Forum des auditeurs passionnés et critiques de France Culture

Nessie a écrit:

J'attends avec impatience que Michel Onfray s'en prenne maintenant aux grands emmerdeurs de notre temps adorés sur France-Culture qui nous arrose de leurs thèses fumeuses là je pense à Foucault ou Baudrillard, de leur dinguerie mal contrôlée comme Deleuze ou Virilio, ou bien de leur éminente supériorité comme ces marchands de moraline que sont Derrida,, le Dalaï-lama et Pierre Bourdieu.

Tous les espoirs sont permis et les paris sont ouverts, car Michel Onfray, qu'on commence à bien connaître, fonctionne comme ça, il se choisit une tête de turc et il canarde, boum boum boum boum, pan, pan, pan, pan. C'est son marketing qui ne lui réussit pas mal, lui qui reproche à Sartre sa stratégie marketing élaborée.

D'abord il y a eu sa très lourde charge anti-chrétienne, au nom d'une philosophie hédoniste dont on n'a pas vu la couleur, ensuite, c'était une surprise, sa lourde charge contre Freud et le freudisme, intéressante malgré tout et qui m'avait fait penser Freud, touché, non coulé. Il aurait pu récupérer Freud et dire voilà, l'hédonisme que je vous annonçait depuis si longtemps est enfin arrivé! Enfin, il y a eu cette sa charge assez réjouissante contre l'idole de Saint Germain des Prés, qui se trouve en quelque sorte démasquée et avec lui toute une époque, toute une génération, et même plusieurs, qui s’étaient vautrées dans l’adulation des régimes les plus totalitaires. On découvre un monstre de vanité, un mufle qui insulte ceux-là même qui lui ont accordé la plus haute distinction littéraire (« je ne vois pas pourquoi des gens qui écrivent de mauvais livres se permettraient de me désigner comme lauréat du prix Nobel »), un intellectuel intellectuellement assoiffé de sang, qui estime que les plus de 40.000 morts de la Terreur n'ont pas suffi.

Au passage, le PC qui avait à la belle époque du pacte germano-soviétique mis au point une rhétorique pro-collaboration, anti-démocratie et même anti-juive, à ce que j'ai compris, et qui avait prévu une brigade d'élimination des "traîtres", n'a pas été épargné.

Au suivant...

"J'attends avec impatience que Michel Onfray s'en prenne maintenant aux grands emmerdeurs de notre temps adorés sur France-Culture qui nous arrose de leurs thèses fumeuses"

vous pensez à Michel Onfray lui-même ?
je suis d'accord avec vous, moi aussi il me tarde qu'il arrive jusqu'à lui.
j'espère que comme il a l'habitude de le faire avec les autres il ne va pas s'épargner, ni épargner les millions de personnes qui podcastent ses émissions et viennent en co voiturage à Caen pour l'écouter.

J'espère qu'il va analyser les mécanismes de son succès, le vide de la pensée, le silence méprisant des intellectuels à son égard, comme s'ils considéraient que ce philosophes était suffisant pour la masse et le tout venant.

j'espère aussi qu'il analysera les conditions qui ont fait émerger cette mode actuelle pour la philosophie.

et aussi l'émergence de cette nouvelle forme de philosophie médiatique, faite de bavards, à l'aise devant un micro, capable comme le fait Onfray de répéter 100 fois la même idée sous des formes différentes, heureux de s'écouter parler, diffusant leur message philosophique comme le fait la publicité pour les mousses à raser.

oui vivement qu'il arrive jusqu'à lui, sa biographie et celle de ses adorateurs, nouvellement convertis à la religion du nietzschéisme.

comment une radio comme France Culture a-t-elle pu rendre cela possible? durant plus de 10 ans ? la place d'Onfray était au côté de Ruquier et pas sur FC, en le faisant FC s'est rabaissée au niveau des radios telles que RMC et RTL. Etait-ce voulu ? un choix politique ?

bien à vous.

puck a écrit:"
comment une radio comme France Culture a-t-elle pu rendre cela possible? durant plus de 10 ans ? la place d'Onfray était au côté de Ruquier et pas sur FC, en le faisant FC s'est rabaissée au niveau des radios telles que RMC et RTL. Etait-ce voulu ? un choix politique ?

