Avec le temps l'émission ressemble de plus en plus à l'ancien "Jeux d'archives" d'Antoine Perraud, avec en moins la très dense culture générale de Perraud (et en moins son humour archi-pesant aussi). Autre différence : les extraits d'archive qui sont maintenant dans le principe de Hors-Champ, ne semblent pas être le fait de souhaits de l'invité. Ca n'empêche qu'ils sont plutôt bien choisis, me semble-t-il.
Ce mot pour signaler 2 bons hors-champs récents, tous deux dispo en podcast (encore 2 jours pour Riboud) :
- jeudi dernier :
Marc Riboud, un photographe qui sait parler de son art de façon éclairante comme un artisan : avec des mots simples, sans chichis, en allant à l'essentiel. Questions pas trop cucul-la-praline par la productrice.
- et
hier soir : Dana Rappoport, musicienne de formation classique, partie dit-elle "à l'origine du geste artistique". Dans ces 45 minutes d'entretien on croise de nouveau les Torajas qu'on nous avait balancés par erreur
dans la nuit du 26. Les archives : outre des extraits musicaux, les voix de Lévi-Strauss, Bernard Surugue, Jean Schwartz : un grand modèle intellectuel + un théoricien de la discipline + un technicien-inventeur , pour parler de la collecte sonore c'était pas du luxe. Bon sang si seulement Laure Adler pensait à inviter Jean-Dominique Lajoux ! On en aurait autant pour l'image. Dana Rappoport, violoniste née en 1968, élevée au conservatoire de Ville d'Avray, puis transfugée vers l'ethnomusicologie, raconte a minima son parcours, et commente les documents. C'est sans amertume ni complaisance, mais avec réalisme, qu'elle évoque, à côté du choc vécu sur le terrain, les frustrations du chercheur : le terrain, au mieux connu sur quelques points, et tant de choses à faire mais qui resteront à faire car le travail de recherche est ciblé et épais mais au mieux connu par une demi-douzaine de lecteurs. L'entretien est clair, parlant, quasi sans tics de langage et non plus sans trop de tics intellectuels. C'est explicite et instructif, c'est bien, c'est même meilleur, il faut l'avouer, qu'un documentaire qui serait produit par un ignorant, car FC nous en fait quelques uns hélas. Même quand le système de production trahit l'auditeur, il restera l'invité venue parler de son travail et de sa discipline. C'est déjà plus qu'une banale introduction didactique et basique à sa discipline. Ca donne envie de reprendre et de reclasser quelques années de radio stockée dans des cassettes de jadis (en la matière il y a un très bon fond à la RSR/TSR).
On dirait que Laure Adler a rajeuni de 30 ans : si certaines de ses questions sont d'une incroyable naïveté, au moins met-elle au tiroir ses clichés perso, terriblement usés. Du coup elle fait mieux que certains collègues, intervieweurs à la tête enflée qui roulent pour eux plutôt que pour la qualité de l'entretien.
Je viens de l'écouter deux fois ce hors-champs d'hier soir, qui m'a tellement plu que je vais bientôt saisir l'occasion pour ouvrir un fil transverse, tiens....
Quelqu'un de bien, Laure Adler ? Pourquoi pas, après tout, tant qu'on ne lui refile pas un fauteuil directorial... De toutes façons les dégâts sont faits.