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Le programme de nuit, îlot de culture (I)    Page 64 sur 101

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Nessie 


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Programme des Nuits sur France Culture - Semaine du 14 au 21 septembre - Ven 13 Sep 2013, 16:46

On trouvera dans le post suivant le tableau du programme des Nuits de France Culture pour la semaine à venir. Ce fameux programme qui montre de façon implacable ce qu'est la qualité d'une radio culturelle, ou plutôt ce que c'était : entendez ce que France Culture savait faire autrefois et ne veut plus faire, bientôt même ne saura plus faire, une fois liquidé tout le personnel grandes et petites mains qui savait comment broder un tel programme.

C'est une semaine vraiment très riche, mais hélas un peu frustrante pour les auditeurs qui aiment les séries complètes : ils y trouveront plus d'un épisode isolé, puisé aux archives à la demande d'un invité du samedi sans qu'on juge bon d'en exhumer la série entière. Certains seront en dernière diffusion, donc à saisir malgré tout. D'autres apparaissent dans la Nuit rêvée de la semaine, à la demande de Frédéric Mitterrand. Et puis il y a, isolé, un numéro (un seul sur deux) d'une des meilleures séries de France Culture : le Profil perdu de Dominique de Roux. Pourquoi un seul ? On ne sait pas. Faut-il attendre le deuxième volet dans le cours de la semaine prochaine ? On n'en sait rien. Passons sur les déceptions, car il faut le reconnaître, le programme de cette semaine a de quoi satisfaire l'auditeur exigeant. J'en extrais arbitrairement quelques conseils d'écoute. Très arbitrairement, parce qu'on ne peut pas parler de tous ceux dont vous pouvez lire le nom dans le titre du post suivant et cette semaine, il y en a. C'est une belle galerie d'invités. Je ne suis pas certain que le programme des journées, quoique 6 à 7 fois plus long, en offrirait autant.

Un premier conseil pour les auditeurs de la nuit qui sont en plus des amateurs de Julien Green : ils ne doivent pas se laisser abuser par les deux entretiens annoncés dans le choix de Frédéric Mitterrand :bbien que l'intervieweuse soit la même (Dominique Arban),les deux entretiens sont des nouveautés dans les nuit et non pas les 2 longues émissions de 1955 qu'on connait déjà, diffusées récemment sous le titre "Le paradoxe de Julien Green". Nous sommes ici quelques années plus tôt, dans la série "Des idées et des hommes". Pour une fois on échappe à Jean Amrouche (celui que Roger Grenier qualifiait de terrible raseur) et c'est déjà Dominique Arban qui accueille Julien Green.

Tout aussi important pour l'auditeur du France Culture ambitieux, il faut signaler en deux livraisons la série (complète, elle) produite en août 80 par Andrew Orr et Jacques Taroni : L'envers de la lettre. 4 épisodes d'une heure dont un seul avait été diffusé récemment, donnant lieu à un fameux plantage comme les Nuits savent nous en faire quelques uns chaque année. C'est une très belle série, ambitieuse on l'a dit, qui sera présentée dans le détail et dans ce fil de notre forum oui ici même, dans le courant de la semaine en tous cas avant la diffusion de jeudi.

Il y a aussi, à la fête pour une fois, le Tire-ta-langue des meilleures années. En ces temps là , Antoine Perraud n'avait pas encore attrapé le virus Achille-Talon, et Tire ta langue offrait à chaque numéro une chronique + un documentaire + un entretien. Ce temps est loin et l'émission n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était, on en jugera avec ces 3 émissions :
- une nouvelle et probablement dernière rediffusion d'un numéro sur l'art des dialogues de Michel Audiard, qui contient un documentaire de Catherine Escrive et un entretien avec Pierre Etaix.
- deux numéros sur le parler de deux grands politiques : De Gaulle, Mitterrand. Dans chacune des deux émissions on trouvera présents les deux personnages, car pendant ou après le documentaire (respectivement de Jean-Marc Ohnet et d'Antoine Perraud) on ne se fera pas faute de rapprocher ou de distinguer les deux styles, avec comme invités au moment de la 2eme partie : respectivement Jean Lacouture et Dominique Labbé

Dans le France Culture de 2013, les émissions d'histoire sont parmi celles qui ont été le moins dégradées par le je-m'en-foutisme du crooner qui dirige la baraque. Emmanuel Laurentin tient à-peu-près bon le cap, et les 4 producteurs des Lundis de l'histoire ne souilletn pas la feuille de match. Dans cette semaine nocturne, il y a tout de même quelques goodies à savourer.
Ainsi dans la nuit à venir Pierre Chaunu vient rencontrer Emmanuel Todd, autour du dernier livre de ce dernier : La troisième planète, où pour la première fois l'auteur pose explicitement et dans le détail son système d'explication des structures idéologiques par le mode d'organisation familiale. On en trouvait les prémisses dans le volume co-écrit 2 ans plus tôt avec Hervé le Bras 'L'invention de la France'. Encore quelques années plus tard, le raisonnement sera développé dans "La nouvelle France" (1988).
La seconde bonne occase vous la trouverez exactement une semaine plus tard : un numéro des Lundis de l'histoire en 1973, présenté comme rare par Jacques Le Goff lui-même qui réunit des historiens et des géographes pour traiter de l'histoire contemporaine.