Il y a une grande différence entre le Michel Onfray de Caen et celui de Paris. Si ses nombreuses interventions "parisiènnes" me semblent justifier vos critiques, je pense que ses cours étaient trés intéressants. Michel Onfray n'est pas d'une grande finesse, j'en conviens, mais cela convient bien à son role de défricheur. Il m'a fait découvrir des penseurs ignorés, notamment dans les premières années.
Vous noterez que j'ai utilisé le passé "ses cours étaient trés interessants."
Les deux ou trois dernières années m'ont beaucoup moins intéressé, surtout l'année entière sur Freud. J'espère que cette année sera un retour aux sources.
En tout cas, sur l'ensemble de ces 10 annnées, je remercie Michel Onfray et France Culture.

Michel Onfray revient mais bien amoché. Je le vois avec un œil eu beurre noir et un pansement sur la tête.

Qui peut encore croire à ce qu'il raconte? La grande belle philosophie hédoniste qu'il nous avait promise, qui devait faire pièce à l'idéalisme platonicien abusivement récupéré par le christianisme, on ne l'a pas vue. Sa contre-histoire de la philosophie, c'est le plus souvent une galerie de portraits d'auteurs secondaires oubliés. C'est intéressant, ça se laisse écouter, mais ne bouleverse pas les conceptions acquises sur les bancs de l'école ou de la fac.

On aurait dû aussi lui reprocher son portrait totalement fallacieux de son Saint Nietzsche, son occultation de tous les propos méprisant et haineux qui reviennent incessamment dans ses textes à l'égard du peuple (plèbe au sang vicié) et de l'esprit démocratique, qui est selon lui ce qui menace le plus la civilisation, personne à part moi n'a pensé à le faire.

Au cours du printemps dernier, il a encore aggravé son cas et s'est couvert de honte. Il a fait paraître dans Le monde un article à propos de l'intervention française au Mali qui participait au Hollande bashing:

Hollande ne comprend rien aux guerres idéologiques du XXIe siècle.

http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2013/04/21/m-hollande-ne-comprend-rien-aux-guerres-ideologiques-du-xxie-siecle_3163713_3232.html

(Si le lien ne fonctionne pas, vous pouvez avoir cet article à partir de gogole)

Parce que lui, Onfray, il comprend tout, surtout dans les domaines qui ne sont pas les siens! C'était un tissu de déclarations arbitraires et d'inepties. Il reprochait aux militaires français d'en être encore à Clausewitz et de ne pas v avoir lu Soue Tseu ou selon une autre graphie Sun Tze (stratège chinois du temps des Royaumes Combattants, 443-221, auteur de l'art de la guerre, qu'on peut trouver en poche). On imagine que rue Saint Dominique, la controverse entre Clausewitz et Soue Tseu, ils connaissent, et qu'ils n'en sont plus là.

Il y a eu 223 réactions de lecteurs, dont les miennes, toutes plus accablantes les unes que les autres, l'ignorance, l'outrecuidance, la suffisance du philosophe médiatique ont été sévèrement dénoncées, un exercice de Onfray bashing comme on n'en avait jamais vu.

Mais un jour, la grâce a saisi Michel Onfray, je me suis senti de tout coeur avec lui, c'était quand il avait pris position contre Sartre et pour Camus, à propos de la guerre d'Algérie. Sartre était pour le FLN et sa violence aveugle, parce que selon ses conceptions, la violence était accoucheuse de l'histoire et que la philosophie hégélienne faisait approuver sans aucun problème de conscience des « phases de négativité ». Camus, homme du pays, ne voyait pas les choses ainsi, il était partisan d'une troisième voie, qu'il nommait « fédérative », qui fût un rejet du colonialisme qu'il avait combattu et de la dictature du FLN, parti qui s'inspirait des méthodes léninistes les plus dures. Pour cette prise de position éloignée de toutes les doxas actuelles et que personne n'a relevée, j'aurais voulu l'embrasser.

puck a écrit: vous pensez à Michel Onfray lui-même ?

Eh non, et en lisant votre post, je me demande bien pourquoi je n'avais pas visé Onfray. Peut-être parce que son influence sur l'intelligentsia reste faible, et que son succès est donc plutôt démocratique qu'oligarchique. Je n'en dirais pas autant de ceux que je visais dans ma remarque. Pour lui, hormis ses chiffres de diffusion je n'ai guère idée de quelle tranche ou quelle proportion des classes cultivées il atteint. Je n'oublie pas que Francesca Piolot lui a fait la courte-échelle pour s'installer à France Culture en 2000. Et quelque temps plus tôt, en 1997 alors qu'il n'était qu'essayiste chez Fayard (notamment avec sa série 'Le ventre des philosophes') mais n'avait pas encore endossé le costume du chasseur de primes, il était venu affronter les tueurs du Panorama et ma foi, face à la hargne de Dadoun ("l'hédonisme est un trait du fascisme") et surtout de Thomas Luntz ("j'ai eu l'impression de lire un livre écrit en 1972") qui avaient tenté de le casser, en fin de compte c'est lui qui leur avait mis le nez dedans, certes avec le soutien de Christine Lecerf. Ces 30' sont disponibles chez ANPR et montrent qu'il y a de bonnes années chez Onfray.

