Au moment où vous publiez votre post, j'écoute le Répliques d'hier matin. Le sujet : où en est la musique contemporaine ? Finkielkraut a choisi de traiter la chose sous l'angle polémique, ou plutôt il se saisit d'un récent éclat de polémique sur la fin de l'atonalité, ou le retour de la tonalité. Notons bien qu'en musique tout court, la question ne se pose même pas. Mais en 'musique contemporaine', ça flingue sérieux, un peu comme une nouvelle version de la querelle entre les anciens et les modernes. Mais peut-être ici que les rôles seraient inversés ? Je ne sais pas. Les deux intervenants ne sont pas sympathiques. Ils ne peuvent pas se blairer. Ils commencent à s'écharper sans même se préoccuper de définir l'atonalisme.
Cette querelle, Finkielkraut tente de la récupérer à son avantage, peut-être pour stigmatiser ce qu'il considère être la merde contemporaine, mais plus probablement parce que c'est l'occasion pour lui d'enfourcher pour 100eme fois le même canasson : les modernes ne se sentent plus, ils dégradent leur propre discipline et en plus ils nous emmerdent. En passant, le producteur se paie le luxe de critiquer, par Renaud Camus interposé, la façon dont on s'occupe de musique à France Culture.
A part ça, Terki, en isolant la phrase de Finkielkraut, vous lui faites dire autre chose que ce qu'elle a effectivement dit : c'était un éloge de Lou Reed, suivant de peu dans la même phrase les Beatles et les Stones. Il n'y avait aucune référence ni à la postérité, ni à la notoriété à venir, ni à l'histoire ni à rien de tout ça. Finkielkraut s'étonne de l'évolution de la terminologie : ce qu'on appelait autrefois la variété et la musique, ont maintenant changé d'appellation. Ah la belle affaire. Mais il n'y avait chez Finkielkraut aucun dénigrement, aucun classement de valeur artistique. Seulement s'il y a < musique > et < Musique >, Finkielkraut s'intéresse au recul de la seconde, entendez la musique savante. Le point de vue est clair et n'a rien de bien original : en liquidant la mélodie et l'harmonie (en un mot : l'esthétique) pour la remplacer par un ésotérisme esthétique, ce qu'on appelle la musique contemporaine a expulsé de son public ceux qui aiment la beauté. Arrivé à 15 minutes d'émission, l'auditeur sent venir un débat déjà 1 000 fois entendu, entre deux types antipathiques qui vivent chacun dans une tour musicale où il y a tout juste de la place pour leur tête surenflée.
L'ironie est que dans l'art contemporain et dans la musique du même nom, s'il y a toujours des artistes officiels au gout de chiotte, eh bien ce ne sont plus des mandarins du pompiérisme car ils ont été remplacés par des mandarins de l'imbittable. Dans le même temps très logiquement, la société a suivi : puisque la musique savante est inaudible, on appellera musique ce qui était jusque là de la musique populaire. Dans le même temps, le terme lui-même sera refusé par le moralisme contemporain qui l'interprètera comme un mépris. Une fois le terme 'populaire' abandonné, la seule comparaison entre les deux sera à son tour pourchassé par les mêmes censeurs. Et sans vouloir aucunement agresser Terki, il me semble que son commentaire va exactement dans ce sens.
L'émission, quant à elle, a le défaut de proposer un débat sans un seul exemple d'illustration. Manoury le dit, à plusieurs reprises, tout en assénant ses arguments, mais je ne suis pas certain qu'il aie raison de s'en plaindre. Perdu dans son nuage mandarinal d'où il fait pleuvoir une pluie de mépris, il semble avoir oublié que bien souvent la musique contemporaine donne effectivement envie de fuir.
Dernière édition par Nessie le Mar 19 Nov 2013, 11:10, édité 2 fois