Eh bien merci pour cette agression qui contient elle-même sa part d'attaque personnelle et d'invective, du moins au sens vicié du mot tel que vous-même l'avez employé. Je suppose que vous désirez une réponse dans le même registre, hélas je n'ai pas l'intention de vous agresser même en retour. Au contraire c'est avec sollicitude que je relèverai 3 erreurs grossières dans vos 5 lignes (louable densité) ainsi qu'une quatrième, pardonnable. Je commence par le pire pour finir par le moins grave. J'ajoute que l'ensemble vaut comme défense de mon point de vue sur l'exercice journalistique considéré. Merci de ne pas le prendre mal, cher ami :
a) vous parlez de paranoia là où votre reproche aurait pu être -notez la modalisation de prudence- l'abus d'interprétation. Au pire j'admets verser parfois dans cet abus-là. Mais dans le cas qui nous occupe, non je ne crois pas, et cela j'y reviendrai. En ce qui concerne la paranoïa mon vieux, là c'est autre chose et l'abus est de votre côté : pourquoi user du lexique psychiatrique ? Pour invectiver sans en avoir l'air ? Pour faire genre ? Le noyau sémantique de la paranoia c'est le délire de persécution, fréquemment accompagné d'un imaginaire fantastique. En quoi ai-je joué ici le persécuté ? Votre usage du terme est franchement abusif, dépassant la dérive déjà pénible du sens figuré. Serait-ce par un goût tout rhétorique de l'emphase ? Vous ne gagnez rien à pratiquer ici cet excès que nous endurons bien assez dans nos médias, par exemple (restons dans l'abus du même lexique) quand les Trissotins de FC et d'ailleurs usent à profusion de l'adjectif "schizophrénique" pour qualifier une conduite ou un propos qu'eux-mêmes et parfois eux seuls jugent contradictoire, voire auto-contradictoire, ou même **paradoxal**. Cette emphase prétentieuse et déplacée qui est un mal français, l'humoriste Robert Beauvais l'avait étiquetée "syndrôme du garde-champêtre" (activité estimable, dois-je ajouter pour rester politiquement correct avant d'avoir sur le dos tous les syndicats de garde-champêtre). Je profite de cette conversation amicale et de votre éloignement pour me documenter : avez-vous remarqué la même dérive dans la middle-intelligentsia Etats-Unienne ?
b) invective : là encore il me semble que vous avez bien mal choisi le mot. Si j'avais envoyé à Cécile de Kervasdoué un qualificatif infamant ou insultant, sous la forme [Cette ... de Cécile de K] ou encore [Cécile de K. est une ...] alors oui il y aurait eu invective. Rien de tout cela : j'ai accollé à sa production journalistique de ce jour-là deux qualificatifs violents et réfléchis (je les justifierai sur demande), qui ne déteignent sur elle que pour le lecteur qui pratique l'amalgame. Si tel est votre cas vous m'en voyez désolé, mais je ne suis pas votre gardien même si de votre côté vous jouez parfois à être le mien. Par ailleurs je lui reconnais d'autres qualités journalistiques, saluées en d'autres posts que j'ai pris soin de lienter dans celui-là. Il n'y a donc pas d'invective à la personne, mais la qualification, aussi violente que j'ai pu la faire, de son intervention d'hier matin, parce que je la juge inadmissible.
Je revendique le droit à la critique percutante, voire violente. Je réserve cette critique aux pires moments du programme. Le reste du temps, sans forcer mon naturel j'écris avec mesure, et en faisant la part des choses même quand je commente le travail de Cécile de Kervasdoué.
c) votre troisième erreur grossière : en recrutant la remarque de Brice Couturier vous amalgamez 2 choses qui n'ont rien à voir : a) la couverture de l'événement ; et b) sa complexité, et la réalité des faits. Ce qui s'est passé dans la prison de .. .. .. est de l'ordre de la guerre des gangs. S'il avait fallu résumer l'info en quelques mots, là eut été la formule juste. Que l'épisode ait eu lieu en prison oblige à ajouter l'élément de mutinerie et celui de la corruption. En écoutant la chronique je n'ai entendu que le troisième. Il se trouve que cette réduction rejoint une certaine dérive journalistique, usuelle sur la chaine, ce qui me permet de passer élégamment à :
d) votre erreur légère : aneffet j'ai étendu le sens de cette chronique à une critique implicite du système carcéral. Cette extension figurez-vous que j'y ai pensé en écrivant mes 2 paragraphes, et je l'ai maintenue. Pourquoi ? Parce que la rédaction de France culture est coutumière de ces manipulations sémantiques : Tuerie + Prison = Critique de la prison. Cette critique est évidemment nécessaire, encore faudrait-il qu'elle tombe à bon escient. Est-ce par habitude ou par lassitude que j'ai reconnu ici un élément du paradigme idéologique de France Culture : la pose de justicier et de défenseur des faibles, entendez les exclus, les dominés, les sans-grade, les exploités, les victimes, les malades, les handicapés, les taulards. remarquez que j'en passe, de même que je passe sur les effets pervers de cette posture morale, effets considérables. Il se trouve que cette posture forme un couple avec la soupçonnite accusatoire, un autre vice fort présent à France Culture sous l'influence de toute une part de notre intelligentsia. Cette double posture qui se voudrait vertueuse, est en fait aussi commode que manichéenne : on trouve à France Culture autant de Tartufferie que de Trissottinisme. Et parce que les donneurs de leçon ne se sentent plus, le combat est allègrement étendu pas seulement dans le temps (au détriment du bon sens, d'ailleurs), mais aussi dans l'espace : à toute la planète. Et pourquoi pas au système solaire, on se le demande, ou même à la galaxie (soyons raisonnables et n'allons pas jusqu'à l'Univers entier). Je trouve que Cécile de Kervasdoué, pendant les 2 années où j'ai écouté sa revue de presse, s'est montrée en harmonie constante avec le paradigme idéologique de France Culture, donc régulièrement avec ce manichéisme victimaire lourdaud et son symétrique accusatoire. De là le saut que j'ai fait, et que je ferai encore. Je reconnais qu'il y a dans ma critique une forme d'interprétation : celle de l'extension. Pour s'autoriser cela, il faut une longue expérience d'écoute ayant abouti à une certaine lassitude. Je suppose -ou dois-je l'espérer- que vous en êtes dépourvu.
Je conclurai ma réponse cordiale par un conseil : c'est avec un grand plaisir que je vous lis et encore plus si vous êtes là pour me contredire, éventuellement dans l'intention de me donner des leçons ou même une raclée. Mais si vous voulez que votre leçon porte, de grâce, surveillez votre vocabulaire. Non pour demeurer poli car ce choix vous appartient, mais au moins pour être pertinent et gagner (je n'ai pas écrit 'conserver') quelque crédibilité. Puisque vous semblez soucieux de cette dernière qualité pour les autres, je suppose que la vôtre pourrait vous intéresser.
Pour finir, je réitère sous forme de credo :
- Je revendique le droit à la critique, occasionnellement acide ; et quand le besoin s'en fait sentir, je la fais percutante, même violente. Ceux qui n'aiment pas cela peuvent se rebiffer, mais ça serait bien qu'ils le fassent avec discernement et avec le même ton mesuré qu'ils aimeraient me voir adopter. En clair : je n'ai rien contre les censeurs mais ça serait judicieux qu'ils me censent avec bon sens.
Eh bien mon cher Alain je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'expliquer car voyez-vous j'ai toujours peur d'être lu de travers (ma paranoia, certainement). On recommence quand vous voulez...
Amitiés de votre
Nessie