Enfin il faut signaler trois raretés réelles :
- Un entretien avec Victoria Ocampo. Hélas, un seul, sur une série de 9, misère ! Pourtant c'est mieux que rien du tout, car Ocampo est un personnage à connaître d'ailleurs si ma mémoire est bonne, elle a donné lieu à deux volets de "Profils perdus" elle aussi. En Argentine elle fut aux lettres un peu ce que Jean Paulhan était en France : au coeur de tous les réseaux, maniant toutes les influences, ouvrant les portes et animant la principale revue littéraire "Sur" (Le Sud). Il n'y aura que Gombrowicz pour la snober mais c'est là un indice bien faible pour la connaître, car pendant ses longues vacances en Argentine, Gombrowicz aura snobé les plus grandes gloires littéraires et passé son temps à jouer aux échecs dans des bouges avec des apprentis-traducteurs tout en écrivant la nuit un faux journal à la lueur d'une bougie posée sur une bouteille de lait.
- Henry Miller : au moins chez nous il bénéficie d'une meilleure notoriété que la précédente. Pourtant sa voix, quoiqu'immédiatement reconnaissable, n'est pas si connue, parce que des entretiens radio il n'y en a pas tant que ça. On connait ceux de Georges Belmont, diffusés en CD par l'INA. C'est à Roger Pillaudin qu'on doit celui-ci : Miller (reconnaissable ici à sa casquette, la même que Michel Audiard) juste après la parution du dernier volet de sa crucifixion en rose, se commettait dans l'attribution d'un prix littéraire, sur une île quelque part en Méditerranée. De là le titre de cette émission : "Conversation au bord de la mer"
- Pour les amateurs très motivés, signalons un numéro de "Texte nu" pendant l'été 87 : Jean Carmet lit de Georges Perec une bordée de 'Je me souviens' ; un conte de Gaston de Pawlowksi ; et puis de larges extraits des Conseils du colonel N à un jeune gendarme, volume fraichement intégré à sa loufocothèque personnelle. Dans ce choix personnel on retrouve l'esprit de certains duels de lecture entre Caradec et Topor, dans 'Le bon plaisir' du second ou chez Bertrand Jérôme. D'une certaine façon ce numéro de "Texte nu" préfigure aussi la série "Le cabinet de curiosités" que France Culture avait enregistrée il y a 2 ou 3 ans au théâtre du rond-point. A part ça, c'est une captation réalisée pendant le festival d'Avignon, donc avec le son dégueulasse habituel malgré le talent de la chargée de réalisation Pierrette Perrono. Quant au public, hélas, on ne peut pas le changer.

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Dernière édition par Nessie le Lun 16 Sep 2013, 17:52, édité 5 fois

Nessie 

Nessie

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Malraux - Altman - Emmanuel Todd - Marlène Dietrich - Victoria Ocampo - Julien Green - Silvia Baron-Supervielle - Raul Ruiz - Dominique de Roux - Djuna Barnes - Giono - Sautet - Truffaut - Cocteau - Céline - Miller - - Ven 13 Sep 2013, 16:49

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Samedi 14 septembre (lire : nuit du vendredi 13 au samedi 14)
01h30 - 02h51 :
Un homme une ville - André Malraux en Espagne (26 décembre 80) par Jean Montalbetti
02h51 - 04h21 :
Le temps des sciences - Les congrès Solvay, naissance de la physique quantique (15 juin 99) par Ruth Scheps
04h21 - 05h21 :
Une vie une oeuvre - Robert Altman (25 juillet 2009) par Virginie Bloch-Lainé
05h21 - 06h11 :
Rencontre avec Emmanuel Todd pour "La troisième planète" (27 février 83) par Patrice Galbeau. Avec Pierre Chaunu.

Dimanche  15 septembreLa nuit rêvée de Frédéric Mitterrand
00h00 - 00h30 :
Entretien avec Frédéric Mitterrand, par Philippe Garbit
00h30 - 01h30 :
D'une Grande traversée : Marlène Dietrich, la muse rebelle 5e partie (5 août 2011)
01h30 - 02h30 :
Tire ta langue - De Gaulle, la langue du destin (11 septembre 98) par Antoine Perraud
02h30 - 02h46 :
Un entretien avec Victoria Ocampo - 1er d'une série de 9 (4 décembre 73) par Viviane Forrester
02h46 - 03h06 :
Des idées et des hommes -Julien Green 1re partie (30 juin 51) par Dominique Arban
03h06 - 03h31 :
Des idées et des hommes -Julien Green 2e partie (7 juillet 51) par Dominique Arban
03h31 - 03h51 :
Journal parlé de la chaîne parisienne - Caroline Chérie (5 mars 51)
03h51 - 04h25 :
Entretien avec Frédéric Mitterrand
04h25 - 04h55 :
Fiction - Jean Cocteau : Le bel indifférent (21 mai 1946) Réalisation Jean Dasthys
04h55 - 05h25 :
Un livre des voix - Silvia Baron Supervielle, La ligne et l'ombre (2 février 99) par Pierre Sipriot
05h25 - 06h25 :
Tire ta langue - Ainsi parlait François Mitterrand (10 juillet 2001) par Antoine Perraud
06h25 - 06h30 :
Fin de nuit avec la Frédouille

