Je m'attendais au pire avec le voisinage de l'élection présidentielle et, pour parler comme nos amis d'Outre-Jura, j'ai été déçu en bien. Est-ce le renouvellement partiel des cadres, est-ce la qualité des sujets abordés (bonne émission de fin d'année sur Astérix, à mon sens) ? Toujours est-il qu'il me semble que les propos sont à la fois plus riches, moins attendus, et que finalement une forme de confrontation, non des idées (n'exagérons rien, on est sur France Culture sous Poivre vert...), mais des opinions se fait enfin jour.
Ainsi de notre bon Bourlanges. Ah, on le croyait définitivement sommeillant d'un bon sommeil tranquille de centriste, notre Bourly, ronronnant matoisement façon chat-chat à sa mémère au coin du radiateur, ne s'éveillant que pour s'étirer paresseusement en deux parties-deux sous-parties-en tant que centriste je suis partagé. Eh bien non, Bourly sort encore ses griffes, et quand il les sort, c'est bien ajusté, comme le révéla l'émission de dimanche dernier sur la Hongrie. La bonne Sylvie Kauffmann, voix MRP-oïde du Monde et donc Meyerocompatible (je suis méchant : Kauffmann ne manque pas de considérations intéressantes, notamment en politique internationale), nous expliquait qu'il ne fallait point trop flétrir le bon Viktor Orbàn, certes point un fasciste, mais enfin, assez proche au physique comme au moral de l'Amiral Horthy, car en somme, le bô Viktor était le fruit d'une belle révolte anti-communiste qu'il n'avait pu mener en son temps à son terme, battu traîtreusement par des socialistes vaguement totalitaires et franchement incompétents en matière économique (ce qui est vrai, mais je me souviens d'un temps où le Monde louait l'ardeur dérégulatrice des socialistes hongrois. Sic transit...). Bref, le cher homme menait un programme de rupture, un peu franche certes, mais qu'il fallait comprendre dans ce pauvre pays victime tant des Communistes que de la méchanceté des Alliés en 1918. Orbàn victime de sa mission historique en quelque sorte.
Ici : une incise. Rien ne fait plus m'esclaffer que de constater la gêne des libéraux à flétrir la dérive d'Orbàn, qui fut, mais n'est plus, le prototype du héros "Mitteleuropa" de 1989 combattant pour la démocratie de marché. Grand moment la semaine précédente chez Colombani, où, après un épisode de colère sacrée dudit Colombani contre les menées constitutionnelles de la Fidesz, M. Casanova, qui a pourtant généralement un avis sur tout et même sur ce qu'il connaît mal, s'est piteusement, voire péteusement, contenté d'un "je ne connais pas la question, que je ne commenterai donc pas...". Je comprends bien qu'il est difficile pour M. Casanova de dire du mal d'un monsieur avec qui il a dîné dans le cadre des rencontres du groupe Bilderberg et à qui on a tressé des couronnes dans Commentaire mais enfin, je ne comprends guère pourquoi on ne pourrait pas, dans un même mouvement , flétrir le Caudillo de Caracas et l'Ubu Danubien. Bref.
Mon Bourly de s'ébrouer alors et de rappeler quelques vérités bien senties dont on retenait, sous mes applaudissements :
-que le Traité de Trianon n'était que la conséquence de la folie des Hongrois eux-mêmes, qui n'eurent de cesse de combattre pour leur liberté avant que d'asservir plus étroitement encore les peuples qui leur étaient soumis dans les pays de la Couronne de Saint-Etienne.
-qu'Orbàn et son mouvement avaient désormais autant de rapports avec le centre-droit qu'une carotte avec un autobus.
-que l'anticommunisme de façade n'était qu'un instrument de légitimation d'un gloubi-boulga nationaliste-dirigiste qui, d'ailleurs, n'est pas sans évoquer le programme actuel du FN, avec d'ailleurs les mêmes succès économiques probables.
-qu'on peut apprécier le talent du jeune Alain Delon et considérer que le vieil Alain Delon est devenu un histrion pathétique et insupportable.
Trois minutes de démonstration claire et nerveuse. Pas entendu chez Meyer depuis au moins deux ans. Mais, là encore, tout reverdit. Pech a parfois d'intéressants développements, Le Boucher a cessé d'employer ce pénible ton condescendant de parvenu au Rotary, même Max Gallo réussit de temps en temps à émettre une idée originale qui ne soit pas un tract à la gloire de Népoléon IV ou une resucée de revue de presse -ou plutôt de revue de presque.