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Juste après ce spectacle merveilleux de sinistrose, histoire de changer de genre elle passe au dernier roman de Régis Jauffret, qui s'est inspiré par l'affaire Fritzl, du nom de Josef ou plutôt d'Elisabeth Fritzl : la séquestrée d'Amstetten, en Autriche. De nouveau Laure enchaine les qualificatifs en triolets, le livre est << 'absolument' extraordinaire parce qu'il est puissant terrifiant, hypnotique [5 secondes plus tard] 'absolument' horrible, irreprésentable, inconcevable [encore 10 secondes plus tard] violée, battue, affamée >>.
Non c'est comique à force, cette démesure. Voici la brochette en écoute directe : [son mp3="https://cdn.radiofrance.fr/s3/cruiser-production/static/culture/sons/2012/01/s02/Tout_feu_tout_flamme_de_Laure_Adler--PODCAST--NET_fda46732-3286-46ef-a8d0-9295b6d93fcd_FC.mp3" debut="06:18" fin="06:47"]
Et maintenant pour savourer
ces 7 minutes de chronique du bonheur culturel : [son mp3="https://cdn.radiofrance.fr/s3/cruiser-production/static/culture/sons/2012/01/s02/Tout_feu_tout_flamme_de_Laure_Adler--PODCAST--NET_fda46732-3286-46ef-a8d0-9295b6d93fcd_FC.mp3" debut="00:08" fin="07:42"]
Je conseille l'écoute en boucle, tout en relisant le post précédent et celui-ci. Vous verrez que je n'invente rien. Le problème ici n'est pas tant que des artistes puissent ou non faire oeuvre en recrutant les événements affreux de notre époque, les catastrophes ou les faits divers ; et le problème n'est pas non plus de chercher à les effacer. Non, le problème est de voir comment ils sont exploités, et à quel profit. Ici c'est un profit crapuleux. A l'image de toute la station et aussi d'un certain esprit du temps (celui de la France aux années 2000), la journaliste récupère l'horreur avec une absence de dignité qu'elle seule prendra pour une preuve de sa sensibilité. Et on comprend mieux maintenant pourquoi elle avait aboli l'émission 'Panorama' , Laure Adler qui jette un regard biaisé sur ce qu'elle croit être de la culture, et plutôt qu'une sérieuse mise en discussion, exploite le matériau sans complexe mais avec outrance pour en faire les choux gras de sa mise en spectacle perso. Ceux qui croient que j'exagère, je les invite à écouter d'une oreille attentive ces 7 minutes d'orgasme, car c'est bien de cela qu'il s'agit : l'orgasme culturel quand la culture est aux mains d'une masochiste narcissique.
Pour corser le plat, elle vous saupoudre son papier d'une lourde pincée de name dropping. Ce trick, quand il ne sert à rien, sert au médiocre pour se faire valoir. Et allez-donc voila convoqués Dostoievski, Gorki (rien à voir je vous rassure), Thomas Bernhard pour la pièce de Noren ; et pour le Jauffret rien moins que Platon (selon le délire stupide du romancier), encore Bernhard, et puis Jelinek mais c'est juste parce Jelinek a déjà traité le sujet donc citer son nom c'est faire du placard pour rien. Et pour finir en beauté, voila une mention ridicule de Flaubert : "Régis Jauffret..., Angelica c'est lui". Ensuite de quoi Laure conclura en répétant d'un ton grandiloquent ce qu'elle avait déjà dit : Angelica en réalité s'appelait ... Elisabeth. Eh bien quel art de la chute, chère Laure (qui en réalité s'appelle Madame Germaine).
Certes, tout ça intellectuellement ne coute rien ab-so-lu-ment (comme dirait le deum') rien, mais ça meuble et puis ça fait 'culture'. Par coup de pot on n'y voit pas sortir le Marquis de Sade mais il est tellement à la mode sur cette chaine qu'elle l'avait surement glissé dans sa top-liste. Alain Veinstein était là pour relire sa copie et en retirer les plus fumantes âneries.
