munstead(https://regardfc.1fr1.net/t94p610-les-journaux-et-la-redaction-de-fc#30310) a écrit: Donc, dans le cadre de ce forum, je me suis consacré à de petites remarques relevant de l'analyse de contenu de base dans un domaine qui m'est assez familier, la politique au sens le plus large. Je laisse à nos amis à la capacité d'écoute prodigieuse (Philaunet, Yann 114) les commentaires sur les émissions plus nobles. (...)
@ munstead : vos posts dans ce fil ou dans d'autres sont précieux pour ce forum, ils signalent le type de journalisme pratiqué par la Rédaction de FC, ils corrigent ce qui doit l'être et sont des rappels à la vigilance. Soyez en remercié et ne vous privez pas de participer.
Revenons au sujet de ce fil, après une petite passe d'armes amusante, avec le journal de 12h30 d'hier (comme exemple de bonne pratique, je donne la référence à l'émission :
Journal de 12h30 du 09/03/2018). L'invité était Roland Gori.
Comment aborder ce journal ?
Avec l'invité : il est présenté comme "psychanalyste" par Antoine Mercier. Sur la page du site il est : "Psychanalyste et professeur émérite de psychologie et de psychopathologie clinique à l'université Aix-Marseille".
Ah, les omissions bienveillantes de France Culture... Roland Gori n'est pas connu pour être psychanalyste, mais pour être l'un des fers de lance de "l'Appel des appels", association militante particulièrement active à Strasbourg où le groupe a table ouverte à la Librairie Kléber (Gori vient d'ailleurs d'y être de nouveau invité). Les idées défendues par cette association sont à retrouver sur le site qui la présente et explicites dans le descriptif du
Manifeste Politique des métiers*. Après lecture de ce descriptif, le psychanalyste prend déjà un autre relief comme commentateur à France Culture... (tiens pourquoi ne pas lui donner une heure par semaine, en remplacement de Finkielkraut ? Sans doute un rêve de Sandrine Treiner...)
Antoine Mercier n'a pas précisé que notre homme publiait dans l'Humanité. On ne peut pas tout dire. Le descriptif "psychanalyste", très valorisé à FC, suffit bien (l'invité préfère dire qu'il intervient comme "citoyen"). L'omission et la troncation sont de grands classiques de la malhonnêteté intellectuelle, celle que l'on voit par exemple à l’œuvre de loin en loin sur ce forum.
Donc Roland Gori, dont Mercier ne cite pas (comme c'est dommage !) le livre de 2015,
L'individu ingouvernable, dont je reproduis la présentation qui vante ses idées (lesquelles rappellent quelque chose...) : "
L'histoire serait-elle un éternel recommencement ? Les pratiques libérales de gouvernement en organisant la société sur les valeurs bourgeoises de compétition et d'individualisme ne conduisent-elles pas à terme au désordre social et à l'apathie politique ? Sans céder au "démon de l'analogie" en Histoire, l'ouvrage montre les liens étroits qui, depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à nos jours, unissent les crises politiques des libéralismes aux discrédits des institutions parlementaires, à l'émergence des populismes, et aux violences destructrices des guerres et des terrorismes. A chaque fois le monde de la sécurité, établi sur les promesses sociales et politiques de la raison, de la responsabilité morale, de l'autonomie de la volonté individuelle, de l'émancipation par le développement des techniques et des sciences, à chaque fois ce monde s'effondre. A chaque fois, la raison et la liberté se révèlent comme des illusions hypocrites permettant la soumission sociale des peuples. A chaque fois l'espace authentique du politique se réduit comme peau de chagrin au profit de dispositifs aliénants, mais efficaces, contraignant les individus à s'adapter aux automatismes des machines et des procédures. A chaque fois l'accroissement des richesses collectives s'accompagne du profit de quelques-uns aux dépens de tous." Des éléments de langage qui rappellent quelque chose, à se demander si...
On comprend donc aisément que ce monsieur soit l'invité idéal pour commenter le sujet du journal intitulé
La mission "Entreprise et intérêt général". qui porte sur
un rapport [...] remis au gouvernement pour redéfinir la finalité de l'entreprise, en insistant sur sa dimension sociale et environnementale. La position de notre "psychanalyste et rien d'autre" sur ce rapport et sur "Macron" (qui n'a ni prénom, ni fonction, évidemment) ? On vous la donne en mille : cette initiative est de l'ultralibéralisme féroce et sournois, et "Macron" est la pire engeance que la Terre ait jamais portée...
Faisons un peu de publicité pour le dernier livre de Roland Gori : "Un monde sans esprit" dont la réclame est la suivante (je crois qu'il faut conserver cette prose pour voir à quelle source s'abreuve la rédaction de FC, pour prendre le pouls de certains individus qui nous entourent et surtout pour rire un peu) : "
Dans le clair-obscur des crises politiques naissent les monstres. Ils naissent du vide culturel d’un monde politique sans esprit, d’un monde où les techniques sont devenues folles, d’un monde qui se nourrit des surenchères de la haine et du désespoir.
