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Bref plus ça va, plus ça craint sur FC...
J'ajoute mon second motif de hurlement, celui-là remonte à hier soir : après
Mitsouko, voici mon tour d'assaisonner l'émission de Joelle Gayot qui ne les rate pas toutes sauf quand elle en loupe pas une. Eh bien hier soir c'était le second cas : je ne sais pas lequel des deux invités, de Christian Schiaretti ou d'Olivier Bara, nous a infligé la lecture archi-populiste de Ruy Blas. Lecture littéralement envahie par la palette des concepts de la contemporaine indignature. Il est probable que ça n'est pas entièrement injustifié, car Hugo savait penser peuple. N'empêche, nombre des interprétations de l'invité doivent leur présence à l'air de notre temps plutôt qu'à Hugo, et à la sauce idéologique façon lutte des classes qui règne à France Culture, presque sans partage. Résultat : tremblez, puissants, car le peuple (mais éduqué tout de même, atassion) peut se retrouver au pouvoir (mais symboliquement et par une manipe) ; et ensuite quelle noblesse dans la conduite de César de Bazan qui au 4eme acte préfère distribuer de l'argent aux pauvres, gratuitement et au mépris de ses propres dettes, ahahaha prenez-en de la graine hein les z'affreux de la Bbbbbbbanque. Hugo qui avait prévu les subprime et l'endettement de la Grèce, nous indique ici la voie à suivre. On se demande par quelle bizarrerie Hugo n'a pas aussi donné un rôle -symbolique- aux agences de notation mais on peut compter sur Schiaretti pour les dénicher derrière une tenture ou plutôt dans les motifs du décor tout en azulejos. Bon ça suffit : les clichés de l'air du temps saturent l'émission, comme ils saturent le monde artistique, et en ce sens France Culture est fidèle à son époque. Et donc à sa vocation ? Là il est permis de douter...
De même le meurtre de Salluste par Ruy dans le dernier acte, est lui aussi récupéré en dépit du bon sens par l'idéologue invité, qui oublie tout simplement qu'il s'agit d'un drame romantique, et limite sa lecture au message idéologique. Il suffit d'avoir lu une fois la pièce même distraitement pour voir ce qu'il y a de proprement divaguant dans l'interprétation qu'on vient ici nous servir. Pour autant, il n'y a pas vraiment de scandale car les oeuvres sont faites pour être interprétées, et puis en l'occurrence la médiocrité est moins scandaleuse que ridicule. Mais qu'on vienne nous dire là-dessus que ça prouve l'universalisme de Victor Hugo, là il y a de quoi rigoler. Donc on rigole.
Il faut dire que ça avait très mal commencé : en ouverture de l'émission, l'auditeur se voit infliger une pâle version de la tirade du IIIe acte qui est un des sommets de la pièce, ici saccagée par une sobriété des plus mal venues. En un temps où la scène du théâtre est transformée en podium pour hystériques et histrions qui, tout à leur joie d'en faire des caisses, confondent servir le rôle et servir sa gueule par l'agitation ou le forçage, eh bien d'en choper un qui se paie le luxe de susurrer ce grand morceau où il est indispensable de savoir hurler, voila qui en dit long sur le renversement des valeurs esthétiques. Et -sauf aux militants alter qui ont déjà pris leurs billets- ça ne donne sûrement pas envie d'aller le voir ce Ruy Blas. Au bout du compte, en nous évitant le déplacement Joelle Gayot joue à revers mais assez justement son rôle de médiation-prescription.