Jean-Luuc(https://regardfc.1fr1.net/t548p60-le-monde-le-figaro-et-autres-titres-de-la-presse-francaise#27756) a écrit:Pour information, de Julie Clarini, sur Étienne Klein (La conversation scientifique), dans Le Monde (accès libre), le 29 novembre 2016 :
Il ne faut pas travailler plus vite que la lumière. C’est la leçon cuisante qu’a reçue le physicien Etienne Klein après la parution mardi 29 novembre d’un article de L’Express l’accusant de plagiat. Celui dont la devise préférée est : « Tout finira par s’arranger, même mal », a immédiatement reconnu les emprunts mis en évidence par le journaliste Jérôme Dupuis. (...)
Curieux ce droit de réponse accordé à Étienne Klein en page d'accueil de France Culture. Alors que l'article de Julie Clarini (à lire ci-dessus) laissait entendre, excuses et explications du physicien à l'appui, que la faute avouée était à moitié pardonnée, l'image (du producteur de La méthode scientifique ou de la station ?) semble malgré tout plus écornée qu'il n'y parait.
Le texte d'Étienne Klein reproduit ci-dessous :
Etienne Klein répond aux accusations de plagiat de l'Express
A propos des accusations portant sur des phrases de physiciens reprises dans les chroniques dans La Croix et sur France Culture
Je commencerai en laissant la parole à Gilles Cohen-Tannoudji, Michel Spiro et Yves Couder, trois éminents physiciens qu’on m’accuse d’avoir plagiés et qui ont réagi de leur propre chef à l’article de L’Express, en adressant deux courriers à l’hebdomadaire : “L’analogie des coups francs au football et des théories de jauge que nous avions évoquée dans notre livre La Matière-espace-temps (Fayard, 1986) ne nous appartient pas, écrivent Gilles Cohen-Tannoudji et Michel Spiro. Elle est maintenant largement connue chez les physiciens, et nous sommes ravis qu’elle soit reprise et popularisée. Elle mérite cependant un minimum d’explications sans lesquelles elle risque d’être complètement incompréhensible. C’est ce minimum, impossible à paraphraser, qu’Etienne Klein a repris en s’inspirant de notre ouvrage dans son article de La Croix, puisqu’il a évoqué dans sa rubrique radiophonique en me citant comme son collègue et ami. L’accuser à ce propos de plagiat nous semble relever d’une bien inquiétante volonté de lui nuire.”
Quant à Yves Couder, il précise en conclusion de sa lettre :
“En ce qui nous concerne, il n’y a aucun plagiat, mais simplement le travail normal d’un chroniqueur scientifique.”
Les lecteurs d’ouvrages scientifiques n’ignorent pas que les scientifiques en général et les physiciens en particulier partagent des façons de dire leurs connaissances, qui sont pour ainsi dire devenues canoniques. On peut éclairer, expliquer une loi physique ou un principe, mais on ne peut pas reformuler ce qui a été énoncé avec exactitude. Quand on écrit que la Terre tourne autour du Soleil, on ne met pas de guillemets, pas plus qu’on ne cite les noms de Copernic, Galilée et Foucault (Léon, l’homme du pendule). Un philosophe, Michel Foucault, a bien résumé la chose :
“Je cite Marx sans le dire, sans mettre de guillemets, et comme ils ne sont pas capables de reconnaître les textes de Marx, je passe pour être celui qui ne cite pas Marx. Est-ce qu’un physicien, quand il fait de la physique, éprouve le besoin de citer Newton ou Einstein ? Il les utilise, mais il n’a pas besoin de guillemets, de note en bas de pages ou d’approbation élogieuse qui prouve à quel point il est fidèle à la pensée du maître.”
Cet argument vaut évidemment pour Roger Balian, chez qui, selon L’Express, j’aurais plagié une illustration du second principe de la thermodynamique, énoncé au milieu du XIXe siècle. Roger Balian est un collègue du CEA [Commissariat à l’énergie atomique] et un ami de trente ans, avec qui j’ai notamment participé en août 2001 à l’école d’été e2phy, “l’énergie sous toutes ces formes”, destinée à aider les enseignants du secondaire à lutter contre la désaffection des jeunes pour les études scientifiques. Les deux phrases, à la vérité tout à fait “classiques”, que l’hebdomadaire me blâme d’avoir copiées dans le livre L’Energie de demain (EDP Sciences, 2005) furent prononcées par Roger Balian lors du cours qu’il donna en cette occasion aux professeurs, puis successivement reprises par divers chercheurs dans divers séminaires internes du CEA.
A propos des accusations portant sur des phrases d’écrivains reprises dans Le pays qu’habitait Albert Einstein (Actes Sud, 2016)
À force de lire et relire certains auteurs, on finit par les intérioriser, au point, parfois, de reprendre certaines de leurs expressions ou métaphores sans s’en rendre compte. D’où la présence dans mon livre de quatre expressions ou phrases, très courtes, de Gaston Bachelard, Paul Valéry et Stefan Zweig, trois des écrivains qui m’ont le plus nourri. Cette explication n’a pas valeur d’excuse, mais je crois le procédé, je dirais même le processus, suffisamment répandu dans le monde des idées, dans celui de l’édition en général, pour qu’on ne cloue pas au pilori tous ceux, et ils sont légion, qui empruntent inconsciemment ou consciemment aux auteurs qu’ils admirent et avec lesquels ils entretiennent une sorte de conversation intérieure.