Lundi 16 septembre  
00h00 - 00h45 :
Microfilms - Raul Ruiz (19 mars 89) par Serge Daney
00h45 - 01h20 :
Texte nu - Jean Carmet lit Georges Perec, Gaston de Pawlowksi, et les "Conseils du colonel N à un jeune gendarme" (17 août 1987) Réalisation Pierrette Perrono
01h20 - 02h20 :
Profils perdus - Dominique de Roux 1re partie (31 oct 91) par Dominique Barré
02h20 - 04h25 :
Fiction - La maison mère (30 juin 96) de Vera Feyder. Réalisation Michel Sidoroff
04h25 - 06h00 :
Surpris par la nuit - Marie-Pier Ysser, l'identité est un roman Entretien avec Marie-Pier Ysser pour son premier roman : "J'inventais ma vie"(5 février 2004) par Hélène Hazéra

Mardi 17 septembre
01h30 - 02h21 :
Du jour au lendemain - Autour de Djuna Barnes (25 février 86) par Alain Veinstein, avec Andrew Field
02h21 - 02h51 :
Pages arrachées à Voyage au bout de la nuit, choisies par Philippe Muray  1er épisode (12 mai 86) Lecture par Michel Piccoli. Réalisation Jacques Taroni
02h51 - 03h51 :
La marche des sciences - Evariste Galois (16 juin 2011) par Aurélie Luneau
03h51 - 04h01 :
Heure de culture française - La guerre du Péloponnèse (3 mars 52) Conférence par Jacqueline de Romilly
04h01 - 05h01 :
Giono, du réel à l'imaginaire - 2e épisode : la transposition Gionesque (23 septembre 72) par Robert Ythier
05h01 - 05h56 :
Rediffusion du jour : Sur les docks


Mercredi 18 septembre
01h30 - 02h06 :
Cinéma vérité - Claude Sautet, François Truffaut (10 mars 70) par Roger Régent
02h06 - 03h26 :
Dialogues - De la révolte à la Renaissance (23 octobre 73) par Roger Pillaudin, avec Djeorges Mathieu et Michel Poniatowski
03h26 - 05h01 :
Documentaire du vendredi - Marie d'Agoult, une républicaine romantique (23 janvier 81) par Dominique Toussaint-Desanti
05h01 - 05h56 :
Rediffusion du jour : Sur les docks


Jeudi 19 septembre
01h30 - 02h11 :
Conversation au bord de la mer avec Henry Miller (28 mai 62) par Roger Pillaudin
02h11 - 02h41 :
La mémoire des hommes - Maurice Rheims (12 juin 60) par André Gillois avec Emmanuel Berl, Edgar Morin.
02h41 - 03h38 :
Envers de la lettre - 1re partie : L'écoute en Bretagne, la mer servant de décor (9 aout 80) par Andrew Orr
03h38 - 04h36 :
Envers de la lettre - 2e partie : Simone et Guy  (16 août 80) par Andrew Orr
04h36 - 05h01 :
Actualité du livre - Simone de Beauvoir : Le deuxième sexe (4 novembre 48)
05h01 - 05h56 :
Rediffusion du jour : Sur les docks


Vendredi 20 septembre
01h30 - 02h31 :
Vendredis de la philosophie - Quel cosmopolitisme aujourd'hui ? (5 décembre 2003) par François Noudelmann
02h31 - 03h06 :
Tribune des arts - Le surréalisme (8 mai 56) par André Parinaud, avec Alain Jouffroy, Hans Bellmer, Man Ray, Victor Brauner, Leonor Fini
03h06 - 04h03 :
Envers de la lettre - 3e partie : La solitude en milieu rural (23 aout 80) par Andrew Orr
04h03 - 05h01 :
Envers de la lettre - 4e partie : La lettre de Dominique (30 août 80) par Andrew Orr
05h01 - 05h56 :
Rediffusion du jour : Sur les docks


Samedi 21 septembre
01h30 - 02h31 :
Tire ta lange - Dialogues, le style de Michel Audiard + Entretien avec Pierre Etaix (14 mai 2002) par Antoine Perraud
02h31 - 04h36 :
Atelier de création radiophonique - La tête dans la lunette (14 avril 91) par Serge Sanchez
04h36 - 06h11 :
Lundis de l'histoire - Histoire contemporaine depuis la 2eme guerre mondiale. Avec Marcel Roncayolo, Guy Palmade, Maurice Le Lannou, Jean-Baptiste Duroselle et  (12 février 73) par Jacques Le Goff
06h11 - 07h00 :
Rediffusion : Les rendez-vous de la Réaction



Dernière édition par Nessie le Mar 17 Sep 2013, 10:36, édité 1 fois

George Weaver 

George Weaver

633
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Dominique de Roux - Lun 16 Sep 2013, 14:47

Nessie a écrit:Et puis il y a, isolé, un numéro (un seul sur deux) d'une des meilleures séries de France Culture : le Profil perdu de Dominique de Roux. Pourquoi un seul ? On ne sait pas. Faut-il attendre le deuxième volet dans le cours de la semaine prochaine ? On n'en sait rien.
Philippe Garbit a clairement laissé entendre à la fin de l'émission que la deuxième partie sera prochainement diffusée…
Ce numéro-là était déjà tout à fait passionnant !

