Voici ce qu'on pouvait lire dans Télérama le 22 juin 2013 sous le titre "Le confesseur de minuit"
< C'est un espace feutré, où la parole prend le temps de s'étirer. En douceur, elle pique l'oreille de l'auditeur qui ne décrochera pas, embarqué dans une intimité subtilement dévoilée, jamais surexposée. Un petit salon radiophonique en somme, douillet et rare, tenu par Alain Veinstein depuis 1985.
Lui-même poète et écrivain, l'homme reçoit chaque soir à minuit l'un de ses semblables, une demi-heure durant. Baptisé Du jour au lendemain, le huis clos débute par quelques secondes ou minutes, c'est selon, de lecture de l'ouvrage évoqué. Il se poursuit par une conversation exigeante, lâche sans être relâchée, rythmée par quelques accords de jazz.
Défilent par exemple l'universitaire Emmanuel Pernaud pour Paradis ordinaires, sur le rapport entre l'artiste et le jardin public ; Olivier Renault, libraire futé et captivant, pour Montparnasse, les lieux de légende ; le peintre et théoricien Olivier Long, qui analyse brillamment L'Œuvre comme exercice spirituel, et évoque « la souffrance d'exister, que même l'art ne peut apaiser ».
Parfois, on reste à la surface, et l'on se contente de glaner quelques connaissances nouvelles. Mais le plus souvent, on entre dans le vif du sujet : la vie, la mort, la difficulté d'être, de composer avec soi-même. « Je n'aime pas les discours préfabriqués, la promo, explique le producteur. Certains viennent pour parler de leur livre et en vendre le plus grand nombre. Ils arrivent avec des réponses toutes préparées et n'écoutent pas mes questions. Je préfère les gens qui laissent venir l'imprévu, ou les ignorants comme moi. J'ai une prédilection pour les maladroits, qui ont des difficultés à parler, laissent les blancs s'installer – des blancs que je ne souhaite surtout pas combler. Quand on cherche ses mots, c'est qu'on va trouver quelque chose, et pas réciter sa leçon. »
A chaque fois, le rituel est le même. Alain Veinstein se place sur une chaise plus basse que celle de son invité, histoire de ne pas le dominer. Sobre plutôt que sec, il évite l'accueillant babil d'usage, chausse ses lunettes et plonge d'office dans ses dossiers colorés. Comme pour signifier qu'il faut garder ses forces – et surtout la vivacité de sa pensée – pour un temps plus précieux, celui de l'antenne.
Les mains jointes sous le menton, le dos voûté, il évoque un curé en plein recueil de confession. Qui lâche à intervalles réguliers des « mmm » à la neutralité bienveillante, quasi psychanalytique. Ou relance par une affirmation douce, plutôt que par une franche interrogation. Posée, sa voix calme l'éventuelle angoisse de son interlocuteur, engagé à s'exprimer sur une page sonore presque vierge, où ses pleins et déliés seront volontiers accueillis.
« Ce ton nocturne n'est jamais prémédité, précise l'animateur, qui enregistre ses émissions… l'après-midi. C'est celui d'un intervieweur qui naît à nouveau lors de chaque entretien. » Et parvient à transformer l'échange en moment unique, délicat, intelligent. >>