Car le terrorisme rationnel des machines et des algorithmes, la marchandisation de la culture, du soin et de l’éducation, tendent à priver les citoyens et les peuples de leurs passés comme de leurs avenirs. Grandes sont alors les tentations de renouer avec les racismes et les populismes nationaux, tribaux ou religieux.
Le politique est en panne d’imagination autant que de courage. Il a pris le teint gris et résigné des marchés auxquels il s’est asservi. Dans ce monde de papier où règnent les chiffres et les abstractions, rien ne vit, rien ne désire, sauf les passions tristes de la haine et de l’oppression. Les fascismes émergent de ces idéologies meurtrières et exténuées. Ils les barbouillent aux sombres couleurs d’un autre âge, les rythment aux chants funèbres qui recouvrent les sirènes, toujours incertaines et imprévisibles, de l’amour et de la création.
Pourtant, jamais autant qu’aujourd’hui, face à la prolétarisation généralisée de l’existence, les peuples ne se sont montrés affamés de nou¬velles forces symboliques, de nouvelles fictions, pour vivre, désirer et rê¬ver ensemble. Un message d’espoir parcourt l’ouvrage, au cœur de cette hégémonie culturelle désastreuse, et des crimes de masse qu’elle favorise, l’attente d’un nouveau pacte d’humanité s’exprime. Il exige, d’abord et avant tout, de réconcilier la politique et la culture, de sortir du «siècle de la peur» et de renouer avec l’expérience sensible d’une nouvelle révolution symbolique, qui donne au monde et à l’existence ce sens et cette cohé-rence politique et poétique dont nous sommes aujourd’hui orphelins…" J'en connais au moins un qui se pâme.
Pour ceux qui ont envie d'entendre le bonhomme (soit dit en passant, citer les sources est le b-a-ba de l'honnêteté intellectuelle, certain producteur scientifique à France Culture s'en est affranchi sans finalement en souffrir, ce qui montre bien un certain esprit français), les séquences avec R. Gori se trouvent de 16'10 à 18'50 et de 21' à 24' (+ 1' de surenchère de Sylviane Agacinski).
Au fait, j'ai appris deux mots grâce au "psychanalyste et rien d'autre" : "l'opérationnalisation" et "corporéifier". Quand on pense que Gori se fait le chantre de la poésie...
Voilà j'ai assez fait de publicité pour ledit psy. Qu'est-ce que cela nous apprend de France Culture ? Rien de nouveau. Cela a été dit ci-dessous, merci à Yann 114, qui s'adressait alors à un certain L[...] :
Yann Sancatorze(https://regardfc.1fr1.net/t94p610-les-journaux-et-la-redaction-de-fc#30301) a écrit: (...) On peut supposer que votre angle mort politique vous empêche de voir que le traitement des sujets sociaux à l'antenne propose une surreprésentation de la parole syndicale, au détriment des autres partenaires (patronat), qui sont rarement interrogés lors des divers conflits. C'est le fameux principe de l'information à 50% que nous propose la rédaction : omettre pour mieux désinformer. C'est d'ailleurs bien plus qu'une surreprésentation de cette parole, c'est la reprise d'un paradigme qui sous-tend les idées des journalistes de la rédaction : le fameux "bien mais pas suffisant" lorsque des syndicats obtiennent des victoires (ou des avancées, comme le disent les journalistes, avec un vocabulaire déjà très orienté), et l'insatisfaction permanente, et la mise en scène du conflit que l'on souhaite, que l'on appelle de toutes ses forces. (...) Paradoxalement, votre angle mort ne vous fait pas voir que ces journalistes sont tout à fait en conformité avec votre propre ligne politique, et la station crève de ces gens qui veulent de la politique partout, du "pas suffisant", du "pas assez de gauche". (...)
*
Un nouveau mode de gouvernement des hommes se répand dans toute la société, et d’abord dans la sphère professionnelle : un management par la rivalité et la peur qui, au nom de la dictature de la performance et de la concurrence, impose partout les mêmes normes et le même mode d’assujettissement. Qu’importent la qualité réelle et le sens des activités, toutes doivent être réductibles à un chiffre parmi d’autres chiffres. L’évaluation est l’instrument de la mise au pas des individus. En faisant la loi, l’actionnaire transforme sans cesse le travail ; quand l’État singe cette gestion, c’est pire encore, car totalement ubuesque et contre-productif.
Les professionnels vivent péniblement l’altération profonde de leur métier, dans un sentiment où se mêlent injustice, démoralisation et révolte. Les champs professionnels ont perdu leur autonomie spécifique (Pierre Bourdieu).
En dénonçant cette logique, l’Appel des appels ne défend pas seulement la spécificité des missions de services publics, il révèle surtout l’aliénation croissante dont sont victimes tous les travailleurs. Contre la destruction, il faut instaurer une politique des métiers.
L’Appel des appels est un collectif de professionnels du soin, du travail social, de la justice, de l’éducation, de la recherche, de l’information, de la culture qui s’est fait connaître en 2008.