C'est dans la XVIIIe des Histoires désobligeantes, intitulée "Le téléphone de Calypso", qu'on trouve au beau milieu du récit ce petit délire imprécatoire tout à fait savoureux et qui rend son auteur reconnaissable entre mille :
"J'ouvre ici une parenthèse -tout à fait inutile d'ailleurs- pour dire que le téléphone fait partie de mes haines.
Je prétends qu'il est immoral de se parler de si loin, et que l'instrument susdit est une mécanique infernale.
Il est bien entendu que je ne puis alléguer aucune preuve de l'origine ténébreuse de cet
allonge-voix" et que je suis incapable de documenter mon affirmation. Mais j'en appelle aux gens de bonne foi et d'esprit ferme qui en ont usé.
Le bruissement de larve qui précède l'entretien n'est-il pas comme un avertissement qu'on va pénétrer dans quelque confins réservé où la terreur, peut-être, surabonde.... si on savait ?
[...]"
(Ca dure comme ça pendant presque une page avant la reprise du récit)Ceci pour compléter ou complémenter mais non pour complimenter notre bon Chardantzig qui a consacré son dernier
Secret professionnel de l'année à la place du téléphone dans les arts. Avec le secours du cinéaste Pascal Thomas, nous comprenons que le slapstick pouvait difficilement se passer du téléphone et pas seulement du téléphone bourgeois : imagine-t-on un bureau de flics et donc les Keystone Cops sans '
allonge-voix' ? En art pictural, nous apprenons qu'il n'y a pas de téléphone dans les tableaux de Léonard ni même de Delacroix ;il aura fallu attendre Dgeorges Braque. Et en littérature ? Eh bien il est d'usage de gober et de répéter qu'environ 40 ans après son invention enfin le téléphone apparaît dans la "Recherche" (comme on dit). Voila du moins ce que conjecture notre gentil Charles, qui doit bien sentir qu'il est en train de nous servir un cliché péri-proustien, usé par les producteurs de France Culture qui ne risquent pas de se ridiculiser puisqu'ils s'adressent à des néo-lecteurs. Pauvre Charles, à l'écouter, on devine qu'il n'y croit pas lui-même.
Et il a bien raison, comme le montre le début de ce post. D'où ma surprise de voir qu'on peut rappeler une évidence à ce pourtant fin connaisseur de la littérature Fin de siècle. Comment diable peut-on perdre le souvenir d'un tel délire ? Cela dit, l'édition courante qui réunit "Histoires désobligeantes" avec "Belluaires et porchers"en recèle une telle quantité....