La France de Raymond Depardon est manifestement une France bien différente de celle qu'il côtoie à Paris. Presque une France étrangère, qu'il ne faut pas brusquer, de peur de l'effrayer. Cachons la caméra derrière une paroi, on ne sait jamais, cela pourrait interloquer les curieux (pourquoi pas, si cela sert le dispositif).
Au chapitre : Raymond Depardon a tellement de respect pour les provinciaux qu'il est à deux doigts de les prendre pour des cons (mais non, c'est de la maladresse of course), nous avons :
3'03'' : Il y avait quelque chose d'élégant dans les gens qui parlent dans les lieux publics comme ça : cafés terrasses qui sont pas très nombreux dans les petites villes. Mais quand même, il y a quelque chose peut-être qu'on voit pas peut-être à Paris, ou dans l'Ile-de-France, ou dans les grandes villes. On voit pas les gens discuter, on les regarde pas. Et là, il me semblait, et je me suis dit, c'est ça, mais comment les filmer ? Si j'arrive avec ma caméra, au milieu de tout ça, ça va faire un petit peu un barnum, et j'aime pas trop ça, le côté cinéastes qui font un peu barnum, c'est peut-être valable dans certains cas, mais surtout, il faut rester très modeste avec ces gens, il faut pas..., voyez il faut se mettre à leur hauteur, c'est ce que m'a appris un peu le fait que j'ai commencé très tôt dans les années 60 où il y avait des journalistes qui passaient de princesses à faits divers (...). Se mettre à la hauteur des gens, disons presque de changer de veste en fonction si on va à l’Élysée bien sûr ou si on va à Tarbes, il faut un peu s'habiller comme les gens de Tarbes. Voilà, faut pas arriver trop avec...
6'52 : On a l'impression, des rumeurs qui disent que les gens sont très en colère, qu'ils sont dans une situation épouvantable, qu'ils vont faire un vote sanction, bon moi j'en sais rien, puisque j'y suis pas. Je suis comme vous, je fais des allers-retours comme ça. Et donc, allons voir à Tarbes, allons voir à Charleville-Mézières, peut-être sans leur poser de questions. Surtout sans leur poser de questions. Parce que je me suis aperçu que tout répondait. Enfin, moi je fais du cinéma direct depuis très longtemps, mais le cinéma indirect, c'est une règle pure et dure : on ne pose pas de question.
8'06'' : Mais là, je me suis dit : peut-être qu'il faudrait essayer au-delà et essayer d'écouter ces accents d'abord aussi, ces façons de parler : est-ce que y'en a ou ça existe pas ? Du fait que j'ai tourné au nord et au sud et à l'ouest bien sûr (...). Le centre c'est vrai que c'est le seul endroit où on fait deux, trois cents kilomètres, ça change pas grand chose hein, y'a le clocher, la mairie, la place du village, ça bouge pas trop. Les accents se sentent pas trop.
10'44 : Et puis, j'ai fait le sud-ouest, quand même qui est Tarbes, tout ça, qui voilà, on voit bien, qui est tiraillé entre aller faire des études à Toulouse ou aller travailler dans les hôtels de Lourdes, donc il y a des problématiques comme ça. Tarbaises, Tarbais, confirmez-vous ?
Michel Ciment n'est pas en reste : 12'25'' : Alors justement, Raymond Depardon, vous (...) n'allez pas jusqu'à Paris. Est-ce que vous pensez que si vous aviez tourné dans Paris, ça aurait changé un peu le climat du film ? Que les Parisiens auraient plus parlé de sujets politiques par exemple, parce que ce qui est très frappant, (...) c'est que ces Français parlent de tas de choses, de la sécurité sociale, de l'avortement, de tas de problèmes de société, mais pas vraiment de politique. Depardon : _ Oui, c'est vrai que ç'a été ma surprise. Alors quelqu'un m'a dit : quand tu mets deux personnes, forcément c'est de l'intime. On a de l'intime incroyable.