Ces temps sont loin. L'essayiste a tenté de se muer en pape et il a gagné son pari, sauf qu'il pontifie pour un peuple peu exigeant ou peu instruit. Du second je fais partie : je n'oublie pas que certains de ses cours diffusés en été m'avaient enthousiasmé, au point de me donner envie de renouer avec la lecture de Montaigne. Et bizarrement ce temps-là me semble encore plus loin, tellement il s'est enlisé depuis. Et en dehors des ignorants et des esprits simples ? Eh bien il me semble avoir toujours aussi peu d'impact sur la coterie des penseurs estampillés Maîtres, qui continuent à le savater chaque fois qu'ils le peuvent : il faut voir comment ils (Benjamin Stora par exemple) ont retourné la fille de Camus pour faire éjecter Onfray de la célébration. Comme quoi l'agreg' de philo ça ne suffit pas : il faut aussi avoir brillé dans les meilleures prépas, s'être fait remarquer des profs influents et avoir noué de solides alliances avec les Rastignac en herbe, à défaut, avec l'une ou l'autre des coteries parallèles comme celle du Panorama.

Cela dit, il ne manque pas d'atouts pour s'imposer notamment une tchatche de camelot, typique de celui qui ne doute pas de lui-même. D'ailleurs c'est avec une virtuosité pas si différente de celle d'Enthoven, qu'il nous vend des salades tout aussi bidon.

Ainsi Philaunet a repéré dans les pages des Nouveaux chemins un pur produit de l'école Entho : un topo affligeant sur la culpabilité, des généralités farfelues sorties d'on ne sait où pour faire de la psychologie de bazar (en gros : nous crevons tous de culpabilité) et c'est étayé sur on ne sait quoi disons au mieux une vague intuition et au pire un maladroit exercice d'introspection omphalesque, évidemment sans le moindre souci de concordance avec une quelconque réalité empiriquement investiguée. Dans la philo-psycho d'Enthoven, le morceau d'idée est vite catapulté au niveau de la thèse locale et l'embryon d'hypothèse est couramment promu Loi scientifique, bref l'idée reçue domine ; on retrouve cette prédominance dans les papiers d'Adèle ; et en fin de compte quand il veut se payer Freud, Onfray commet le même genre d'erreur, alors qu'avec un peu de flair c'est justement ce reproche-là, fondamental, qu'il aurait pu faire. Mais peut-être est-ce là la philosophie : ce genre de questions n'a pas lieu d'être, et le jeu des mots se suffit à lui-même. De là une impression tenace qu'il existe bien une séparation entre deux mondes : le monde scientifique et le monde philosophique, et que si certains intellectuels sont capables d'avoir un oeil sur chacun des deux, hélas il en est d'autres qui ne sont que l'un ou l'autre, un peu comme ces gens qui sont totalement de droite ou totalement de gauche (il parait que ça existe).

Il reste donc le mystère : comment Onfray est-il parvenu à faire ainsi son trou à France Culture, lieu des coteries ? L'aide de Francesca Piolot n'a pas pu faire tout le boulot. Sans qu'on sache bien si c'est là tout à l'honneur de la chaîne, par souci de pluralisme ; ou si c'est pure incohérence, que de vénérer collectivement Sartre, dans le même temps qu'on déroule le tapis à celui qui entreprend de mitrailler son corbillard.

Nessie a écrit:
Il reste donc le mystère : comment Onfray est-il parvenu à faire ainsi son trou à France Culture, lieu des coteries ? L'aide de Francesca Piolot n'a pas pu faire tout le boulot. Sans qu'on sache bien si c'est là tout à l'honneur de la chaîne, par souci de pluralisme ; ou si c'est pure incohérence, que de vénérer collectivement Sartre, dans le même temps qu'on déroule le tapis à celui qui entreprend de mitrailler son corbillard.

Il faut noter que l'on entend trés trés peu Michel Onfray sur FC en dehors des retransmissions de ses cours sur la grille d'été. Cela relativise tout de même sa "percée" sur FC.

