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Le programme de nuit, îlot de culture (I)    Page 97 sur 101

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Nessie 


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Marie-Hélène Fraïsse dans le programme de nuit entre deux manifs - Dim 21 Fév 2016, 16:02

Avis aux fidèles du programme de nuit : les abrutis ont encore frappé. Reste à savoir lesquels : les amateurs qui orientent le programme vers le podcast, ou bien les abrutis qui ont embauché ces amateurs, ou bien les abrutis qui ont bricolé le nouveau site de façon que les opérateurs puissent se planter, ou encore quelque autre hypothèse  guère moins improbable ? On ne sait pas. Mais enfin vous les auditeurs qui cherchez vos émissions nocturnes du programme spécial conçu avec Emmanuelle Guattari, n'allez surtout pas clicker toutes les 5 minutes sur votre boite podcast des "Nuits spéciales & nuits rêvées" en pestant pour le retard : les émissions que vous cherchez ont simplement été déposées dans une autre boîte, celle des nuits ordinaires. Ainsi va la vie sur cette radio de branquignols.

Histoire de ne pas rester sur cette mauvaise impression, je signale un plutôt sympathique numéro d'Appel d'air, émission de Marie-Hélène Fraïssé. Ceux qui ne supportent plus le préchi-précha de cette productrice, exceptionnellement suspendu par exemple dans un numéro sur la pêche à la baleine, trouveront ici encore une bonne raison de ne pas complètement la rayer de leur programme personnel. Appel d’air du 17 janvier 2004   nous emmène à Reims sur la piste du Grand Jeu. C'est un documentaire-promenade assez proche de ce que font parfois les producteurs dans la Fabrique de l'histoire (il n'y a pas si longtemps c'était souvent dans les numéros du mercredi). Rediffusé dans le nuit du 11 février et disponible en podcast, et en plus dans la bonne boîte de podcast mazette quel luxe !
http://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/appel-dair-le-grand-jeu-les-pistes-remoises-1ere-diffusion

Philaunet 

Philaunet
Admin

962
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Coup de chapeau - Sam 27 Fév 2016, 08:55

On salue et l'on est prié d'applaudir la mise en ligne des présentations dignes de ce nom* pour chacune des émissions choisies dans La Nuit rêvée de Geneviève Patte - Entretien 1/3 (Nuit du 27 au 28 février). De la belle ouvrage (sauf la photo bancale de Geneviève Patte mise au "crédit" de Virginie Mourthé).

* Exemple : Vocations : entretien avec Julien Cain (1960)

Jean-Luuc 


963
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Re: Le programme de nuit, îlot de culture (I) - Mer 09 Mar 2016, 00:47

Les Nuits rediffusaient le 25 janvier 2016 un entretien de Noël Simsolo avec Antoine Bonfanti - Mémoires du siècle : Antoine Bonfati ingénieur du son au cinéma (1ère diffusion : 20 août 1997). Antoine Bonfanti, engagé dans la résistance en Corse durant ses années de jeunesse, est devenu ingénieur du son à la faveur d'un stage (à la perche) effectué sur le tournage du film La belle et la bête, de Jean Cocteau. Il a tout au long de sa carrière croisé plusieurs familles de cinéma : des cinéastes de la Nouvelle Vague (et Godard plus particulièrement avec le mixage de Pierrot le fou) à Gérard Oury, en passant par Marcel Carné ou Bernardo Bertolucci (Le dernier tango à Paris).

Mais avant d'embrasser cette carrière, Antoine Bonfanti a tent[é] l'aventure de l'O.R.T.F. de 1948 à 1950, en entrant au Poste Parisien.

Noël Simsolo : Qu'est-ce que c'était la radio à l'époque ?

Antoine Bonfanti : La radio à l'époque ? Bon, il y avait le journal parlé, il y avait toutes les chroniques et il y avait les pièces radiophoniques. Et les variétés. Or, les pièces radiophoniques de l'époque m'ont beaucoup appris, parce que le son radio, c'est le son qui fait entendre un décor à l'auditeur, et il [l'auditeur] imagine le décor. Et ça c'est extraordinaire. Dans mon métier, aujourd'hui encore, pour moi, un son hors-cadre est un son radio.