J’en viens aux autres phrases que L’Express m’accuse d’avoir empruntées sans citer leur auteur, à savoir François Cassingéna, Philippe Claudel, Louis Aragon, ou Roman Jacobson.
Contrairement à ce qui est dit dans l’hebdomadaire, Roman Jacobson est cité page 234 de mon livre, entre guillemets et avec la référence de l’ouvrage en note.
Reste une phrase de Philippe Claudel, une de Louis Aragon, deux de François Cassingéna (qui m’a très gentiment écrit que j’étais “tout absout”). Je reconnais avoir agi là avec négligence et dans la précipitation. Pour écrire ce livre, j’ai pris de très nombreuses notes, constitué de nombreux fichiers, au point que j’ai pu égarer certaines sources ou m’emmêler les pinceaux. Ce sont des erreurs et je les regrette.
Enfin, il m’apparaît crucial de préciser que ce ne sont pas les phrases mises en cause (une dizaine de lignes au total, sur 240 pages) qui font mon essai sur Einstein, pas plus qu’elles n’ont inspiré ma démarche, mon voyage sur les traces européennes du père de la relativité, ni l’hypothèse que je développe. Tout lecteur est à même de s’en rendre compte. Ces phrases seront mises entre guillemets et référencées dans la prochaine édition, ou éventuellement supprimées, sans pour autant que mon ouvrage s’en trouve altéré.
***
Amusons-nous à comparer quelques éléments de cette défense à ceux de l'article du Monde.
Le Monde : Etienne Klein a recopié, sans guillemets, des formules appartenant, entre autres, à Gaston Bachelard, Louis Aragon, Emile Zola ou Stefan Zweig. « L’étonnement, ce n’est pas que les choses soient : c’est qu’elles soient telles et non telles autres » est par exemple une stricte reprise de Paul Valéry, l’un de ses auteurs préférés. « J’ai pris beaucoup de notes de lecture et, en les intégrant à l’ouvrage, j’ai pu oublier qu’elles provenaient d’autres auteurs et croire qu’elles étaient de moi. C’est ce qui a pu se passer pour les emprunts à Bachelard, par exemple », a répondu l’intéressé à L’Express.
Le site de France Culture : À force de lire et relire certains auteurs, on finit par les intérioriser, au point, parfois, de reprendre certaines de leurs expressions ou métaphores sans s’en rendre compte. D’où la présence dans mon livre de quatre expressions ou phrases, très courtes, de Gaston Bachelard, Paul Valéry et Stefan Zweig, trois des écrivains qui m’ont le plus nourri.
On notera qu'un brin d'humilité est venu modérer le propos : dire qu'une phrase d'un auteur lu et relu est le fruit de sa création (croire qu’elles étaient de moi) et finalement admettre l'avoir intériosée nuance après coup le degré d'appropriation.
Puis :
Le Monde : Etienne Klein, visiblement contrit, explique qu’il a voulu répondre à la demande de son éditeur qui exigeait un ouvrage littéraire : « C’est peut-être pour cela que j’ai intégré un passage d’Aragon sans le citer. C’était une erreur. »
Le site de France Culture : Reste une phrase de Philippe Claudel, une de Louis Aragon, deux de François Cassingéna (qui m’a très gentiment écrit que j’étais “tout absout”). Je reconnais avoir agi là avec négligence et dans la précipitation. Pour écrire ce livre, j’ai pris de très nombreuses notes, constitué de nombreux fichiers, au point que j’ai pu égarer certaines sources ou m’emmêler les pinceaux. Ce sont des erreurs et je les regrette.
Déclarer sciemment avoir intégré un passage d'Aragon sans le citer relève d'un aveu indiscutable qui ne cherche pas de porte de sortie. Ce qui n'est pas le cas du flou émaillant tout à coup le texte de France Culture : égarer certaines sources ou [s]’emmêler les pinceaux. Alors Aragon a t-il été pompé tel quel ou recopié à l'aveugle parmi d'autres citations qui trainaient ? Faudrait savoir.
Dernière comparaison :
Sur le site de France Culture, Étienne Klein laisse habilement penser que seulement une dizaine de lignes au total, sur 240 pages sont incriminées en laissant de côté le « gigantesque copier-coller » [puisé] dans une chronique donnée à La Croix. « Je plaide coupable pour certains copier-coller dans mes chroniques, notamment celles données à La Croix au printemps 2016, répond le physicien. J’aurais dû citer mes sources ou réécrire les extraits empruntés à d’autres. » (Le Monde)
Point trop (de justifications) n'en faut...
P.S. : Vous, étudiants, qui risquez de lourdes sanctions pour plagiat si l'on vous prenait la main dans le sac, soyez tranquilles et suivez le conseil de Professeur Klein : D’où la présence dans mon livre de quatre expressions ou phrases, très courtes, de Gaston Bachelard, Paul Valéry et Stefan Zweig, trois des écrivains qui m’ont le plus nourri. Cette explication n’a pas valeur d’excuse, mais je crois le procédé, je dirais même le processus, suffisamment répandu dans le monde des idées, dans celui de l’édition en général, pour qu’on ne cloue pas au pilori tous ceux, et ils sont légion, qui empruntent inconsciemment ou consciemment aux auteurs qu’ils admirent et avec lesquels ils entretiennent une sorte de conversation intérieure.