Nessie 

Nessie

634
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Re: Le programme de nuit, îlot de culture (I) - Lun 16 Sep 2013, 22:12

George Weaver a écrit:
Nessie a écrit:Et puis il y a, isolé, un numéro (un seul sur deux) d'une des meilleures séries de France Culture : le Profil perdu de Dominique de Roux. Pourquoi un seul ? On ne sait pas. Faut-il attendre le deuxième volet dans le cours de la semaine prochaine ? On n'en sait rien.
Philippe Garbit a clairement laissé entendre à la fin de l'émission que la deuxième partie sera prochainement diffusée…
Ce numéro-là était déjà tout à fait passionnant !
Merci du tuyau Djeorges. Voila qui rassure. De mon côté je n'ai rien reçu car jusque vers 3h il n'y avait pas de son France Culture dans ma radio, seulement le boucan d'une station de musicaille pénible.

Nessie 

Nessie

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Courriers d'auditeurs - Prélude - Mer 18 Sep 2013, 21:56

Nessie a écrit:[...]en deux livraisons la série (complète, elle) produite en août 80 par Andrew Orr et Jacques Taroni : L'envers de la lettre. 4 épisodes d'une heure dont un seul avait été diffusé récemment, donnant lieu à un fameux plantage comme les Nuits savent nous en faire quelques uns chaque année. C'est une très belle série, ambitieuse on l'a dit, qui sera présentée dans le détail et dans ce fil de notre forum oui ici même, dans le courant de la semaine en tous cas avant la diffusion de jeudi.
La nuit prochaine et la suivante dans le programme nocturne, voici venues de l'été 1980, 4 émissions sur l’écoute de la radio. Et plus précisément : l’écoute de France Culture. Une dizaine de personnes interviewées, dans des situations et sur des tons très différents. Le thème n'est pas clairement indiqué dans le titre et c’est dommage. Ici l'on préfère réparer cette erreur immédiatement, plutôt que de jouer le jeu et laisser à l’auditeur de cette excellente série le soin de découvrir progressivement quel en est le principe. Pourquoi ? Parce que ça prend presque un quart d'heure, en ouverture du premier numéro, et que ce démarrage m’a semblé un peu coton.

La lettre, c'est celle que l'auditeur a envoyée à France Culture. Il y en aura donc quelques-unes, lues par quelques-uns. L'envers de la lettre, c’est ce qu’elle laisse espérer : à la fois ce qu’elle cache, et ce qu’elle dit sans le dire. C'est donc une autre lettre. Andrew Orr est parti recueillir cette parole des auditeurs épistoliers. Il faut un tout petit peu de patience pour comprendre la chose au début du premier numéro, le plus foisonnant des 4, le seul qui nécessite sinon un effort non de concentration, du moins d’attention : il faut réussir à monter dans ce train. Non qu’on risque de se faire larguer au démarrage, plutôt de prendre sa propre route et de se laisser aller à son propre vagabondage. Mon conseil : éloignez les enfants (pas pour eux, mais pour vous), tuez les voisins, écrivez à la mairie pour interdire les travaux d’infrastructure dans le sous-sol parisien cette nuit-là.

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Nessie 

Nessie

636
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Premier volet - L'écoute, en Bretagne, la mer servant de décor - - Mer 18 Sep 2013, 21:58

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Ca commence par les aventures de deux auditeurs en Bretagne, Jean-Pierre et Louis. Leur aventure est quotidienne : c’est celle du vagabondage intellectuel et poétique à l'écoute de leur radio, principalement les deux postes de Radio France : France-Cu et France-Mu. Et pour nous l’aventure c’est de parvenir à les suivre. Ca en vaut largement la peine.

Ca commence par la mise en place de l’épisode, et de toute la série : ils se présentent un peu longuement, avec une bonhommie qui frôle la complaisance. Ils lisent leur lettre à France Culture, à l'équipe de l'émission. Ils s'inquiètent (façon de parler) de ce qui restera de leurs paroles. Après un quart d'heure de cette mise en route, les deux témoins abordent enfin le thème principal de ce premier numéro : les voix à la radio. L'accent sera mis sur l'écoute nocturne, et sur l'imaginaire. Entre parenthèse, ça fait vraiment du bien de voir les thématiques de l'imaginaire abordées autrement qu’avec les clichés répétitifs de Laure Adler.