14'05'' : Ciment encore : Mais vous pensez qu'à Paris, on est plus spontanément vers le politique que dans les régions ? _ Oui, parce que déjà à Villeneuve-Saint-Georges, on a quand même une personne, ça m'aurait embêté de pas l'avoir, parce que c'est quand même parait-il, une des grandes constances de l'opinion française : il y a trop d'étrangers en France, là à Villeneuve-Saint-Georges. Alors, c'est vrai que Villeneuve-Saint-Georges, les Parisiens ont peut-être une certaine façon de parler qu'est pas la même qu'en régions. Ces villes-moyennes-là, je me suis aperçu qu'elles avaient pas la langue de bois quand même, qu'elles étaient même au contraire sans réserve, peut-être plus que nous dans l'Ile-de-France, parce qu'elles ont pas de transports en commun, elles ont un peu de voiture peut-être quelque fois comme ça, 5-10 minutes, et elles sont chez elles. Et donc, elles ont un langage assez direct, même un peu trop, puisque ça révèle aussi quand même énormément de problèmes dans les relations hommes-femmes (...).
15'30'' : Au point de départ, dans ces villes-là, quand on croise quelqu'un, on dit bonjour. Ici à Paris, on ne dit pas bonjour. Peut-être qu'on aurait trop de bonjour à dire. Mais c'est comme ça. Et c'est vrai que quand on arrive dans ces villes, moi je suis surpris. « Bonjour Monsieur », On croise quelqu'un, tu le connais pas, il te dit bonjour.
15'54'' : Les grandes villes, j'aurais peut-être obtenu quelque chose dû au fait que l'information n'est pas la même. On a l'impression que ici, voilà on lit un quotidien, un journal du soir ou le matin, et que - ils le lisent bien sûr parce que la PQR [Presse Quotidienne Régionale] est présente dans ces villes-là, mais peut-être que quand tu lis un journal de régions, ç'a pas du tout la même construction qu'un journal de grande ville, c'est-à-dire les faits divers sont tout de suite apparents, c'est flagrant. La politique étrangère bien sûr qu'est très loin. Et les catastrophes qu'arrivent. Et la politique bien sûr nationale est présente mais elle est pas perçue, j'ai l'impression (...)
18'02'' : On [avec Claudine Nougaret, sa femme/preneuse son] a vu des femmes volontaires pour venir, et des discours assez... vraiment... incroyables, et je pense pas qu'on les aurait eus sur Paris, j'ai l'impression que les choses ne sont pas tout à fait pareilles Et puis aussi les jeunes là, certains, qui venaient dans la caravane, nous exposer des choses incroyablement..., oui, moi j'avais l'impression ou tous les cas, peut-être qu'elle existe aussi en Ile-de-France mais pas de la même manière, enfin voilà, c'était direct comme ça, se vantant de certaines choses et de certains exploits. Et ça, ça nous a surpris, parce qu'on a toujours peut-être vu de Paris, l'impression que la société avance, qu'on est en 2016, que la liberté - il n'y a plus de guerres des sexes, on n'en plus là quand même, il y a la parité, enfin on essaye (...).
31'08'' : (...) les gens sont quelquefois un peu effondrés parce que les gens parlent mal. Oui, bah voilà, c'est comme ça, les gens sont pas comme les speakers de radio, de la télévision. Mais il faut savoir que les gens lisent aussi - les speakers de radio -, ils ont des textes, et là, c'est un langage parlé (...)
Se mettre à la hauteur des gens ? C'est-à-dire au ras des pâquerettes ? Un peu comme le français parlé de Depardon en somme : 5'36'' : Y'a des villes que j'avais envie d'aller, je ne sais pas pourquoi, j'avais passé à côté. 36'42'' : Le fait de tourner du direct en scope, ça m'a révolutionné, parce que on a les deux personnes dans le champ ce qu'on n'avait pas le cas avant.
Au rayon banalités, nous trouvons : 6'08'' : Parce que quand on dit : on veut filmer les français, c'est pas facile. Parce qu'ils nous échappent. Six mois de l'année, à 6 heures du soir, il y a plus personne.
Au rayon incroyable / incroyablement, l'entretien compte son lot non négligeable, inutile de tout retranscrire, il y en a assez ci-dessus.
Raymond Depardon n'est pas un mauvais bougre. Sa trilogie notamment (dont La vie moderne) sur le monde paysan (dont ses parents sont issus) parle pour lui. Sa parole emplie de clichés aurait dû être relativisée par Michel Ciment. Un peu de tact ne l'aurait pas desservie. Mais inutile de compter sur lui. Les clichés sont peut-être le passage obligé de n'importe quel entretien. Sinon, on ne dirait plus rien ?