Simsolo : Ce qu'on appelle un « son off », c'est un son radio.

Bonfanti : C'est un son radio.

Simsolo : Est-ce que vous pensez que le son radio de l'époque, qui avait un côté encore une fois artisanal par le biais des machines, était plus évocateur de l'imaginaire que le son radio d'aujourd'hui ?

Bonfanti : Je crois. La mentalité a beaucoup changé « médiatiquement ». Et je crois qu'on est tombé dans un mauvais pli. C'est-à-dire qu'on ne donne plus au son son importance totale. Le son [créé à l'époque: 1997], c'est : on bouche des trous, on fait un tapis, c'est la moquette. Ce n'est plus le paysage. Et en même temps, la façon dont les commentateurs parlent maintenant en tapant sur tous les mots, en donnant une importance très forte à tous les mots, au lieu d'avoir un débit où c'est l'auditeur qui doit choisir la force de son mot, on lui imprime des mots dans la tête.

Simsolo : Y compris avec les sons qu'on ajoute.

Bonfanti : Oui, mais tout va dans ce sens-là.

Simsolo : A l'époque, donc, vous étiez au Poste Parisien, il y avait une espèce de liberté de création des gens qui faisaient du son, mais de liberté de création aussi de l'auditeur qui écoutait le son, c'est ça ?

Bonfanti : Absolument (...)

[son mp3="http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13915-25.01.2016-ITEMA_20897010-3.mp3" debut="16:56" fin="19:21"]

Un propos lucide et intelligent dont j'isole ici une deuxième fois la substantifique moelle : Et en même temps, la façon dont les commentateurs parlent maintenant en tapant sur tous les mots, en donnant une importance très forte à tous les mots, au lieu d'avoir un débit où c'est l'auditeur qui doit choisir la force de son mot, on lui imprime des mots dans la tête.

Caroline Broué est probablement la meilleure représentante de ces mots martelés, et Aurélie Charon la spécialiste du son utilisé comme de la moquette.

Mais le pire est cette écoute orientée par les producteurs de France Culture qui privent l'auditeur de la liberté de son jugement. L'auditeur qui doit choisir la force de son mot ne serait-il pas un peu le spectateur de cinéma devant un plan (mettant en scène une ou des actions) privilégiant une grande profondeur de champ qui ne distinguerait pas entre le premier ou le dernier plan, le flou ou le net, et laisserait donc toute la scène égale pour permettre à l'oeil de frayer librement (Cf. Citizen Kane, d'Orson Welles) ?

Fontaine 

Fontaine

964
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la profondeur du chant... - Mer 09 Mar 2016, 09:54

et pourtant dans "le fils de Saul" de  László Nemes
quel beau choix d'avoir réduit la profondeur de champ à zéro

profondeur ou Le programme de nuit, îlot de culture (I) - Page 97 Run pas de profondeur ?
Question d'éthique au cinéma
On ne se pose pas la question sur France inculte.

Jean-Luuc 


965
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La mort de Charles Péguy (1873-1914) - Dim 13 Mar 2016, 08:49

Les Nuits donnent parfois l'occasion de recouper de façon inattendue deux archives distantes l'une de l'autre d'une quinzaine d'années. Les derniers jours de Charles Péguy ont ainsi été relatés dans l'émission : Dans leur intimité : Charles Péguy (1ère diffusion : 01.10.1968) et dans la première partie de La der des der (1ère diffusion le 28.08.1985).

Dans la première émission, Victor Boudon au micro de Nicole Strauss, témoigne du dernier mois de [l]a vie de Charles Péguy, tué au front à l'âge de 40 ans. Ignorant l'identité de son lieutenant, ce n'est qu'après sa mort qu'il apprit qui était le pion ou le maître d'école ou le Père Péguy (tel que que surnommé alors) dont les soldats suivaient les ordres. [son mp3="http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13915-27.01.2016-ITEMA_20898815-3.mp3" debut="104:30" fin="110:30"]