Ces deux types sont des intellectuels qui vivent comme des pécheurs, ou des pêcheurs qui vivent comme des intellectuels, on ne sait pas. Ils ont l’esprit curieux, cultivé, toujours en mouvement mais pas surexcité. Ils vivent dans la compagnie des livres et de leur radio, qui semble faire fonction d’oxygène mental. En passant, on se dit que l'évolution de  France Culture a dû leur mettre une sacrée claque. D'ailleurs à la 22eme minute, alors qu'ils viennent d'évoquer le dégel des paroles gelées dans le Tiers Livre, un des deux gars envisage la catastrophe : et si toutes ces voix qui les accompagnent, subitement se taisaient ? Si la radio devenait muette ? Cette catastrophe exactement inverse du dégel de la parole, c'est hélas ce que nous vivons progressivement depuis 1999 avec la glaciation  qui s'est répandue sur l’antenne de France Culture.

Quelques minutes plus tard, une surprise qui d’ailleurs avait été plus ou moins annoncée : extrait d’un entretien avec Armand Robin, grand écouteur de la radio certes pour d’autres motifs, mais enfin tout de même bien accroché à la radio de nuit. Car nos deux zèbres sont aussi des auditeurs de la nuit.

A écouter ces deux gus, lentement l’angoisse s’installe : on se dit que si toute la série est de cette eau, la comparaison avec le présent va faire mal. Oui ça ferait mal, autant et peut-être plus encore que la comparaison des programmes. C’est qu’il y a un abime entre ces deux témoins et ce que FC laisse passer des auditeurs de 2013, dans un effort constant pour étouffer les rares expressions du mécontentement. Cela dit, même avec ces deux intellos on est loin de la conception d'un Veinstein dans sa fameuse conférence de 2007, « L’extinction des voix ». Veinstein est un homme du métier, alors qu’ici on entend plutôt le métier de l'auditeur. Les deux se complètent. Peut-être même ils s'éclairent réciproquement ? Déjà dans ce premier épisode on n’en est pas certain et dans les suivants ça sera encore plus douteux.

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Dernière édition par Nessie le Mer 18 Sep 2013, 22:50, édité 1 fois

Nessie 

Nessie

637
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Deuxième volet - Simone, Guy - Mer 18 Sep 2013, 22:04

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Le deuxième volet nous rapproche de la série de Jean-Claude Bringuier, « Nous tous chacun », dont un extrait d’archive sera inséré dans la seconde moitié. Au brio intellectuel de la première heure, succède ici un quotidien plus prosaïque. Les deux témoins de ce numéro ont en commun le mode de vie : ce sont des bergers. L’une vit dans l’Alpe avec son petit bétail (il ne s’agit pas d’un troupeau d’éléphants). L’autre à Issoudun, où il fabrique et vend ses fromages un peu comme un stéréotype du néo-rural d'après mai 68. Car nous sommes à la sortie des années 70.

Tous deux connaissent la solitude. Simone, qui a perdu son partenaire et compagnon lors d’un orage de fin du monde, décrit la sienne comme « un vide plein ». La nature et la radio font mieux que combler les vides de sa vie. Elle est accrochée par les voix de France Culture. Elle décrit le lien qui se tisse entre ces voix et son quotidien. Elle écoute La Matinée des autres et les vivants et les Dieux, mais aussi les émissions de Jean-Luc Parent. Elle aussi lit sa lettre à Claude Mettra, et le producteur Andrew Orr enregistre l’envers de la lettre : un long commentaire tout de naturel et d’une notable épaisseur, mais sans gravité, sans lourdeur. Elle décrit sa pratique d’enregistrement des émissions : elle enregistre beaucoup mais elle ne thésaurise pas : chaque émission sera épuisée par plusieurs écoutes, avant de laisser la place à une autre émission sur la bande magnétique.

En extrait d’archives, récurrente, une lecture étonnante de Jean-Luc Parent probablement tirée d’un Atelier de Création Radiophonique. Simone est la preuve par l’exemple que cette radio, avec ses développements symbolistes ou ses  émissions de recherche parfois alambiquée, n’était pas faite à l’usage exclusif de quelques intellos de la rive-gauche.

Le second témoin est un homme : après une dizaine d’années de vie urbaine alternant les périodes à l’usine et les grands et longs voyages, Guy a basculé vers une existence qu’il voulait autonome et s’est installé à Issoudun pour y fabriquer ses fromages. Homme concret mais tout autant porté sur l’observation de soi, non sans un recul ironique quand il considère sa position de marginal dans sa commune : venu d’ailleurs, il apporte ses envies qui ne peuvent que sembler absurdes aux gens du cru : pourquoi planter des arbres qui ne rapportent pas ? Et pourquoi une pelouse ? Et, Grands Dieux, pourquoi donc planter des fleurs ? Pour autant, il a réussi à se faire accepter, comme un venu d’ailleurs mystérieux, différent et difficile à comprendre. Il en rigole doucement. Avec le récit de Guy on s’attarde un peu longuement dans la bergerie. La radio tarde un peu à venir dans la discussion, mais on n’a pas trop de mal à tenir bon car c’est tout de même instructif. La transition va se faire à l’occasion d’un couplet sur sa solitude, dissonante avec les usages du lot car il n’est pas normal de n’être ni marié, ni ivrogne.

