Que peut espérer l’auditeur, qui n’apparaît nulle part dans les préoccupations du journaliste militant (dame, on peut pas militer pour tout le monde hein). Pour le savoir, lisons bien : "la saison prochaine, le documentaire occupera les mêmes places, la même durée dans la grille de France Culture". Ca veut dire rien de plus (zutre !) mais rien de moins (ouf !). Mais juste après : "Je souhaite pouvoir redonner un espace à la création, le soir, de 22 heures à minuit". Well : il serait donc permis d’espérer un retour de radio créative en soirée, en plus ou autour des Passagers ? Si la déclaration juste précédente n’est pas une promesse de gascon (ça serait un comble pour un d’Arvor), ça devrait quand même nous faire un total horaire en léger progrès ? Oui.. non ... oui... non ?
Bilan et traduction de l’ensemble : du documentaire, on vous en donnera autant que maintenant. D’abord, pas moins hein , promis ! Mais pas plus quand même dites-donc non, déjà qu’on va remonter les coûts de production, alors hein vous imaginez pas que... ? Donc le personnel en sort gagnant, très bien, tant mieux pour lui Mais l’auditeur ? Beuh, l’auditeur il ne gagne aucune autre assurance que de ne pas trop y perdre. De toutes façons si les coûts de production augmentent, c’est déjà beau de conserver le même volume horaire, non ? Eh oui, les auditeurs-demandeurs, vous pouvez circuler, car vous ne disposez d’aucun ordre mendiant pour défendre vos droits, et puis il y a les auditeurs qui veulent de la soupe, ils sont plus nombreux que vous alors ne nous emmerdez pas hein ! Ca n’est pas le message de Poivre, ça, mais c’est la conséquence qu’on en tire si on porte là-dessus un oeil un peu sévère.
En passant, on voit les forces en présence (Direction/Personnel/Auditeurs/Forces militantes) et on comprend pourquoi ou comment France Culture au fil des années, n’est plus que l’ombre de ce qu’il a été. Notamment il ne faut pas compter sur les autres médias militants pour infléchir la tendance en réclamant de la création de qualité. Ce qui intéresse le journaliste c’est de défendre ce qu’il croit être une cause engagée du type "acquis sociaux". Ce qui intéresse l’auditeur traditionnel de FC, c’était la qualité du programme. Ce qui intéresse Poivre c’est d’obtenir l’audience maximum sans trahir la vocation de la chaîne encore plus nettement que ne l’ont fait ses prédécesseurs. Et comme entre le chou du programme et les chèvres d’auditeurs il y a le loup du personnel qui est végétarien les jours pairs et carnivore les jours impairs, Poivre Jeune soigne sa com’ et il a bien raison. Peut-être même a-t-il déjà reçu un préavis de préavis de grève, qui sait ? Et puis passer dans un canard de Demorand relooké en prête-nom de Laurent Joffrin, c’est quand même un peu aussi désamorcer l’accusation larvée de Sarkozysme qui lui pend au nez dans le marigot des média-commentateurs, puisque l’accusation de sarkozysme y est devenu le nouveau point Godwin du débat d’actu, l’argument-massue qui bloque toute discussion.
Finalement cette rhétorique Droits-Acquis, elle n’apparait comme chapeau général que par manque de métier du journaliste puisque Poivre Jeune ne marche pas dans la doctrine de la titularisation, en même temps qu’il fait bonne figure sur le montant du cachet. Peut-être a-t-il lu "Echec à Panurge" Jean-Noël Jeanneney ? Mais le lecteur n’est pas obligé d’être convaincu du risque dont Poivre dessine la perspective : créer un service esspécial aboutirait à un formatage ? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non. C’est pas tant la structure qui crée l’uniformité, que l’esprit dans lequel on fait vivre ladite structure. Alors passons, car de toutes façons il est visible que sur cette partie de la trilogie de vendredi dernier, le journaliste n’est là que pour passer le stylo. Comme on l’a dit plus haut ça n’est pas un interview, c’est une petite com’ du Boss et après tout pourquoi pas ? En tous cas si on s’intéresse aux bruits de FC plutôt qu’au grenouillement de Libé, au bout de la démarche, il y aurait un retour vers le principe de la production au cachet, un appel plus vaste à des producteurs en intermittent ? Mais pas pour une intensification du programme documentaire, hélas.
Et tout ça sentirait quand même meilleur si on avait l’assurance que Sur les Docks cessera d’être un panneau d’affichage des misères du monde et d’apologie des gentils-pauvres-gens-de-peu-opprimés-dominés-par-la-classe-dominante. Exemple ? La série récente sur l’université était un catalogue de revendications et de tiré-de-mouchoir. A les entendre, au plan de la qualité de vie l’Université est à classer quelque part entre la prison et la mine, et ça aussi bien pour l’étudiant que pour l’enseignant-chercheur. Encore pire que FC, donc !! Il n’y avait donc que ça à dire sur la vie à l’université ? Certes non, mais il n’y a que ça qui intéresse France Culture : le bilan décliniste, l’idéologie de la santé, le tiré de mouchoir saucial, bref la caricature du désastre sur la Fréquence de la plainte. Bon, c’est une radio culturelle, ou bien c’est le parti de l’ordre mendiant ? Sur le drapeau de FC qui flotte au-dessus de la maison ronde, il y a une béquille et une soucoupe, c’est ça ? Quel dommage que ça soye un drapeau et pas un simple mouchoir car là pour le coup l’Ordre Mendiant était heureux comme tout. Ce programme de 4 reportages abusivement qualifiés de documentaires, était bien en phase avec le paradigme idéologique de cette chaîne qui sur les 3/4 de son programme nous balance de la caricature d’info à certaines heures, et à d’autres de la caricature de culture.