De ces deux émissions, la première « Bonjour Monsieur Rabelais », s’étend sur un peu moins de 80 minutes et se présente comme un numéro de Une vie une œuvre, si l’œuvre se limitait au premier livre entendez Gargantua qui est le premier de la geste sinon le premier paru. Aïe, aïe, une vie et pas beaucoup de l'oeuvre, serait-ce donc un traitement à la façon de Bébé-Matthieu ?? Certes non. Le reste de l’œuvre viendra à son tour du moins en partie : en deuxième semaine c'est-à-dire pour nous juste après la première, vers 4h50.
Une fois passé les éléments de base que réclame l’exercice biographique, ce premier volet est consacré aux grands thèmes de Rabelais : Rabelais l’hérétique mais c'est par souci de tolérance ; et aussi Rabelais le médecin ou bien carrément l’inventeur en chirurgie ; et encore ou enfin de Rabelais le théoricien de l'éducation. Religion, médecine, éducation : il semble que les Institutions en prennent pour leur grade, mais comme on l’apprendra en début du second volet de la voix de Charbonnier lui-même désireux de corriger une illusion : selon lui, ce qu’il faut y voir est non de la subversion mais de la critique des excès et détournements des institutions. Laissons l'auditeur juge.
Quant aux extraits choisis : naissance de Gargantua, guerre picrocholine, règlement de Thélème, ils brillent sinon par l’originalité du choix, du moins par le rendu radiophonique : l’interprétation, l’ambiance, le dynamisme de l'ensemble, ont tout pour charmer l'auditeur exigeant. De même les développements historiques, et l’analyse stylistique des différents procédés du comique, l’énumération, l’accumulation, le jeu de mot et la rupture de ton, la parodie.
Ainsi pendant ces 80 minutes s’enchainent les moments attendus (la guerre picrocholine, les préceptes Thélémites) et les surprises, prévisibles ou non. Parmi les prévisibles : Jean Topart en récitant (occasionnel) ainsi que quelques autres grandes voix : celle de Pierre Bertin toujours pétulant d’outrance (33e minute) , celle de Temerson (de 50 à 53). Je n'ai pas réussi à identifier Teddy Billys ni Daniel Ivernel, et pas non plus Dufilho, trois voix pourtant connues.
Et puis comme surprise réelle entendez inattendue autant qu'heureuse, on trouvera notamment la voix d’André Frédérique et pas seulement pour cette fois, de sa poésie. André Frédérique était ce personnage inadmissible et inclassable, débonnaire et suicidaire, pharmacien torpilleur d’officines -les siennes- et au bordel essayeur de dames -les autres. Poête de l’humour noir au rire désespéré, intervieweur de poireau lors d’une soirée du club d’essai, inventeur de l’expression « second degré » et responsable de la migration lexicale qui d’un synonyme argotique de parapluie, fit un qualificatif désobligeant (« ringard »), Frédérique est ici présenté par Dgeorges Charbonnier comme un héritier de Rabelais en fantaisie. C’est bien discutable et d’ailleurs lui-même au micro de Charbonnier, ne se fait pas faute de contester le rapprochement. Toujours préoccupé de se mettre à dos la plus grande quantité possible de personnes, non seulement il se déclare anti-rabelaisien mais encore il avance que c’est là l’occasion quasi-unique de donner raison aux surréalistes, qui eux non plus n’aimaient pas Rabelais. Ce passage, qui dure de la 60e à la 66e minute, est une des surprises de l'émission.
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Dernière édition par Nessie le Lun 24 Mar 2014, 18:58, édité 2 fois