En écho aux extraits de « Nous tous chacun » où il dit reconnaitre son mode de vie et s’en trouver bien, il philosophe quelque peu sur sa solitude, non sans appréhension. On ne saura pas bien si la radio lui permet d’en sortir ou si elle l’y maintient, mais on comprend qu’il s’en méfie quelque peu. Lui aussi enregistre, et il conserve les émissions. Le magnétophone lui permet de concilier les contraintes de l’élevage et les rendez-vous radiophoniques. Rien que de très ordinaire ? On en reparlera.

Anattendant, voici que s'achève la première livraison de ces Nuits du 19 septembre. La deuxième émission se clôture avec le même habillage musical que la première : l'élégant carton-pâte musical que Marguerite Duras avait commandé à Carlos d’Alessio pour figurer l’Indochine coloniale de son enfance. Les derniers mots de Guy sont recouverts par la voix de Jeanne Moreau, on constate que l’enthousiasme de Simone a laissé la place à une sorte de tranquille mélancolie. Avec ces deux solitaires ruraux,  nous avons un documentaire d’une remarquable humanité. On se demande comment après ça il y a des gens qui osent tirer les grosses ficelles de Sur les docks ou des Pieds sur terre. On se posera de nouveau la question à la fin du 3eme épisode : la vie d’usine comme si vous y étiez.

Nessie 

Nessie

638
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L'envers de la lettre - 2e livraison - Jeu 19 Sep 2013, 23:32

Dans quelques heures, suite et fin de ce carrotage dans le public de FC en 1980, avec les émissions 3 et 4. Comme dans les 2 premières, le résultat est aux antipodes de l’idée reçue et du cliché : radio pour les intellos, les professeurs, les artistes et autres élites. Enfin pour ce qui est des élites, elles ne seront pas absentes. On en reparlera.

Avec ces deux derniers volets, on peut s’interroger sur le sens du titre : les auditeurs ont écrit à leur radio, en réponse au programme, aux émissions. A certains d’entre eux on envoie une équipe, mais pour entendre quoi, au fait ? S'agit-il encore de leur faire parler radio, ou bien est-ce qu'on cherche surtout à les faire parler d’eux. L’envers de la lettre, n’est-ce pas aussi son auteur, au quotidien ? C’était déjà le cas dans la première livraison. La tendance s’accentue : au fil des numéros tandis que la forme radiophonique change, la radio elle-même sera de moins en moins présente, ou plutôt le programme de France Culture. Pourtant il s'agit toujours d'écoute.

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Nessie 

Nessie

639
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3e partie : Solitude et désoeuvrement en milieu rural - Jeu 19 Sep 2013, 23:41

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Le titre de ce troisième volet est étrangement choisi : "Solitude et désoeuvrement en milieu rural". Il convenait mieux au numéro 2. Ici la première des deux principales invitées est Belfortaine, donc rien moins que rurale. Quant à la dernière elle travaille en usine, ce qui est plutôt original comme désoeuvrement. La seconde parlera peu du programme, mais plutôt de la situation d'écoute, patience, j'y viens plus bas. Mais à part ça, malgré une parenthèse Bachelardienne bizarrement insérée à la 6e minute, et malgré un peu plus tard ce passage mystérieux d'une lettre douloureuse, qui semble à peine annoncer la deuxième moitié, tout le numéro est dominé par la personnalité rien moins que spontanée de la Belfortaine.

Comment ça, je suis pas clair ? Ah, mais il est temps de prévenir l’auditeur : cette troisième émission est moins linéaire que les deux autres, moins facile à suivre. Il ne sera pas toujours aisé de distinguer entre les lettres, les témoignages, les archives sauf pour les plus anciennes. On a l’impression -peut-être fausse- d’y entendre davantage de participants, pas toujours très nettement séparés et quoique leur style individuel les différencie, assez vite on perd le fil. En fait pour la plus grande part c’est une émission sans fil, une mosaïque sonore moins clairement délimitée que les précédentes, car pour la forme on s’éloigne des ‘Nous tous chacun’ et on se rapproche des Nuits magnétiques, pour ne pas dire de l’ACR quand les enchaînements deviennent carrément mystérieux.

La radio, on l’a dit, n’est pas si présente, en tous cas bien moins que dans les numéros précédents. Il faut attendre la 20eme minute pour voir arriver FC dans le propos, sous forme d’un montage de type ACR, au parfum de Hoerspiel : mélange de voix, lectures de courriers d’auditeur, dont quelques farfelus assez croquignolets et manifestement lues par quelqu’un d’autre que par leur expéditeur, parfois même en lecture multiple.  Cette partie tranche sur les témoignages, comme une transition peut-être, en tous cas elle est savoureuse.

