17h15 - Ouvert le son de France Culture sans trop savoir où je tombe. Je tombe sur les docks. Aujourd'hui au programme : du vécu pur style et de l'émotion à 4 sous.
L'histoire telle que je la prends en route : une voix immature, une jeune femme peut-être mais bien dans l'air du temps, de celles qui garderont une voix infantile jusqu'à l'âge d'être arrière-grand-mère, une sorte de Louise Tourret en à peine moins dopée par l'euphorie hormonale quoi, bref la fille raconte comment pendant son enfance elle a échappé à un accident de la route, qui aurait pu être mortel. Oui vous avez bien compris : son drame est d'avoir échappé à un accident qui n'est resté que potentiel. Voila qui en dit long sur le niveau de stupidité où mènent le confort d'existence et le désir de sécurité absolue : le traumatisme traque cette pauvre fille jusque dans l'absence d'accident. Ca vaut le coup qu'on y réfléchisse quand même. Encore 2 ou 3 générations de progrès en sécurité, et quand il n'y aura plus que 50 morts par an sur les routes, le drame de la vie sera d'avoir échappé au risque de l'éventualité d'avoir eu un accident. Et sans le savoir, encore, et peut-être même en rêve, pourquoi pas ? Vous vous rendez compte j'ai failli mourir. Ah la la et que dire des gens qui ont failli vivre, alors ? Il y aura de quoi en faire des docus sur FC.
Bon alors la fille, oui navré je sais toujours pas son âge mais elle parle comme une fille, d'un ton de gamine qui cause avec assurance comme si elle SAVAIT (alors que tout dans ce ton nous dit qu'elle ne sait RIEN de rien sur quoi que ce soit), la voila qui glissote lentement et humidement vers une voix brisée par l'émotion. Elle raconte ce qu'elle ne sait pas, les raisons pour lesquelles elle a failli mourir : son oncle avait donné la voiture dangereuse à son père parce que voiture sport à toit bas, tonton ne pouvait plus y entrer avec son chapeau donc notre témoin a failli mourir dit-elle
pour une histoire de chapeau. Elle souligne ça lourdement (accent d'intensité) et ça lui permet de retrouver un peu de brio. En fait cette fille fait un numéro, là, devant le micro et devant nos oreilles. Elle croit faire un numéro de réflexion mais elle fait un numéro d'hystérique bien en phase avec l'époque hystérique. Et mieux que tout l'explication "la voiture avait un problème technique". On dirait Hervé Gardette expliquant qu'il a failli se cracher aux commandes du NewSite de FC pour
coz' de "
praublaime technique" sauf que là c'est le site tout seul qui crachote. Pauvre fille : ce jour là non seulement tous les trois ils ont vu la mort de près à 180 à l'heure vous vous rendez-compte mais en plus son père a pleuré et sa mère a vomi, pouah on va décidément de drame en drame et on s'enfonce dans l'haurreur. Elle ne dit pas si le poisson rouge dans le sachet en plastique a fait un AVC ou un infarctus ou un ictère mais c'est bien la seule touche manquante à ce fumant tableau du malheur mauderne.
Ensuite les conséquences de ce
drame : comme une grande traumatisée elle explique ses réticences à passer son permis de conduire mais on l'y a obligée, et maintenant c'est surtout sur l'autoroute qu'elle a des problèmes. Mais dit-elle "
c'est normal !!" avec encore un bon accent d'intensité émotionnelle bien lourd. Elle en tire des conclusions sur la sauciété. Et pourquoi pas sur la galaxie tant qu'elle y est ? Il y a trop de vitesse dit-elle, pffuiiiii (sifflement admiratif) quelle conclusion et surtout il fallait la trouver. Voila ce qu'à France Culture on appelle un documentaire : le vécu d'une post-ado dont le niveau d'analyse se hisse laborieusemnt dans les parages d'un peu au-dessous du ras des pâquerettes. Remarquez, c'est cohérent : dans une rédac de collégienne en 1975 on pouvait lire en gros les mêmes choses.
Ah tiens juste après ça enchaine sur une voix de mec un peu moins jeune et pas trop mollasson mais quand même un peu heu-heutant. On comprend que l'émission doit porter sur les difficultés à la conduite automobile. L'interviewer se la joue psychothérapeute.
Bon ça suffit.
C'est encore un numéro de "Sur les docks " qui ne s'intéresse qu'au vécu.
Messieurs de France Culture votre "culture" c'est du reportage télé bas de gamme.
On n'en apprend pas plus que dans un sujet du journal de 20h.
Et le tartinage du vécu douloureux c'est peut-être un genre média (au rayon du tout petit sensationnel ou de l'infra-faits divers, mais c'est surement pas un genre culturel.
J'ai eu envie de couper mais par flemme de me larder les pinces jusqu'à mon poste je ne coupe pas, le temps de rédiger les lignes ci-dessus. Et là ça ne loupe pas on est sur France Culture alors c'est châtoyant d'habileté, montage & composition, on voit revenir le témoin précédent : l'immature de 17h20, qui explique avec un ton de collégienne mécontente qu'elle n'aime pas qu'on la considére comme un danger public tout ça parce qu'elle a raté son permis, et pis qu'à l'agence auto-école du coup on passe pour un loser et en plus il faut "cracher de la tune". Et pendant ce temps là sur la fréquence, la culture touche le fond.
Bon cette fois ça suffit.
Je coupe !