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En tous cas, quand une émission commence par un tel faisceau de preuves d'amateurisme moi ça me donne envie de couper illico. Mais enfin je tiens bon, parce que je sais que cette semaine l'invité c'est Philippe Pignarre qui, tout militant qu'il soit avec ses gros godillots, est généralement très bien informé et qu'il a des trucs intéressants à dire, et tant pis s'il les arrose avec une véhémence quelque peu hystérique. Ca c'est pas grave : l'auditeur qui connait Pignarre sait qu'il suffit de retirer la couche d'outrance c'est un peu comme la couche de saindoux en haut du pot de rillettes.
Le problème en attendant l'invité, c'est que l'intro de Quénéhen continue, et qu'elle ne sera pas seulement journalistiquement bête, en plus elle est toujours aussi bète dans sa façon de chercher l'effet, avec des pseudo-trouvailles qui feraient casser la copie en école de journalisme. D'habitude il joue plutôt de la périphrase prétentieuse et des images lourdingues, mais cette semaine en plus il a opté pour le style négligé-branchouille-qui-se-voudrait-nerveux. Dans tous les cas, ça montre que Quénéhen a du apprendre à lire l'info dans Libé au début des 80's. Alors les conneries s'enchaînent : on apprend que "Médiator" rime avec "tête de mooort", que c'est une "amphète" a-no-rex-i-gène (et vlan 5 syllabes c'est trop pour lui du coup sur ce mot-là Martin se ramasse, comme Ali Baddou et Frédéric Martel, mais c'est pas pour ça qu'il a raccourci "amphétamine" : "amphète" c'est plusse branché). On apprend aussi de ladite "amphète" qu'elle a un nom de groupe de hard-rock, ah bon et ça apporte quoi à l'info, cette comparaison ? Mais sachez donc brave con d'auditeur, que l'info est secondaire pour qui veut faire genre. Et comme Quénéhen veut faire genre il enfile les lieux communs et les images idiotes : on apprend que "le rapport se lit comme un polar", que le médiator va être passé au "stéthoscope que dis-je à l'IRM" dit Martin qui a appris dans un atelier d'écriture comme on fait pour filer la métaphore alors il abuse du procédé comme abusent tous les mauvais écriveurs. Et parce que c'est en plus un de ces dialogues lourdauds comme la chaine nous en saoule depuis la rentrée, Martin est relayé par Agnès"395e-clope-sans-dormir"Chauveau qui continue dans le même style. Nos deux clowns journalistiques accumulent leurs clichés de mauvaise littérature au service de quoi ? Au service d'un sensationnalisme bas-de-gamme, toujours en forçant bien le jugement à gros traits et sur les airs archi-usés de "A qui la faute ?" et "A qui profite le khrïme". Bref, les vices journalistiques de France Culture se trouvent condensés dans l'intro de ces Retours du dimanche.
Quénéhen se gave de mots pour faire de l'effet, mais il ferait mieux de se relire et peut-être d'ouvrir son dictionnaire. Il n'y a pas que ses effets, clichés, et images superflues ("éclabousse", "brûlant rapport", "vieux patriarche milliardaire", "mission régalienne", "filière malade" je fais pas la liste mais en écoutant vous en trouvez souvent plusieurs dans une seule phrase) il y a aussi, et carrément, de la faute de rédaction. Je donne un exemple : il nous est dit que l'IGAS aurait fait le "portrait-robot" du médicament dangereux.
Question : et en quoi est-ce un portrait-robot ?
Réponse : ça n'en est pas un.
Tout au plus ça aurait pu être un portrait, même si le mot "tableau" suffisait. Eventuellement un "réquisitoire" pour qui tient absolument à faire image, au moins celle là n'était pas excessive. Mais voila : "portrait-robot" ça charge, et puis ça nous rapproche du polar. Pas de pot pour Quénéhen : son image met complètement à côté, car on ne fait le portrait-robot que des coupables qu'on cherche et pas de ceux qu'on a attrapés. Et puis le coupable c'est pas le Mediator, c'est Servier (toute l'émission est faire pour le dire). Bon, je n'insiste pas mais rien que sur cette connerie-là, il y a encore à dire.
Or des conneries comme celles-là, chaque semaine Quénéhen nous en sert quelques unes, et toujours avec ce ton archi-satisfait de celui qui se la joue. Agnès Chauveau conclut leur numéro prétentieux en annonçant le "truculent" journal sonore qui fait le pont avant d'accueillir l'invité. Oui, un "truculent" journal sonore. L'auditeur se demande en quoi il est "truculent". Réponse : il n'est pas truculent, il est outré. Truculent est une autre faute de vocabulaire, un mot mal choisi pour justifier les extraits de Damia qui soulignent d'un humour mal venu les drames humains qu'on exploite à fond en 1' de ce Journal sonore : des drames dont on fera une série de gags qui non seulement méritent décorticage, mais surtout sont à la limite de la faute professionnelle. Je vous conseille d'écouter, car ça vaut le coup de voir comment chez Quénéhen et Chauveau on se fend la poire en exploitant quelques morts.
Faut-il épingler toutes les lourdeurs de ces intros ? Entre le bétisier et la collection de fautes de goûts, rien que de commencer l'inventaire déjà c'est épuisant et puis ça serait même un rien sadique de décortiquer le tout. Mais surtout c'est franchement une épreuve, que d'écouter attentivement un tel bric-à-brac de journalisme débutant, où l'on trouve tout ce qu'il ne faut pas faire dans ce métier mais que les parvenus de FC se permettent à chaque heure sur la fréquence. Je dis bien à chaque heure, car l'intro lourdingue de Martin & Agnès ne fait qu'illustrer une médiocrité maison dont ils n'ont pas l'exclusivité.
Par chance on peut y échapper grâce à un bon logiciel pour la réécoute, qui permet de faire des sauts de 15 secondes chaque fois qu'on entend la voix de ces 2 plaies de radio. Comme ça on entend l'invité et pas trop les producteurs. N'empêche : ils m'ont tellement saturé dimanche, qu'il m'a fallu 4 jours pour retrouver le courage de dépiauter l'émission à la recherche de Philippe Pignarre, qu'il faudra encore dégraisser de ses lourdeurs à lui. Lourdeurs qui sont d'ailleurs bien en phase avec le terreau idéologique de cette émission intoxiquée, et donc bien en phase avec les options idéologiques de cette radio. D'ailleurs il n'y a pas que les options idéologiques, avec le jugement forcé et les conditionnels insinuants ; on retrouve les autres options de l'info made in FC : le sensationnel, la culpabilisation, et le fin du fin qu'est cette façon de conjuguer l'alarmisme médical avec la diabolisation du système dont on se fait chaque jour le propagandiste en vendant de l'épidémie au bon con d'auditeur. Mais ça c'est un autre sujet : l'incohérence de la rédaction de FC (attention : sujet épais !).