Dans la première moitié, la principale interviewée est spontanée, naturelle, et probablement pas toute jeune mais son esprit est encore vert. Un mélange de malice et de gouaille, sur fond d’une curiosité authentiquement passionnée : elle mentionne Nerval, Georges Sang, Barbey d’Aurevilly. Elle remercie France Culture de lui avoir fait découvrir tout ça. Rien là que de classique. Elle écoute les émissions d’Hubert Huin (‘Relectures’, on suppose) et 'Le Monde contemporain'.

La deuxième moitié est presque entièrement consacrée au témoignage d’une ouvrière qui parvient à écouter France Culture pendant son travail, à l’usine de chaussures. Elle décrit l’ambiance, sa crainte d’une rétorsion patronale qui heureusement n’arrive jamais. Subitement nous voila dans ‘Les Pieds sur terre’, mais avec le misérabilisme en moins. Du coup on se dit que ce 3e numéro pourrait plaire aux auditeurs des Pieds sur Terre et de Sur les docks. Mais on pourrait aussi grincer des dents en se poser la question suivante : ces gens simples, gens de peu, ce petit peuple sensible qu’on entend ici, eh bien 30 ans plus tard il a changé de tiroir. De public en 1980, il est devenu sujet d’émission, pour ne pas dire héros récurrent.

Alors, extrapolons : le public visé par les documentaires sociaux en 2013 n’est plus ce petit monde qui écoutait FC en 1980 pour y entendre du Nerval et du Barbey d'Aurevilly. Le public visé par FC, c'est la classe moyenne, en tant que cible idéologique qu’il convient de gagner à la cause. Quant à ce même populo à qui on donnait jadis de la culture, eh bien puisqu’il est promu à la fois vedette de la station et objet principal du programme, qu’il n’aille pas en plus se plaindre du remplacement de la culture par les reportages sociaux qui tartinent à l’envi sur son mal de vivre. Et que le message soit clairement reçu : il n’est plus temps de lui servir de la culture comme autrefois, ah mais !! De là à accuser directement FC d’avoir abandonné une partie de son public qui se nourrissait de culture, pour le transformer en objet de militance et surtout ne plus lui offrir de programme culturel (qui risquerait de l’embourgeoiser ?), il n’y a qu’un pas. Ce pas, je le franchis sans trop me faire de bile : ceux qui ne sont pas d’accord avec ma lecture de ces deux derniers volets vont trouver encore plus nettement l’occasion de me répondre quand ils auront lu mes remarques sur le 4eme.

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Dernière édition par Nessie le Ven 20 Sep 2013, 00:59, édité 1 fois

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4e partie - La lettre de Dominique (de plus en plus décousu) - Ven 20 Sep 2013, 00:56

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Il y a de quoi être dérouté par ce 4eme numéro, parsemé des considérations d’un philosopheur. Est-ce la voix de Jacques Derrida ? Ceux qui l’apprécient comme philosophe (ne parlons pas de l’idéologue) vont peut-être ici  découvrir quel formidable réservoir à sornettes était ce type : ses considérations abstraites sur le courrier, ses fantasmes sur la façon dont  ses contemporains écrivent des lettres : « toujours en improvisant, parce qu’écrire une lettre c’est comme parler, il n’y a pas de retour en arrière, un peu comme quand on est au micro, dit-il ». De là deux questions : a) ce type est-il fou ? et b) mais où va-t-il donc chercher une telle ânerie ?

On espérait n’avoir que quelques minutes à endurer ce numéro de psychologie imaginaire, digne d’un lycéen de terminale en quête d’un prof pour le dégrossir avant d’attaquer sa première année de licence. Hélas c’est bien toute l’émission va être parsemée de ses perles. Heureusement, avec l’avancée dans le sujet (rappelons le sujet : la parole donnée à des témoins, auditeurs de France Culture), il va se faire moins présent quoique toujours aussi loufoque. On croit y échapper vers la 10ème minute, au moment d'une transition musicale, mais il revient avec une sorte d’analyse artistique, là on se croirait chez Aurélie Charon. Tenez bon les gars.

Si l’on parvient à scotomiser cette parole du dominant infatué de son importance sociale, on retrouve tout de même l’ambiance de l’émission 3, toute de sincérité et d’émotion. On peut en tirer une remarque simple : pour connaître les gens, il faut les écouter, plutôt qu’écouter ceux qui  parlent en leur nom. Et cette fois, il s’agira d’une souffrance : celle d’une femme qui éprouve toute les peines du monde à s’exprimer, non par manque de compétence linguistique mais parce qu’elle est du mauvais côté de la lettre : l’envers de la lettre c’est ça aussi. Est-ce là la ‘Lettre de Dominique’ qu’annonce le titre ? On ne sait pas, puisque les témoins ne sont pas nommés. C’est un autre défaut de l’émission.