Dans la deuxième émission, Georges Mettra interroge Monsieur Tellier qui fait part de son admiration pour l'officier. Il en donne une description qui correspond à la réputation du personnage : austère et intransigeant. Le père de famille est mort à Villeroy, après un assaut isolé, non soutenu par les compagnies de soldats voisines qui n'ont pas bougé, en terrain complètement découvert, et devant 3 lignes de tirailleurs allemands. Autant dire la mort assurée. Victor Boudon évoqué ci-dessus est nommé à la fin de l'extrait. [son mp3="http://s3-eu-west-1.amazonaws.com/cruiser-production/static/culture/sons/2015/11/s44/RF_9CF402A1-F405-4E42-BCCB-CFC07F211E03_GENE.MP3" debut="123:50" fin="128:13"]

Philaunet 

Philaunet
Admin

966
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''Plages normandes'' d'Eugène Boudin (19/08/1977) - Mer 06 Avr 2016, 10:07

C'était en 1977 et a été rediffusé le 3 avril pour accompagner une exposition d'avril à septembre de cette année : Le nouveau Musée des Beaux-Arts du Havre : "Plages normandes" d'Eugène Boudin (19/08/1977). Les amis de l'ACR d'autrefois seront intéressés d'entendre que c'est René Farabet qui lit les textes (son nom est mentionné dans le générique de fin).

L'extrait ci-dessous donne une idée du rythme de l'émission. Ce n'est pas La Dispute... Ça rappellerait plutôt Pierre Descargues, autre passeur de France Culture des années 1970 à 90. On peut encore entendre aujourd'hui des émissions de ce genre dans Par Ouï-Dire de la RTBF. Et à France Culture, où ?

[son mp3="http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13915-03.04.2016-ITEMA_20948907-6.mp3" debut="06:14" fin="11:37"]
À noter qu'il est quasiment impossible de voir le minutage du lecteur audio en raison de la superposition du titre de l'émission sur ledit lecteur (déjà signalé à plusieurs reprises par Jean-Luuc, comme ici). Le prétendu médiateur répond à tous ceux qui s'interrogent sur ce lecteur que "les équipes techniques" (combien de personnes ?) travaillent sur la question. (Rires...)

Le programme de nuit, îlot de culture (I) - Page 97 X510_7de9.png.pagespeed.ic.Z4HGYG3p01



Dernière édition par Philaunet le Mer 27 Avr 2016, 12:56, édité 1 fois

Philaunet 

Philaunet
Admin

967
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Une perle : vérité et fidélité du son, l'enregistrement, l'écoute. - Ven 08 Avr 2016, 22:34

Une perle du programme des Nuits, une émission produite en 1964 et diffusée le 6 avril 2016 : Magie et vérité des sons - Jean-Marie Grenier (1ère diffusion : 14/08/1964)

Aucun descriptif, hélas, pour cette riche production de 2h05 qui traite des outils d'enregistrement et de reproduction du son, notamment de musique. Guy Erismann y interroge l'enthousiaste preneur de son Jean-Marie Grenier. Peut-être France Culture attend-elle que Regards fasse son travail, comme Nessie l'a longtemps fait dans ce fil en annonçant et décrivant à l'avance, parfois abondamment, les émissions nocturnes ? Alors rendez-vous dans la rubrique La musique à France Culture.

Jean-Luuc 


968
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Verdun 1/2 - Mar 31 Mai 2016, 04:52

A l’occasion de la journée de commémoration du centenaire de la bataille de Verdun (dimanche 29 mai 2016), revenons encore une fois (car déjà abordé dans ce fil) sur ces émissions d’envergure que sont les deux volets de La der des der, et plus particulièrement sur la deuxième moitié, diffusée pour la première fois le 25 août 1985 : La der des der (1914-1918) 2/2.

Suivant le fil de la réflexion proposée par Georges Mettra alternant témoignages d’anciens combattants et histoire de la bataille (en gras), je me propose de transcrire ci-dessous quelques paroles extraites des 35 premières minutes sur les 4h40 que compte l’émission.

