Une petite curiosité relevée dans la rubrique
Médias du Monde :
A Radio France, un laboratoire pour stimuler la création de podcastsEn quête d’œuvres originales, le groupe veut encourager ses salariés à lancer de nouvelles réalisations.
Dans un marché du podcast en pleine ébullition, Radio France peut se targuer d’avoir misé très tôt sur ces programmes sonores diffusés uniquement en ligne. Et le groupe public entend profiter encore longtemps du succès de ce format. Pour preuve, le « bar à podcasts », annoncé cet été par Sibyle Veil, la présidente de Radio France, a été inauguré mardi 6 novembre à la Maison de la radio.
Chaque mois, dans cet atelier, des journalistes du groupe (France Inter, France Culture, France Bleu, Franceinfo, FIP…) y proposeront les podcasts qu’ils souhaitent créer. Et ce, sous l’œil avisé d’un acteur du secteur qui les aidera à parfaire leur projet.
Pour cette première, l’invité était de taille : Ira Glass, pionnier de ce format outre-Atlantique, dont l’émission de radio « This American Life » a connu un succès planétaire avec son podcast « Serial ». Depuis son lancement en 2014, le feuilleton judiciaire a été téléchargé plus de 340 millions de fois, un record.
« Dans chaque radio du groupe, des salariés ont des idées à proposer, observe Sonia Kronlund, présentatrice de l’émission « Les Pieds sur terre » sur France Culture et responsable de l’initiative. Ce laboratoire leur permettra de les améliorer et de donner à leur projet une chance de voir le jour. »
Concurrence de nouveaux acteurs
Malgré le nom léger donné à ces ateliers, l’enjeu n’est pas anodin pour Radio France. Certes, les podcasts produits par ses antennes revendiquent chaque mois 60 millions de téléchargements – dont 22 millions pour France Culture – contre 49 millions il y a un an. Mais cette audience est encore largement tirée par les réécoutes de programmes. « Il faut que l’on produise davantage de créations originales », souligne Matthieu Beauval, directeur adjoint du numérique du groupe, tout en souhaitant que cette initiative permette à de nouvelles voix d’émerger au sein de la « maison ronde ».
Radio France entend ainsi faire face à la concurrence de nouveaux acteurs de plus en plus puissants sur ce format. Parmi eux : les studios Binge Audio, Louie Media ou Nouvelles Ecoutes. La radio Europe 1 a adopté une stratégie similaire en lançant, au début du mois de septembre, Europe 1 Studio pour développer de tels programmes et des contenus destinés aux assistants vocaux.
Des anciens de la Maison de la radio avaient déjà franchi le pas en lançant leur propre projet : Binge Audio a été fondé en 2016 par Joël Ronez, l’ancien directeur des nouveaux médias de Radio France, et Pascale Clark, l’ex-journaliste de France Inter, a créé le site payant BoxSons en 2017. Mathieu Gallet, le prédécesseur de Sibyle Veil à la tête de Radio France, s’apprête, lui, à lancer Majelan, une application d’écoute de podcasts sur abonnement.Voilà qui laisse profondément perplexe. Notons plusieurs choses :
- Ce fameux âge d'or du podcast, dont nous entendons tant parler, a commencé il y a au moins une décennie (pour être charitable). C'était il y a dix ans, aussi, que Bruno Patino prenait la direction de France Culture, le premier directeur a fait du fameux "virage du numérique" un des axes principaux de son action directoriale. Il s'agissait de rattraper un certain retard en regard d'autres médias publics étrangers (se doter de sites internet plus modernes, généraliser l'accès à la réécoute, développer le podcast d'émissions du programme hertzien, développer une présence dans les réseaux sociaux naissants). Et aujourd'hui, comment tout cela s'est-il développé, notamment à France Culture ? Ben nous avons Superfail et l'Anachronique, c'est à dire le minimum syndical, de l'affichage d'intention sans réflexion de fond. Le moins que l'on puisse dire à la lecture de cet article, c'est que le stade de réflexion sur ces questions semble perpétuellement embryonnaire. On découvre, on admire, on se dit que oui, il faut se développer, imiter ce que font les autres, qui semblent remporter un énorme succès, mais comment ? Pas la moindre idée.
- Ce qui amène au second point : ce qui motive les forces directoriales à Radio France, ce n'est pas un sentiment d'ébullition créative, un débordement d'idées, de formats etc. C'est simplement que d'autres structures produisent des podcasts et que ça marche. Alors il faut faire pareil. De l'imitation sans idées. Alors à qui fait-on appel ?
- Aux personnels déjà installés, sans regard extérieur, sans même se dire que l'âge d'or de la diversité à Radio France fut lorsque le système de production tournante était en place. Ces dernières années, il y a eu des charrettes de producteurs historiques de talent, éliminés sèchement, dont la culture générale et la connaissance du métier auraient été précieuses pour mener ces chantiers. Tant pis, ils ont été mis à la porte, et on les a remplacés par des voix jeunes et des esprits généralistes sans réel parcours culturel. Ce sont des ambianceurs qui essaient de compenser l'absence de fond de leurs émissions en se donnant un genre (promiscuité, faux-jeunisme, langage téléramesque). Et pour chapeauter tout cela ? Rien moins que Sonia Kronlund, la reine du reportage social engagé, voyeuriste, catastrophiste, aigre, populiste et manipulatoire. C'est une admiratrice de This American Life, une émission du service public américain qu'elle connait mal car elle ne semble pas savoir analyser les raisons de son succès (art narratif, croisement des points de vue, imagination dans le choix des sujets etc.). C'est donc
more of the same.
- Est-ce donc un hasard si ce sont les anciens de Radio France qui se lancent dans ces aventures de podcasts ? Cela prouve bien qu'en interne, ce fameux virage est impossible à négocier. Tant que le fonctionnement de la maison ne changera pas, ces intentions ne resteront qu'au stade de réunions mensuelles avec feuilles de route et projets sans concrétisation. La BBC n'a pas eu de gros efforts à faire pour trouver sa place au milieu de cet âge d'or du podcast, car ses formats, par nature, s'y prêtent parfaitement : programmes de stock, contenus soigneusement montés et synthétiques, grande diversité, etc. Radio France est obsédée par le flux, par le commentaire d'actualité, par la conquête de segments d'auditeurs (par âge, par sexe, par profession). C'est un problème pour Radio France quand les auditeurs s'aperçoivent qu'ils reçoivent un contenu beaucoup plus solide, documenté et assemblé (par des podcasteurs amateurs) que dans certaines émissions maison, où l'heure d'écoute ne vous a rien apporté d'autre que le vague ressenti des intervenants sur un sujet qui n'a même pas été défini correctement.
Bref, c'est la concurrence qui pousse Radio France à essayer de sortir de ses habitudes, mais le fonctionnement interne de l'entreprise ne semble pas permettre ces évolutions. Paradoxalement, à France Culture, ce sont les Nuits qui sont l'émission la plus moderne et la plus en phase avec son temps. Pour le reste, ce n'est que de la rediff de commentaire d'actualité (mais attention, "intello", c'est la marque de fabrique de France Culture : on vous dit la même chose que le reste des médias, mais avec un vocabulaire de mauvais sociologue).
Voilà qui ne débouchera pas sur grand-chose car si les idées étaient là, cela ferait au moins dix ans que nous les aurions remarquées, et on ne peut pas dire que l'ambiance, à Radio France, est au débordement d'idées culturelles.