Le tout est au service du grand sensationnel où fait plus qu'affleurer une fascination faite de masochisme et de sadisme : il faut entendre Laure Adler enchainer sans respirer les mots : séquestrée / battue / affamée / violée, série qu'elle balance à plusieurs reprises car au bistrot de la mère Adler il y a toujours plusieurs tournées. Du coup en plein milieu de son show voila qu'elle vacille "je suis très émue... " / "oui on voit ça" lui répond le Voinche en se curant le nez. La cocotte est très émue, les gars !! C'est une forme très personnelle de la gueule de bois. Non, sérieux on se demande pourquoi elle fait de la radio ?? Certainement pour se sentir mieux quand elle rentre vivre sa vie de super-bourgeoise dans son salon après avoir tiré le mouchoir dans le studio. Ca ira encore mieux le soir quand elle ira s'empiffrer dans une soirée littéraire après avoir vu son 85eme spectake de torture depuis le début de l'année. Petite fille fragile qui dénonce les malheurs du monde retranchée dans son univers bo-bo. Trop bouleversée sans doute pour faire plus que balancer de la leçon qui ne coute pas trop mais rapporte gros à la banque des bons sentiments. En l'occurrence la leçon est à mourir de rire ou de désespoir : battus-violés-affamés-séquestrés vous avez une chance de vous en tirer grâce à la télé qui vous offre la vie des bêtes. La encore je n'invente rien car à l'entendre, là est le message du livre de Régis Jauffret : le salut par le documentaire animalier visionné sur la télé dans l'abri anti-atomique (car la prison d'Elisabeth Fritzl n'est pas tout à fait une 'cave', c'est un appartement souterrain mais dire 'cave' ça en rajoute une couche et tant pis pour la vraisemblance de ton récit, hein Laure ?). Oui vous avez bien lu :
les séquestrés trouvent le salut par le documentaire animalier. Mais pas par le documentaire radiophonique car grâce au programme culturel de Laure et tous ses amis, France Culture par ses chroniques et ses documentaires, ne leur montrerait que leur propre histoire et le bénéfice que les **artistes** savent en tirer au pays de la moraline qui rapporte.
Franchement, elle avait davantage d'énergie dans son costume de Directrice des programmes quand il fallait tuer les émissions culturelles et sacquer les producteurs fussent-ils des amies de 20 ans. Maintenant, dans ses interviews du soir, il arrive -et pas rarement- que Laure Adler ne s'en tire pas trop mal. Sa comédie de simili-intello y est tempérée par le sérieux de l'invité, et puis par l'ambiance de quasi-huis-clos : tout ça doit être impressionnant. Et puis n'oublions pas l'exemple de son Jules qui se la joue gran-silencio 2 heures plus loin dans la grille. De quoi vous inciter à la dignité, n'est-ce pas. Résultat elle parvient à-peu-près à se tenir. Mais le matin à 8h50 c'est de nouveau la cata, le déferlement d'émotionnite et la gueule de bois doloriste : la midinette de 60 piges a un public tout autour d'elle alors elle en fait des tonnes comme si elle avait 8 ans. Et cette caricature radiophonique qu'on nous inflige à 8h50 ne relève vraiment pas le niveau de la matinale.
Un proverbe de mon pays dit que les poules qui aboient le plus fort ne sont pas celles qui donnent les meilleures citrouilles. Laure Adler est une gallinacée qui beugle tant qu'elle peut pour sortir des larmes grosses comme des citrouilles, mais ça n'est toujours que de la flotte. Quel dommage qu'il n'y ait pas un larmoduc directement branché de ses canaux lacrymatoires sur les potagers des exclus ou jusqu'aux impluvium des crève-la-soif du monde entier. Ca lui donnerait une chance -certes minime- de rattraper les mauvaises actions de ses années à la Direction des programmes, ou l'époque où elle lançait France Culture dans cette course au désert culturel, course qui atteint maintenant son objectif grace à ses successeurs, mais où elle tient vaillamment sa place.