Après un discours du Maréchal Pétain, prononcé lors de l’inauguration de l’ossuaire de Douaumont le 18 septembre 1927, Georges Mettra commence :

En 1916, c’est Verdun qui a été choisi par le généralissime allemand Falkenhayn pour être le lieu de la percée allemande. Pour le meilleur et pour le pire, le nom de Pétain est lié à la bataille de Verdun. On disait la victoire de Verdun, on a dit la bataille. Il suffisait aujourd’hui de dire Verdun. Et l’effroi tient en un chiffre : un million de morts, soit environ 500 000 Français, 500 000 Allemands sur 20 km2.

Passé le témoignage de monsieur Vincent, Mettra continue : Le 21 février à l’aube, le canon allemand tonne sur Verdun. La bataille commence. C’est là que le général Falkenhayn a décidé de percer le front, à l’assaut d’une forteresse qu’il encercle déjà pour les deux tiers et dont presque tous les forts ont été désarmés pour suppléer au manque d’artillerie de campagne de l’armée française. C’est un bombardement sans précédent qui s’abat sur les premières lignes qui défendent la citadelle au nord. Un feu roulant qui va écraser les malheureux défenseurs et surprendre l’Etat Major qui croit longtemps encoe à une diversion préliminaire à une attaque en Champagne. Douaumont le plus puissant des forts est prise sans résistance. Il n’a plus ni canons, ni artilleurs. 60 000 Français soldats tués en une semaine vont être le prix de cette négligence.

M. Leroy, interrogé en 1965 par Pierre Sipriot, ancien officier sous les ordres du lieutenant-colonel Emile Driant, relate avec force précision l’attaque des 21 et 22 février 1916 attendue depuis une dizaine de jours. Les premiers instants de l'attaque allemande :

Un peu avant 7 heures, le colonel Driant qui avait le pressentiment que l'attaque des Allemands que nous attendions déjà depuis une dizaine de jours serait déclenchée ce jour-là. Vers 7 heures, je venais comme officier pionnier de mettre en route tout un peloton de travailleurs pour le renforcement des réseaux devant la ligne de résistance, lorsque j'aperçus le lieutenant-colonel Driant en inspection dans le Bois des Caures. Il vint vers moi, me donna quelques conseils pour activer les travaux. Quand tout à coup, quatre coups de cadron (?) furent tirés par les Allemands. C'était un signal. Aussitôt, un déluge d'obus de tous calibres s'abattaient sur le Bois en entier. Le bombardement était effrayant, c'était un enfer. Bientôt des abris furent écroulés. C'est ainsi que mes travailleurs qui s'étaient réfugiés dans un abri avec le sous-lieutenant Brouillard furent complètement écrasés en plein bombardement. Nous assurâmes le sauvetage avec l'aide du sergent Kaplan. Le P.C. du colonel Driant - un P.C. bétonné cependant - fut atteint par un obus et en plein fouet démolissant son aile gauche où se trouvaient les officiers de liaison. Le lieutenant Petitcollot adjoint du colonel fut tué à côté de moi. Et d'autres blessés. Le bombardement dura jusqu'à 17 heures. Puis les Allemands allongèrent le tir et se ruèrent vers nos tranchées de premières lignes. Mais à leur grande surprise, les chasseurs survivants les reçurent à coups de grenade. Malgré tout, ils prirent pied dans nos tranchées de première ligne. Toutefois, les garnisons de soutien contre-attaquèrent et dans la nuit, presque toutes les tranchées de première ligne furent reprises. À 7 heures du matin, le lendemain, 22 février, le bombardement reprit avec une intensité peut-être plus violente que la vieille. À midi, mais cette-fois-ci, les Allemands nous attaquèrent en très grand nombre : 6000 hommes étaient engagés devant les débris du 56è et 57è bataillon de chasseurs. Les premières lignes furent vite prises, bien que nos chasseurs se défendirent comme des lions. Ils se bâtirent à coups de baïonnettes, de couteaux, tous leurs fusils étant détruits par les bombardements. Presque tous les officiers tombèrent, tués ou grièvement blessés. Bientôt, les Allemands se portèrent sur la ligne de résistance, tenue par la 8è compagnie du lieutenant Simon. Ensuite le P.C. du colonel Driant fut organisé défensivement. C'est là où j'ai vu le colonel Driant faire le coup de feu lui-même. Mais la situation était tragique car les Allemands ne pouvant nous prendre de front firent un mouvement d'encerclement, et à ce moment, nous devions périr sur place ou être prisonnier.

