C'est une semaine vraiment très riche, mais hélas un peu frustrante pour les auditeurs qui aiment les séries complètes : ils y trouveront plus d'un épisode isolé, puisé aux archives à la demande d'un invité du samedi sans qu'on juge bon d'en exhumer la série entière. Certains seront en dernière diffusion, donc à saisir malgré tout. D'autres apparaissent dans la Nuit rêvée de la semaine, à la demande de Frédéric Mitterrand. Et puis il y a, isolé, un numéro (un seul sur deux) d'une des meilleures séries de France Culture : le Profil perdu de Dominique de Roux. Pourquoi un seul ? On ne sait pas. Faut-il attendre le deuxième volet dans le cours de la semaine prochaine ? On n'en sait rien. Passons sur les déceptions, car il faut le reconnaître, le programme de cette semaine a de quoi satisfaire l'auditeur exigeant. J'en extrais arbitrairement quelques conseils d'écoute. Très arbitrairement, parce qu'on ne peut pas parler de tous ceux dont vous pouvez lire le nom dans le titre du post suivant et cette semaine, il y en a. C'est une belle galerie d'invités. Je ne suis pas certain que le programme des journées, quoique 6 à 7 fois plus long, en offrirait autant.
Un premier conseil pour les auditeurs de la nuit qui sont en plus des amateurs de Julien Green : ils ne doivent pas se laisser abuser par les deux entretiens annoncés dans le choix de Frédéric Mitterrand :bbien que l'intervieweuse soit la même (Dominique Arban),les deux entretiens sont des nouveautés dans les nuit et non pas les 2 longues émissions de 1955 qu'on connait déjà, diffusées récemment sous le titre "Le paradoxe de Julien Green". Nous sommes ici quelques années plus tôt, dans la série "Des idées et des hommes". Pour une fois on échappe à Jean Amrouche (celui que Roger Grenier qualifiait de terrible raseur) et c'est déjà Dominique Arban qui accueille Julien Green.
Tout aussi important pour l'auditeur du France Culture ambitieux, il faut signaler en deux livraisons la série (complète, elle) produite en août 80 par Andrew Orr et Jacques Taroni : L'envers de la lettre. 4 épisodes d'une heure dont un seul avait été diffusé récemment, donnant lieu à un fameux plantage comme les Nuits savent nous en faire quelques uns chaque année. C'est une très belle série, ambitieuse on l'a dit, qui sera présentée dans le détail et dans ce fil de notre forum oui ici même, dans le courant de la semaine en tous cas avant la diffusion de jeudi.
Il y a aussi, à la fête pour une fois, le Tire-ta-langue des meilleures années. En ces temps là , Antoine Perraud n'avait pas encore attrapé le virus Achille-Talon, et Tire ta langue offrait à chaque numéro une chronique + un documentaire + un entretien. Ce temps est loin et l'émission n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était, on en jugera avec ces 3 émissions :
- une nouvelle et probablement dernière rediffusion d'un numéro sur l'art des dialogues de Michel Audiard, qui contient un documentaire de Catherine Escrive et un entretien avec Pierre Etaix.
- deux numéros sur le parler de deux grands politiques : De Gaulle, Mitterrand. Dans chacune des deux émissions on trouvera présents les deux personnages, car pendant ou après le documentaire (respectivement de Jean-Marc Ohnet et d'Antoine Perraud) on ne se fera pas faute de rapprocher ou de distinguer les deux styles, avec comme invités au moment de la 2eme partie : respectivement Jean Lacouture et Dominique Labbé
Dans le France Culture de 2013, les émissions d'histoire sont parmi celles qui ont été le moins dégradées par le je-m'en-foutisme du crooner qui dirige la baraque. Emmanuel Laurentin tient à-peu-près bon le cap, et les 4 producteurs des Lundis de l'histoire ne souilletn pas la feuille de match. Dans cette semaine nocturne, il y a tout de même quelques goodies à savourer.
Ainsi dans la nuit à venir Pierre Chaunu vient rencontrer Emmanuel Todd, autour du dernier livre de ce dernier : La troisième planète, où pour la première fois l'auteur pose explicitement et dans le détail son système d'explication des structures idéologiques par le mode d'organisation familiale. On en trouvait les prémisses dans le volume co-écrit 2 ans plus tôt avec Hervé le Bras 'L'invention de la France'. Encore quelques années plus tard, le raisonnement sera développé dans "La nouvelle France" (1988).
La seconde bonne occase vous la trouverez exactement une semaine plus tard : un numéro des Lundis de l'histoire en 1973, présenté comme rare par Jacques Le Goff lui-même qui réunit des historiens et des géographes pour traiter de l'histoire contemporaine.
Enfin il faut signaler trois raretés réelles :
- Un entretien avec Victoria Ocampo. Hélas, un seul, sur une série de 9, misère ! Pourtant c'est mieux que rien du tout, car Ocampo est un personnage à connaître d'ailleurs si ma mémoire est bonne, elle a donné lieu à deux volets de "Profils perdus" elle aussi. En Argentine elle fut aux lettres un peu ce que Jean Paulhan était en France : au coeur de tous les réseaux, maniant toutes les influences, ouvrant les portes et animant la principale revue littéraire "Sur" (Le Sud). Il n'y aura que Gombrowicz pour la snober mais c'est là un indice bien faible pour la connaître, car pendant ses longues vacances en Argentine, Gombrowicz aura snobé les plus grandes gloires littéraires et passé son temps à jouer aux échecs dans des bouges avec des apprentis-traducteurs tout en écrivant la nuit un faux journal à la lueur d'une bougie posée sur une bouteille de lait.
- Henry Miller : au moins chez nous il bénéficie d'une meilleure notoriété que la précédente. Pourtant sa voix, quoiqu'immédiatement reconnaissable, n'est pas si connue, parce que des entretiens radio il n'y en a pas tant que ça. On connait ceux de Georges Belmont, diffusés en CD par l'INA. C'est à Roger Pillaudin qu'on doit celui-ci : Miller (reconnaissable ici à sa casquette, la même que Michel Audiard) juste après la parution du dernier volet de sa crucifixion en rose, se commettait dans l'attribution d'un prix littéraire, sur une île quelque part en Méditerranée. De là le titre de cette émission : "Conversation au bord de la mer"
- Pour les amateurs très motivés, signalons un numéro de "Texte nu" pendant l'été 87 : Jean Carmet lit de Georges Perec une bordée de 'Je me souviens' ; un conte de Gaston de Pawlowksi ; et puis de larges extraits des Conseils du colonel N à un jeune gendarme, volume fraichement intégré à sa loufocothèque personnelle. Dans ce choix personnel on retrouve l'esprit de certains duels de lecture entre Caradec et Topor, dans 'Le bon plaisir' du second ou chez Bertrand Jérôme. D'une certaine façon ce numéro de "Texte nu" préfigure aussi la série "Le cabinet de curiosités" que France Culture avait enregistrée il y a 2 ou 3 ans au théâtre du rond-point. A part ça, c'est une captation réalisée pendant le festival d'Avignon, donc avec le son dégueulasse habituel malgré le talent de la chargée de réalisation Pierrette Perrono. Quant au public, hélas, on ne peut pas le changer.
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Dernière édition par Nessie le Lun 16 Sep 2013, 17:52, édité 5 fois