Seuls passages intéressants : quand Depardon compare ses conversations filmées de profil aux tableaux de la Renaissance des hautes castes (vers 25'), et quand il parle technique, à la fin.
Au chapitre : Raymond Depardon a tellement de respect pour les provinciaux qu'il est à deux doigts de les prendre pour des cons (mais non, c'est de la maladresse of course), nous avons :
3'03'' : Il y avait quelque chose d'élégant dans les gens qui parlent dans les lieux publics comme ça : cafés terrasses qui sont pas très nombreux dans les petites villes. Mais quand même, il y a quelque chose peut-être qu'on voit pas peut-être à Paris, ou dans l'Ile-de-France, ou dans les grandes villes. On voit pas les gens discuter, on les regarde pas. Et là, il me semblait, et je me suis dit, c'est ça, mais comment les filmer ? Si j'arrive avec ma caméra, au milieu de tout ça, ça va faire un petit peu un barnum, et j'aime pas trop ça, le côté cinéastes qui font un peu barnum, c'est peut-être valable dans certains cas, mais surtout, il faut rester très modeste avec ces gens, il faut pas..., voyez il faut se mettre à leur hauteur, c'est ce que m'a appris un peu le fait que j'ai commencé très tôt dans les années 60 où il y avait des journalistes qui passaient de princesses à faits divers (...). Se mettre à la hauteur des gens, disons presque de changer de veste en fonction si on va à l’Élysée bien sûr ou si on va à Tarbes, il faut un peu s'habiller comme les gens de Tarbes. Voilà, faut pas arriver trop avec...
6'52 : On a l'impression, des rumeurs qui disent que les gens sont très en colère, qu'ils sont dans une situation épouvantable, qu'ils vont faire un vote sanction, bon moi j'en sais rien, puisque j'y suis pas. Je suis comme vous, je fais des allers-retours comme ça. Et donc, allons voir à Tarbes, allons voir à Charleville-Mézières, peut-être sans leur poser de questions. Surtout sans leur poser de questions. Parce que je me suis aperçu que tout répondait. Enfin, moi je fais du cinéma direct depuis très longtemps, mais le cinéma indirect, c'est une règle pure et dure : on ne pose pas de question.
8'06'' : Mais là, je me suis dit : peut-être qu'il faudrait essayer au-delà et essayer d'écouter ces accents d'abord aussi, ces façons de parler : est-ce que y'en a ou ça existe pas ? Du fait que j'ai tourné au nord et au sud et à l'ouest bien sûr (...). Le centre c'est vrai que c'est le seul endroit où on fait deux, trois cents kilomètres, ça change pas grand chose hein, y'a le clocher, la mairie, la place du village, ça bouge pas trop. Les accents se sentent pas trop.
10'44 : Et puis, j'ai fait le sud-ouest, quand même qui est Tarbes, tout ça, qui voilà, on voit bien, qui est tiraillé entre aller faire des études à Toulouse ou aller travailler dans les hôtels de Lourdes, donc il y a des problématiques comme ça. Tarbaises, Tarbais, confirmez-vous ?
Michel Ciment n'est pas en reste : 12'25'' : Alors justement, Raymond Depardon, vous (...) n'allez pas jusqu'à Paris. Est-ce que vous pensez que si vous aviez tourné dans Paris, ça aurait changé un peu le climat du film ? Que les Parisiens auraient plus parlé de sujets politiques par exemple, parce que ce qui est très frappant, (...) c'est que ces Français parlent de tas de choses, de la sécurité sociale, de l'avortement, de tas de problèmes de société, mais pas vraiment de politique. Depardon : _ Oui, c'est vrai que ç'a été ma surprise. Alors quelqu'un m'a dit : quand tu mets deux personnes, forcément c'est de l'intime. On a de l'intime incroyable.
14'05'' : Ciment encore : Mais vous pensez qu'à Paris, on est plus spontanément vers le politique que dans les régions ? _ Oui, parce que déjà à Villeneuve-Saint-Georges, on a quand même une personne, ça m'aurait embêté de pas l'avoir, parce que c'est quand même parait-il, une des grandes constances de l'opinion française : il y a trop d'étrangers en France, là à Villeneuve-Saint-Georges. Alors, c'est vrai que Villeneuve-Saint-Georges, les Parisiens ont peut-être une certaine façon de parler qu'est pas la même qu'en régions. Ces villes-moyennes-là, je me suis aperçu qu'elles avaient pas la langue de bois quand même, qu'elles étaient même au contraire sans réserve, peut-être plus que nous dans l'Ile-de-France, parce qu'elles ont pas de transports en commun, elles ont un peu de voiture peut-être quelque fois comme ça, 5-10 minutes, et elles sont chez elles. Et donc, elles ont un langage assez direct, même un peu trop, puisque ça révèle aussi quand même énormément de problèmes dans les relations hommes-femmes (...).