Être prisonnier. Tant pis, nous tenterons la percée. Des petites colonnes se formèrent à la tête desquelles se mirent chacun un officier. À ce moment, le colonel me donna l'ordre de porter l'ordre de repli à un capitaine-commandant à une compagnie du 65è venu en renfort pendant la nuit. J'exécutais l'ordre avec un chasseur lorsque je revins seul, malheureusement les Allemands avaient formé le cercle. Caché dans un trou d'obus, je les vis tirer sur mes pauvres camarades rampant sur la pente de Douaumont. C'est à ce moment que le colonel Driant sautant dans un trou d'obus fut atteint d'une balle à la tête. Il se retourna, cria : « Oh là mon Dieu ! » et tomba mortellement atteint. Peu de temps après, le commandant Renoir de 59è, était lui-même mortellement atteint.

J'ai pu regagner à la nuit Vacherauville, et avec l'aide du lieutenant Simon, nous avons rassemblé 43 chasseurs. Du 56è, le capitaine Vincent, commandant de bataillon, atteint de deux blessures put rejoindre avec trois officiers et 60 chasseurs du 59è trois officiers et 43 chasseurs. C'est tout ce qui restait de 1200 combattants.


Mettra : Lorsque le général Pétain, nommé responsable du secteur arrive une semaine plus tard à Verdun, il se trouve devant un désastre, un front à demi enfoncé. Douaumont tombé, réarmé par l’ennemi, tourne ses canons vers la ville. 25 000 Français sont tombés dans la fournaise, la ville est à bout de munition, d’hommes et de matériel. Et l’unique voie d’accès qui va de Bar-le-Duc à Verdun est sous le feu de l’ennemi. La riposte va s’organiser rapidement.

M. Vincent, agent de liaison en 1916 : Verdun, ça absorbait au moins 80 à 90 000 hommes par semaine. Que ça bouffait. Et de 80 à 100 000 tonnes de camelote : ravitaillement, obus, munitions, et tout. (…) Et Pétain, quand il est arrivé, au bout de 24h qu’il était là, il a inventé la « Voie Sacrée ». C’est comme ça qu’elle s’est appelée. Parce que cette route-là, qui était une petite route, hé bien, il a lancé quand même avec le capitaine Doumenc de l’époque - qui a pris ça en main, le commandement - avec 3700 camions, qui faisait la noria Bar-le-Duc - Verdun, Bar-le-Duc - Verdun, et puis qui tournait, qui tournait, qui tournait. Alors, la route en l’espace de quelques jours : foutue ! Pétain a fait installer des carrières, à Balincourt, tout le long de la route de Bar-le-Duc, il y avait des forçats qui étaient là-dedans, des punis de travaux publics avec les grandes casquettes, tout ça, pour extraire la pierre. Alors, ils ont fait des petites voies ferrées, ils avaient fait des chargements, des silos à pierre, ils venaient avec les wagonnets, ils versaient le silo et quand les camions arrivaient, ils se mettaient en dessous, on ouvrait le silo, et ils allaient mettre ça sur la route. Ils ont rélargi la route en même temps qu’ils la réparaient. Et alors, uniquement les camions qui avaient le droit. Les piétons, il fallait marcher sur les champs, à côté, dans la merde (…).

