Philaunet a écrit:[...]Tiens, Jacqueline Kelen ! Celle qui animait les Chemins de la Connaissance dans les années 1980 ? Celle qui avait coordonné une "Matinée des autres" en 1980 sur les calendriers, rediffusée la nuit du 25 mai 2012, une émission qui s'écoute bien d'ailleurs.
Alors, par curiosité, allons-voir ce qu'elle est devenue. Ouh là ! Ça a commencé fort, avec des affirmations apocalyptiques de l'invitée sur ce monde de perdition où la vision des réalités divines (lesquelles, on n'en saura rien), les miracles et les apparitions angéliques, bref les véritables preuves d'un accès à la transcendance, sont niées, moquées et quasiment interdites de cité.
Ce à quoi Lenoir et Anvar (surtout le premier) répondirent qu'elle avait une vision extrémiste et réductrice de la transcendance. Comment ? Simplement en disant que les livres de Lenoir (sur "les spiritualités") se vendent très bien et que ses apparitions à lui (non divines, quoique... qui sait !) se font devant une foule nourrie.
[...]
J'écoute tardivement ce numéro, un dimanche de nettoyage : 5 numéros d'un coup, ça prend bien 2 ou 3 heures. Nettoyage de printemps ? Du tout, mais quand on s'est fié aux titres erronés qu'annonce régulièrement la livraison Podcast des Racines du ciel, on ne sait plus très bien où on en est. Damn, et si on avait loupé quelque chose (angoisse...). Quant au site de France Culture, c'est chaque semaine ou presque le même merdier : à la date du jour on trouve deux sujets différents. Bref on ne peut pas compter sur le programme affiché pour savoir à quoi s'en tenir. Il faut écouter. Comment expliquer cette incurie ? Peut-être par l'amateurisme qui fleurit à France Culture où l'on méprise l'esthétique et la vérité (valeur bourgeoises) au moins autant que la qualité (valeur industrielle) et à peine moins que la rationalité et l'efficacité (valeurs des néo-cons donc à bannir toutes deux). Voila qui serait en phase avec le paradigme idéologique de la chaine. A moins qu'il n'y ait là un choix délibéré de démotiver tous ceux qui ne sont pas assez passionnés par la pensée de Lenoir pour l'écouter quoi qu'il arrive et sans passer par la case programme. Il y a vraiment des fessées au ceinturon qui se perdent.
Mais saperlotte, pourquoi un tel retard ? Eh bien après une série d'émissions rase-mottes où le dialogue dépassait rarement -le temps d'un hoquet de conscience- le niveau idéologique des adolescents éconophobes, j'avais renoncé à suivre au numéro près les leçons de morale neu-neu de Frédéric Lenoir. Comme dernier signe de sophistique simplette, j'avais noté pensivement une condamnation unilatérale et vigoureuse de la pensée binaire cartésienne. Enormité courante : au nom du dualisme, condamner toute pensée non duale. Après l'amateurisme numérique, voici l'amateurisme philosophique. Cet amusant paradoxe est d'ailleurs courant chez les charlatans de la spiritualité. Il n'est pas le seul, par exemple tout aussi couramment on les entend fustiger ce qu'ils appellent l'égo, en le qualifiant d'ailleurs -et Lenoir ne s'en fait pas faute- de 'petit ego'. C'est généralement envoyé du haut d'un escabeau de vanité qui ne manifeste, finalement, qu'une soif de dominer l'interlocuteur. Et précisément Lenoir en est là, au contraire de l'invitée de ce jour-là qui, à la 7eme minute, montre qu'elle ne s'enlise pas dans le marécage de la spiritualité de bistrot.
Alors, ce dialogue entre Kelen et Lenoir ? Eh bien j'entends surtout un dialogue de sourds. Kelen dit sa lassitude devant l'intolérance anti-spirituelle qu'elle ressent en société. Probablement la pauvre, elle ne fréquente majoritairement que les classes cultivées, intoxiquées par les marottes que vend de l'intelligentsia française. Elle dénonce même un 'Big Brother à l'oeuvre', une laïcité transformée en laïcisme obligé jusque dans les consciences : elle redoute un endormissement des consciences. Lenoir lui répond que cette intolérance est imaginaire, puisque lui n'a pas à s'en plaindre. Donc elle a tort, point final. Bravo pour l'écoute, et bravo pour ce style radiophonique tellement soucieux de donner la parole à des invités, de les aider à diffuser leur pensée ! Il est difficile de ne pas donner raison aux deux : actuellement se côtoient dans les classes cultivées une radicalisation laïciste qui verse dans l'anti-religieux, et une vulgate bouddhiste qui endort les consciences paresseuses en feignant de les éveiller. Au bout de 20 minutes de cette bouillie circulaire, la productrice qui a passé tant d'heures dans les studios de France Culture et d'Espace 2 doit avoir bien du mal à reconnaitre la radio culturelle. Ce matin là elle était tout simplement assise face à un homme qui, tout charmant qu'il soit, lui renvoie en guise de réponses un bavardage vaniteux et ignorant. Dialogue de sourds : ils ne sont pas d'accord sur les définitions de base : religieux, spirituel. Il leur faudra 20 minutes pour en prendre conscience.
Malheureusement, ça ne sera pas suffisant pour sauver l'émission. Alors que Kelen continue à se plaindre de l'ambiance générale, qui réduit la liberté de l'esprit. Anvar lui renvoie que le phénomène n'est pas neuf, que Socrate et les humanistes ont toujours été des exceptions, et que le souci confort domine l'esprit en écrasant le souci spirituel. A l'entendre, la spiritualité, la quête de l'absolu, sont battues en brèche non par l'intellectualisme mais par, mais par... ici comme au catch à 4 Anvar passe la main à Frédéric Lenoir qui peut placer sa double-nelson : l'ennemi c'est le matérialisme. Ouais rien que ça. Bravo Lenoir, voila pour l'ennemi et quant à votre allié principal on dirait bien que c'est la vanité mais surement pas la tolérance ni la bienveillance. Le maître parle, et c'est en tant qu'esprit supérieur, éclairé, qu'il prononce son anathème soft. Il faut cesser de consommer, et aussi n'oublions pas : il faut détruire l'ego. Hum hum, voila justement un exemple typique de ce qui a été signalé plus haut : le précepte nous arrive d'un "sage" suintant de la certitude de disposer d'une conscience supérieure.
A l'issue de ces 50 minutes décevantes, on peut se demander si par hasard les Racines du ciel ne seraient pas arrivées au bout de leur potentiel. Après un démarrage lourdaud digne du goéland, puis quelques émissions réussies une fois atteinte la vitesse de croisière, on est en droit de redouter l'épuisement de Frédéric Lenoir : il n'a plus rien à dire. Trois années ont passé et la quatrième s'achève, les racines du ciel ont dépassé la couche superficielle d'une honnête culture et atteignent maintenant le fond de la motivation du producteur : sa pomme, son savoir, sa conscience supérieure à celle des mortels. Remarquez, dans cette gravière qu'est la spiritualité à France Culture, on pouvait reprocher ces mêmes défauts à Olivier Germain Thomas, sauf que la couche de culture et de sérieux professionnel, elle était autrement épaisse à traverser.
./...