15'30'' : Au point de départ, dans ces villes-là, quand on croise quelqu'un, on dit bonjour. Ici à Paris, on ne dit pas bonjour. Peut-être qu'on aurait trop de bonjour à dire. Mais c'est comme ça. Et c'est vrai que quand on arrive dans ces villes, moi je suis surpris. « Bonjour Monsieur », On croise quelqu'un, tu le connais pas, il te dit bonjour.
15'54'' : Les grandes villes, j'aurais peut-être obtenu quelque chose dû au fait que l'information n'est pas la même. On a l'impression que ici, voilà on lit un quotidien, un journal du soir ou le matin, et que - ils le lisent bien sûr parce que la PQR [Presse Quotidienne Régionale] est présente dans ces villes-là, mais peut-être que quand tu lis un journal de régions, ç'a pas du tout la même construction qu'un journal de grande ville, c'est-à-dire les faits divers sont tout de suite apparents, c'est flagrant. La politique étrangère bien sûr qu'est très loin. Et les catastrophes qu'arrivent. Et la politique bien sûr nationale est présente mais elle est pas perçue, j'ai l'impression (...)
18'02'' : On [avec Claudine Nougaret, sa femme/preneuse son] a vu des femmes volontaires pour venir, et des discours assez... vraiment... incroyables, et je pense pas qu'on les aurait eus sur Paris, j'ai l'impression que les choses ne sont pas tout à fait pareilles Et puis aussi les jeunes là, certains, qui venaient dans la caravane, nous exposer des choses incroyablement..., oui, moi j'avais l'impression ou tous les cas, peut-être qu'elle existe aussi en Ile-de-France mais pas de la même manière, enfin voilà, c'était direct comme ça, se vantant de certaines choses et de certains exploits. Et ça, ça nous a surpris, parce qu'on a toujours peut-être vu de Paris, l'impression que la société avance, qu'on est en 2016, que la liberté - il n'y a plus de guerres des sexes, on n'en plus là quand même, il y a la parité, enfin on essaye (...).
31'08'' : (...) les gens sont quelquefois un peu effondrés parce que les gens parlent mal. Oui, bah voilà, c'est comme ça, les gens sont pas comme les speakers de radio, de la télévision. Mais il faut savoir que les gens lisent aussi - les speakers de radio -, ils ont des textes, et là, c'est un langage parlé (...)
Se mettre à la hauteur des gens ? C'est-à-dire au ras des pâquerettes ? Un peu comme le français parlé de Depardon en somme : 5'36'' : Y'a des villes que j'avais envie d'aller, je ne sais pas pourquoi, j'avais passé à côté. 36'42'' : Le fait de tourner du direct en scope, ça m'a révolutionné, parce que on a les deux personnes dans le champ ce qu'on n'avait pas le cas avant.
Au rayon banalités, nous trouvons : 6'08'' : Parce que quand on dit : on veut filmer les français, c'est pas facile. Parce qu'ils nous échappent. Six mois de l'année, à 6 heures du soir, il y a plus personne.
Au rayon incroyable / incroyablement, l'entretien compte son lot non négligeable, inutile de tout retranscrire, il y en a assez ci-dessus.
Raymond Depardon n'est pas un mauvais bougre. Sa trilogie notamment (dont La vie moderne) sur le monde paysan (dont ses parents sont issus) parle pour lui. Sa parole emplie de clichés aurait dû être relativisée par Michel Ciment. Un peu de tact ne l'aurait pas desservie. Mais inutile de compter sur lui. Les clichés sont peut-être le passage obligé de n'importe quel entretien. Sinon, on ne dirait plus rien ?
Seuls passages intéressants : quand Depardon compare ses conversations filmées de profil aux tableaux de la Renaissance des hautes castes (vers 25'), et quand il parle technique, à la fin.