Pendant 18 jours, j’ai fait Vaux-Chapitre – Soully, tous les matins. Je partais à 2 heures du matin – j’étais content parce que je me barrais de l’enfer – hé bien, ce qu’il y avait de démoralisant (…), c’est qu’il fallait repartir : porter des ordres, porter des plis. Même quand on était stable, il y avait des plis à porter à l’arrière. Il fallait traverser tout le zinzin. Et à Verdun, c’étaient les trous d’obus, avec la flotte, la mêlasse, les bourricots crevés, les cadavres des pauvres soldats qui étaient là. Des cadavres partout. Alors la nuit, quand il faut faire ça - parce qu’on le faisait surtout la nuit, parce que le jour on était foutu en l’air – vous ne voyez pas clair, alors, on se foutait la gueule dans les trous d’obus, on s’en sortait comme on pouvait. Avec la nuit, vous aviez tout d’un coup une lumière formidable, il y avait une fusée qui éclatait : on voyait tout. Et puis tout d’un coup, hop : le noir. Ça re-bombardait : on se jetait dans un trou. Deux, trois cadavres là-dedans, ça puait, ça schlinguait, c’était infernal. Et puis alors, quand vous arriviez et vous vous couchiez à côté dans le tas, vous aviez cinquante rats qui vous tombaient dessus. C’était infernal, infernal, infernal. Des fois, je suis peut-être resté deux heures dans un trou sans pouvoir bouger avec la trouille, le machin, ne sachant plus où aller, je savais même plus de quel côté j’étais… Tandis que en compagnie, on était toujours avec des copains quand même. Ce n’était pas pareil. D’être tout seul abandonné dans des trous d’obus, avec des macchabées comme ça, je peux dire que des fois, j’ai eu peur. (…) Il vous tombait un obus à deux, trois mètres, vous étiez dans le trou, on ne risquait rien. Mais vous aviez deux mètres cube de terre qui vous arrivaient sur la gueule. Alors, il fallait se dégager, sortir de là-dedans. (…) Il valait mieux ça que de glisser dans un trou avec de l’eau parce que là, on ne s’en sortait pas si on n’avait pas un copain pour vous sortir. Moi, j’ai gueulé deux, trois fois, j’ai hurlé à des gars qui passaient pour venir me sortir. (…) C’était la boue, gluante, qui vous accrochait. C’étaient des ventouses quoi.



Dernière édition par Jean-Luuc le Sam 04 Juin 2016, 12:59, édité 4 fois

Jean-Luuc 


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Verdun 2/2 - Mar 31 Mai 2016, 05:06

Mettra : Pétain avait dit : « A verdun, il me faut 100 000 hommes par semaine. » Il les aura. Par roulements, et subissant des pertes épouvantables, presque toutes les unités de l’armée française monteront vers l’enfer en 1916. 9 avril, code 304, M. Camilloret (?), au micro de Pierre Sipriot, en 1966.

M. Camilloret : (…) Nous avons eu les pires difficultés pour essayer d’éviter les ventouses de la boue. Pendant tout le temps que le bataillon est resté en ligne, on peut dire qu’il n’a pas cessé de pleuvoir. Il était presque impossible de se déplacer d’une façon normale. Tant et si bien que j’ai l’impression encore, qu’à ce moment-là, aucune attaque de part et d’autre n’était possible. Nous étions dans la boue et l’eau ruisselait dans les tranchées. Nous occupions avec mes camarades un petit abri recouvert d’une taule ondulée sous laquelle nous avions installé un poste téléphonique. Et pendant tout le temps que nous avons passé là, on peut dire que virtuellement la ligne n’a pas marché tant le bombardement était intense.  Il y a eu environ une centaine de chasseurs tués, 5 ou 6 sous-officiers tués, et un adjudant tué. Et je ne compte pas les nombreux blessés qui avaient tant de mal à se faire évacuer. (…)

