaire nous renseigne tous les jours sur les petits centres d'intérêts de ces producteurs, qui nous offrent toujours un champ très réduit dans la thématique qu'ils se sont choisis : l'histoire, ce sont les conflits et répressions récentes, les sciences c'est la planète en danger, l'international c'est la géopolitique, la sociologie c'est le rapport dominants (occident) dominés (le reste du monde) etc. On a l'impression de suivre une trame narrative à l'écoute de FC : ce n'est plus de la découverte, c'est de la confirmation : "rassurez-vous, nous ne vous parlerons que de ce que nous aimons et défendons." Bravo l'esprit d'aventure. Voilà pourquoi il est difficile d'apprécier une émission comme Pas la peine de crier : on n'y entend des entretiens pénétrés, pleins de silences faussement pensifs et solennels où on débite de fausses grandes vérités et des clichés à la tonne. Bref, l'émission d'une station qui régresse vers l'adolescence.
Je me souviens d'une fiction de samedi soir où le principe était d'imiter une radio de variétés des années 80, ake tutoiement de rigueur, promiscuité, mauvais goût, star du rock has been etc. C'est à ce moment que j'ai compris que ces fameux temps d'antenne qui nous sortent pas les yeux sont en réalité à écouter comme un grand documentaire involontaire sur un petit groupe de personnes peu aventureuses et soucieuses de nous faire savoir qu'ils se sentent bien dans leur rôle.