L'autisme de haut niveau (dit Asperger) est l'objet d'un intérêt croissant depuis qu'un récent documentaire a été diffusé sur France 2 (
Le cerveau d'Hugo, de Sophie Révil, 27 novembre 2012) et que l'un de ses protagonistes est devenu la figure de proue du syndrome (Josef Schovanec, bon client de
France inter et chroniqueur sur Europe 1 dans l'émission : Carnets du monde avec
Voyage en Autistan, depuis 2014).
Invités il y a 6 mois par
Télérama à écouter les
confessions intimes de surdoués sous-estimés (Sur les docks :
ces drôles de zèbres (26 novembre 2015)), nous voici aujourd'hui conviés à passer
Une heure dans la tête d'« Aspergirls », sur France culture (Sur les docks :
Journal d'Aspergirl (6 juin 2016)).
Nota Bene : Les autistes Asperger ne sont pas nécessairement dotés d'un quotient intellectuel supérieur à la moyenne (voir le stéréotype du singe savant décrit par Josef Schovanec). Mais souvent, leur nature/sensibilité les conduisent à développer des connaissances totales sur un sujet ruminé de façon obsessionnelle (l'exemple de robes équines est donné dans le reportage).
Curieux (mauvais) titre que ce
Journal d'Aspergirl, mot valise composé de la contraction d'Asperger et de girl, inventé par les deux documentaristes Lucie Sarfaty et Annabelle Brouard, dont on peut lire (pour la seconde) les intentions dans l'entretien accordé à Carole Lefrançois sur le site de Télérama :
Permettons-nous d'en citer quelques passages :
-
Quand j’ai découvert sur la toile le blog de Julie, j’ai réalisé que l’on entendait rarement parler de ce syndrome au féminin.-
Je n’ai pas voulu réaliser un documentaire sur le syndrome d’Asperger, mais plutôt des portraits de ces filles qui grandissent à la frontière du spectre autistique et dont l’autisme n’est découvert qu’au bout de nombreuses années.-
Elles ont toutes été sensibles au fait que le projet porte spécifiquement sur les femmes, loin de clichés d’autistes géniaux pianistes ou mathématiciens. -
Avec l’association Asperger Amitié nous avons également organisé ensemble un café-rencontre « spécial femmes » que j’ai pu enregistrer intégralement pour le documentaire.-
Mais en côtoyant ces femmes, j’ai vraiment ressenti leurs difficultés, l’effort et la fatigue que la communication leur coûtait.Louable démarche mais pour quel résultat ? Les propos tenus par les intervenantes auraient tout autant pu l'être par des intervenants. Rien ne caractérise leur genre. Seules 5 minutes échappent aux récurrents lieux communs livrés par les Asperger à qui l'on demande de toujours expliquer les mêmes choses.
40'32'' à 45'17'':
Une intervenante Asperger : (...)
Je ne discute pas de sujets de femmes en fait. Mes sujets, ce n'est pas du tout : mon maquillage, mes chaussures, ma taille de vêtements. Ce n'est pas du tout ça quoi. Et je ne fais des histoires sur tout le monde. Il y a beaucoup de filles neurotypiques [non-autistes]
qui font ça. Moi je ne fais pas ça, je suis plus discrète. (...)
L'une des deux documentaristes (ou la modératrice du café-rencontre de l'association Asperger Amitié) :
Je ne sais pas les filles si vous avez envie de témoigner sur tout ce qui est relation amoureuse. Jeanne, tu disais que tu faisais le premier pas, que tu n'hésitais pas ?Jeanne :
En fait, c'est un peu compliqué. (...)
J'ai un peu de mal avec l'amitié avec les garçons, parce que les garçons, ils veulent coucher, je dis les choses cash comme ça. Et moi, ce n'est pas ça que je veux. Et moi, je veux être pote aussi bien avec des filles qu'avec des garçons. (...)
Floriane :
Les relations c'est assez compliqué, c'est beaucoup dans le langage non verbal. Comme on ne comprend pas forcément, du coup, ça fait qu'on est assez vulnérables par rapport à plein de choses. (...)
Et le problème aussi, les relations, le couple : on a souvent des idées préconçues, c'est : on est en couple, on est obligés de baiser, s'il a envie et qu'on n'a pas envie, eh ben, faut quand même le faire. Et, ça peut aller vachement loin. (...) Il n'y a personne qui nous apprend : non, c'est ton corps, ce n'est pas parce que tu es en couple que tu es obligée d'avoir des relations sexuelles. (...)
Documentariste/modo :
J'ai vu beaucoup de filles Asperger se poser la question de leur identité, de genre. Si vous pouviez en parler, ça pourrait être aussi intéressant. Comment vous vous sentez par rapport à ça ? Dans votre identité, vos orientations sexuelles aussi ?Floriane :
Moi, dans ma tête, je suis un mec. Ce n'est que très récemment que j'ai accepté que j'étais une fille. Apparemment, il y a des trucs de mecs et des trucs de filles. Je ne suis pas trop pour catégoriser les genres, mais bon. Le maquillage, tout ça, la mode, ça ne m'intéresse pas, je ne maquille pas. Je ne sais pas me peindre les ongles. Les seins, je trouve ça hyper chiant. Le plus chiant, c'est dans la rue, si je marche dans la rue, faut que je sourie. Souvent, quand je marche, je me fais arrêter par des mecs [qui me disent]
: « bah alors fais un sourire ! ». Je ne sais pas, je suis humaine aussi, je pourrais très bien marcher en pleurant. Documentariste/modo : (...)
Ça, ça s'appelle du harcèlement de rue, c'est un problème que toutes les filles connaissent. Après, c'est que vrai que pour les Asperger filles, le problème c'est qu'elles sont plus victimes que les Asperger garçons de personnes un peu malveillantes qui vont essayer de les séduire, des pervers narcissiques et cetera qui seraient potentiellement malveillantes ou manipulatrices. Axer le reportage sur de jeunes femmes Asperger (âge : 23, 27 et pour l'intervenante canadienne peut-être une quarantaine d'année) ressemble une fois encore aux missions que la chaîne s'est fixée dans la droite ligne du projet d'Olivier Poivre d'Arvor. Après écoute, cet angle de lecture n'est qu'un prétexte, une coloration superficielle - à l'exception des 5 minutes isolées ci-dessus - qui n'apporte aucune plus-value.