Henry Faÿ a écrit:
Parce que lui, Onfray, il comprend tout, surtout dans les domaines qui ne sont pas les siens!

C'est vrai mais reconnaissons qu'il n'est pas le seul!
C'est même devenu une"régle d'or" des medias. Il m'est arrivé d'écouter ou de voir des émissions de ce type sur les radios ou à la télé et certains commentaires n'étaient pas tristes. Trés prisés des medias pour ce genre sont les acteurs ou les sportifs. Mais j'ai totalement renoncé à ces émissions que je ne supportais plus.

Il est plein de défauts, Michel Onfray, un des moindres étant son débit précipité, ses phrases voulant tout englober. Néanmoins, je trouve comme Nessie, qu'il est un bon contrepoint à tous ces hyperdiplomés qui n'ont jamais quitté leurs chaire ou leur bureau.
Et, comme Henry Faÿ, je lui suis reconnaissante pour son soutien entier à Camus. D'ailleurs, il y eût une super émission à ce sujet avec Finkielkraut.
Et enfin,c'est quelque chose son université libre de Caen, il n'a pas peur de se frotter aux gens.
Mais il en fait bien trop, c'est sûr.

Sur les similitudes Enthoven / Onfray, il faut noter que le premier avait participé à l'Université Populaire dans ses premiers temps, quand lui-même sortait sans doute fraîchement de ses études. L'entente entre les deux était alors, semble-t-il, des plus cordiales, avant - selon Entho - qu'il ne fît un cours sur les vertus de la philosophie socratique alors qu'Onfray s'en prenait de son côté à Platon, en des termes dont France Culture à pu témoigner sur une vingtaine d'heures, en 2003 si je ne me trompe pas. Cette divergence des approches aurait suffit à ce qu'Onfray vire Entho en fin d'année.

Les explications d'Enthoven sur ce petit morceau d'une petite histoire (tout ça est très "pipole" j'en suis bien conscient) peuvent être lues ici : http://www.revue-medias.com/raphael-enthoven-l-anti-modele-c,662.html

Tout ce que Rafa (le Nadal de la station, ne l'oublions pas) raconte me paraît très plausible.

Henry Faÿ a écrit:
Michel Onfray revient mais bien amoché. Je le vois avec un œil eu beurre noir et un pansement sur la tête. (...)

Au cours du printemps dernier, il a encore aggravé son cas et s'est couvert de honte. Il a fait paraître dans Le monde un article à propos de l'intervention française au Mali qui participait au Hollande bashing:

Hollande ne comprend rien aux guerres idéologiques du XXIe siècle.

http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2013/04/21/m-hollande-ne-comprend-rien-aux-guerres-ideologiques-du-xxie-siecle_3163713_3232.html

(...)

Il y a eu 223 réactions de lecteurs, dont les miennes, toutes plus accablantes les unes que les autres, l'ignorance, l'outrecuidance, la suffisance du philosophe médiatique ont été sévèrement dénoncées, un exercice de Onfray bashing comme on n'en avait jamais vu

Exact et bien mérité (et c'est Le Monde qui s'est régalé du nombre de clics sur l'article).

Comment peut-on encore, après ce papier (et déjà avant), lire ou écouter celui qui nous a bien amusés à une époque, je ne vois pas.

Si la Direction de France Culture continue à le diffuser depuis dix ans chaque été, c'est qu'elle y trouve un intérêt. Il est possible de s'interroger sur la nature de cet intérêt dans le contexte plus général de l'esprit de la chaîne : il fait réagir et est polémique ? Les pour et les contre s'écharpent ? Il s'écoute facilement et fait de l'humour (moins salace qu'autrefois) ? Bienvenue sur les ondes de France Culture !

Je crois qu'il séduit beaucoup la direction de France Culture parce qu'il adore se définir comme un philosophe dissident, celui qui parle aux autodidactes, qui donne l'illusion que la philosophie institutionnelle et universitaire est suspecte car "dans le système". Il y a tout juste la bonne dose de complotisme anti-élites dans son propos pour le rendre tout à fait recommandable par la station. Comme un badge de bonne conduite, France Culture ne voudrait pas être prise en flagrant délit de "production de cours de philo par un professeur d'université". Pour le travail de sa nouvelle image, voilà qui serait tout à fait catastrophique. Cet amour de la dissidence ne concerne pas que la philosophie, d'ailleurs, c'est une veine qui traverse et prescrit une vaste somme de choix thématiques.