Monsieur Fessler (?), le 22 juin 1916 : (…) Et j’étais dans un trou d’obus - on avait un trou qui était rond, donc on l’avait mis à peu près au carré. Et j’étais avec le sous-lieutenant, un nommé Gratadoux – je peux en parler maintenant puisque sa femme est morte, il n’y a plus de danger – et nos deux ordonnances. [une ordonnance est un soldat attaché à un officier] J’ai eu la veine dans mon malheur d’être le flan droit le long de la paroi du côté de Douaumont – du côté de l’ennemi. À côté de moi, j’avais mon ordonnance, j’avais l’ordonnance du lieutenant Gratadoux, et lui était en face, la poitrine face à Douaumont. Des obus sont arrivés, il est arrivé un gros 280, qui a balayé, renversé le bord de la tranchée. J’ai été blessé au pied, à la jambe et enseveli en même temps. Et mon camarade, le lieutenant a reçu l’obus en plein corps et a éclaté. Une bouillie. Quand je l’ai ramassé, quand j’ai réussi à me dégager, il n’y a plus rien à faire évidemment, c’était un… Je l’ai mis dans une toile de tente, j’ai noué les 4 coins, on ne pouvait pas l’évacuer sur Fleury qui était à 200 mètres derrière nous, avant la nuit. Je suis resté toute la journée. Et alors, mon ordonnance avait un œil arraché qui pendait. Il a réussi à sauter sur le parapet, il est parti, il a réussi à passer à travers tout, il est allé jusqu’à Fleury. Quant à l’autre ordonnance, il était enseveli aussi, - j’essaye de le dégager - et puis il me dit : « Oh mon lieutenant, vous me faites mal au pied. J’ai mal au pied, oh, vous me faites mal. » J’allais tout doucement, je le dégage. Il n’avait plus de pied. Son pied était 50 cm plus loin. Alors j’ai fait un garrot. Et puis il a fallu attendre la nuit tombante pour pouvoir l’envoyer sur Fleury.

Georges Duhamel chirurgien à Verdun en 1916, interrogé par Pierre Sipriot en 1965 :

Nous étions arrivés jusqu’à Glorieux, nous pensions aller à Verdun et à la citadelle où nous savions qu’il y avait de grandes réserves de places dans les couloirs et les souterrains. Mais non, du tout, on nous a fait traverser la voie et nous arrêter à Glorieux où il y avait quelques baraques en matériaux légers où il y avait 400 blessés qui étaient là, des blessés graves et des morts – les blessés sans soin depuis plusieurs jours. Immédiatement, nous nous sommes mis au travail. (…) Nous avons reçu tous les jours, tous les jours, sans arrêt, des blessés. Comme les troupes qui montaient en ligne s’arrêtaient, étaient débarquées en général des camions qui montaient en face de nous au faubourg de Glorieux, il y avait partout des « saucisses », partout des ballons d’observation, les Allemands s’en sont aperçus, ils ont commencé à taper sur Glorieux, et c’est nous qui recevions les coups le plus souvent. Comme nos baraques étaient extrêmement légères, il nous arrivait quelquefois de perdre tous les hommes d’une baraque, tous les blessés que nous avions opérés un temps infini pour les sauver, nous entendions un bruit épouvantable, tout tremblait autour de nous, nous allions en courant voir. Le résultat a été le suivant : c’est qu’après deux ou trois semaines de ce travail affreux, quand nos morts étaient déterrés du cimetière provisoire que nous avions fait là, on nous a donné l’ordre de nous retirer de quelques kilomètres, très peu, deux ou trois, même distance du front, mais à la lisière du bois des Sartelles, là également au bord de la route et au bord de la voie ferrée. (…)

Presque toutes les nuits, j’avais quelques raisons d’être de service ou d’aller aider les camarades qui étaient de service et le matin, quand avait passé toute la nuit avec une lampe à acétylène à opérer, à opérer, à faire des urgences, à lier des vaisseaux, à amputer des plaies, quand je voyais la poubelle, les deux ou trois poubelles qu’il y avait à la porte de la salle d’opération : comme des bouquets de bras et de jambes - n’est-ce pas, on avait mis là-dedans tout ce qu’on avait dû faire tomber - hé bien, je m’en allais manger un morceau – oui manger, parce qu’il fallait quand même se restaurer - manger un morceau et faire mon choix dans les blessés qui attendaient. Ils attendaient dans une espèce de grande baraque où on les avait placés là, au ras du sol et quand je passais, ils me saisissaient par les jambes - par les leggings - ils me suppliaient avec des larmes de m’occuper d'eux. Et je leur disais : « je vais m’occuper de toi tout de suite, un peu de patience ». Mais en réalité, mon choix était dirigé par des choses très fortes. Je faisais passer d’abord ceux qu’on avait quelque chance de sauver. Et ceux qu’on ne pouvait pas sauver, ben, mon Dieu, mon Dieu, je m’excuse, mais je les laissais mourir. Il n’y avait pas à faire autrement. Et alors, là, je retournais tout de suite, après avoir avalé un morceau, je retournais dans la salle d’opération, et je recommençais.

Ce que je peux dire, c’est que beaucoup des blessés que j’opérais qui étaient agonisants me disaient : « Non, soyez tranquille, soyez sûr, c’est sauvé, ils ne passeront plus ». Ce sont les hommes de la troupe qui, à mon avis, sont véritablement les vainqueurs de Verdun. C’est à eux que je veux décerner ce beau titre : « Il y a certains moments que nous avons endurés dans la douleur. Mais auxquels il nous arrive de penser plus tard, longtemps plus tard, avec une sorte de tendresse et même de nostalgie. Ils nous paraissent dans l’éloignement, colorés de poésie en dépit de la tristesse.  Mais jamais, jamais, ce miracle indulgent ne s’est produit en moi pour tout ce qui touche à ce Verdun de l’année 16. Non, non, non, pas d’oubli. Pas d’indulgence transfiguratrice pour l’enfer. »
[extrait de La pesée des âmes, (Lumières sur ma vie IV), éd. Mercure de France, 1926]

Sur le site de France Culture, seul un lien vers cet excellent blog associé à France Culture (et déjà mentionné par Philaunet) est exposé : 14-18 : La conversation des absents.

Par ailleurs, une émission de La fabrique de l'histoire intitulée Vive les auditeurs 1/4 (7 mars 2016) m'a permis de découvrir un site exclusivement consacré à la guerre 14-18 (présentation très intéressante dans le dernier quart d'heure de l'émission).



Dernière édition par Jean-Luuc le Mar 26 Juil 2016, 16:57, édité 1 fois

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Re: Le programme de nuit, îlot de culture (I) - Mer 01 Juin 2016, 08:03

Grand merci à Jean-Luuc pour son énorme travail dans les deux posts précédents. Ce précieux suivi de l'émission La der des der est particulièrement bienvenu et permet, outre de "lire la radio", de mettre en perspective la discussion autour de la commémoration de la bataille de Verdun.

Discussion lancée dans le fil de la Presse française à partir du post 45 et que je me suis permis de continuer, en français, dans le fil SWR2 radio culturelle allemande, Verdun/Douaumont, une scénographie réussie .

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Lecture et commentaire du Feu d'Henri Barbusse (diff.1976) - Sam 11 Juin 2016, 09:36

Le producteur des Nuits, Philippe Garbit, et son équipe ont opportunément diffusé dans la nuit du 3 juin dernier Relecture - Henri Barbusse et Marcel Martinet (1ère diffusion : 07/01/1976) 1H 30 min Par Hubert Juin.

1976, Hubert Juin, toute une époque ! Était-ce donc mieux "avant" ? Écouter 1976 avec les oreilles de 2016 habituées (?) aux Broué, Gardette, Garrigou-Lagrange, c'est en tout cas le dépaysement garanti.

La première partie de la discussion se concentre sur l’œuvre littéraire d'Henri Barbusse, il y est largement question de son roman Le Feu dont  des extraits sont lus avec art (le nom du lecteur n'est ni dit,ni écrit).

Une archive qui sera peut-être utilisée dans les cours d'histoire au collège et au lycée ? Ici le deuxième extrait ponctuant la conversation entre les invités* :  [son mp3="http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13915-03.06.2016-ITEMA_21001061-2.mp3" debut="20:58" fin="26:06"]
À rapprocher avec La Der des der (voir fil 1914-1918, des regards de contributeurs)

* La page de France Culture indique "Avec Jacques Le Glou, Jacques Cellard et Jean-Michel Goutier". Ces trois noms ne correspondent pas aux noms des invités donnés en début et fin d'émission par Hubert Juin. Les quatre intervenants sont donc Henri Mitterand, Pierre Paraf, Nicole Racine et André Wurmser. En plus des lectures sont diffusées les voix d'Henri Barbusse, d'Emmanuel Berl et de Roland Dorgelès.

Pour en savoir plus sur les quatre invités :

Henri Mitterand (ses deux dernières interventions à France Culture en 2011)

Pierre Paraf

Nicole Racine

André Wurmser

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Re: Le programme de nuit, îlot de culture (I) -

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