Les retours de Derrida hélas continuent à ponctuer la parole des auditeurs. Mais qu’est-ce qu’il fait là, bon sang ? Il ferait mieux de faire de la philo, plutôt que de parler à la place des gens que visiblement il ne connait pas, et ne comprend pas plus. De là le contraste sidérant avec le témoignage immédiatement enchainé : l’angoisse de l’auditrice dont les piles sont à bout et qui craint de rater son émission. On est tout de suite dans un autre monde. C'est une émission sur Kali : Chemins de la connaissance, ou bien Matinée des autres ? Fortes chances qu'on soit de nouveau chez Mettra ou chez Cazenave, peut-être dans "Les Vivants et les Dieux’. En tous cas, voila les 4 étiquettes qui se sont taillé la part du lion dans les références des auditeurs. Au micro, l'interviewée dit « Les lettres que j’envoie à Claude Mettra j’attends pas de réponse – d’abord il a autre chose à faire – et puis la réponse viendra par la radio. Et puis c’est plutôt ma lettre qui répond à ses émissions… ». Un peu plus loin, on comprend que l’envers des lettres, c’est aussi leur destinée ? Où vont les lettres ? Trouvent-elles leur destinataire ? Parfois oui mais pas toujours : en fait, pas plus que les émissions, répond la personne interrogée.  Ces belles paroles mise en comparaison avec les abstractions désincarnées de Derrida, laissent songeur. Le contraste est violent, et l’échec des auteurs de l’émission ne l’est pas moins, car on redoute que ces stupidités ont bien été balancées et posées là au premier degré, un peu comme celles d’un Enthoven en 2013. Le but est d'étaler son brio à manier l'abstraction. Quant à l'intérêt du baratin, quant à la vérité du propos, il est patent que ces questions ne les effleurent pas un instant.

Comme dans le 3eme volet, les intermèdes inattendus s’enchaînent, : une brève séquence sur l’automatisation mais est-ce celle du mailing, de la rédaction, de l’expédition, ou de la lecture ? Viennent encore quelques courriers, de type courant : lettres guindées à on ne sait quelle autorité, lettres d’amour, une lettre en anglais. On ne sait pas où est passé France Culture. Les hurlements d’Opéra renforcent l’ambiance ACR.

Avec le Nième retour de Derrida citant Lacan (ça manquait !) ou babillant sur la ‘dispersion du destinataire’ sans trop se soucier de la dilution de son baratin, on se surprend à attendre la fin avec impatience, et on se dit que l’avion d’Andrew Orr est en train de rater son atterrissage. Il redresse un peu sa course à la 30eme minute, quand on entend distinctement –par le poste radio- la parole de Simone, qui rencontre en commentaire un récit de rêve, qui décrit un accident semblable à celui qui l’avait privée de son compagnon. Aïe, ce bouclage-là est-il de bon goût ? Autre bouclage circulaire : peu avant la fin de l’émission, on retrouve un des deux intellos-pêcheurs du premier volet : les impressions de Jean-Pierre qui a entendu sa propre voix. On n’est pas encore soumis au narcissisme des années post-2000, mais patience, on y vient, en tous cas j'y viendrai dans quelques heures et dans une section ultérieure, car il y a eu une suite inattendue.

Anattendant la suite inattendue, vient le moment du bilan : ce 4eme numéro n’a pas la portée des 3 premiers. L’envahissement de l’émission par le verbiage d’une sorte d’Enthoven de 1980 préfigure ce que va devenir France Culture quand la station sera livrée aux produits de l’université d’élite, produisant des pensées d’élite : une fabrique du vide. Alors qu’en 1980 elle était une fabrique de l’humain (pour reprendre un titre qui fut quelque peu galvaudé sur la fréquence).

J'en ai maintenant fini de mon baratin sur cette série, qui donne à réfléchir et qui résonne en écho aux célébrations du "céquantenerre" (comme dit Tewfik Hakem), célébrations dont justement les auditeurs n'ont pas été absents. Faut-il dire "hélas" ? . Pour boucler ma 4ème critique, j'ai du affronter les contretemps infligés par EDF, par l'armée, la police et pour être précis la Brigade Mondaine, et aussi par l'administration fiscale, par ma Ford T, mon fournisseur de Pelforth, toutes causes qui se conjuguant à la colère du mascaret de la Bièvre et  à quelques autres menues catastrophes naturelles, m'ont fait livrer cette dernière critique en fin de compte assez tardivement, à peine trois heures avant la diffusion. Mea culpa ! Pour autant, comme mon but était d'attirer l'attention des forumeurs sur la série, peu importe que le dernier billet soit arrivé alors que tout le monde ronfle qui dans son armure Henri II ignifugée, qui sa combinaison de superman ; ou plutôt c'est une excellente chose : ceux qui se seront réveillés trop tard ou endormis trop tôt ce qui revient au même, et liront ces posts après la diffusion, pourront nous signaler leur soif de radio (je garde la Pelforth) dans le fil "Bourse des enregistrements". On se fera un plaisir de déposer, disponibles au téléchargement, des copies de ces 4 émissions.



Dernière édition par Nessie le Ven 20 Sep 2013, 01:12, édité 1 fois

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Supplément à l'écoute de ''L'envers de la lettre'' - Ven 20 Sep 2013, 00:57

A peine la 4eme émission achevée, voici qu’avec une ironie non prévue mon lecteur bascule sur l’Atelier intérieur de lundi dernier. La voix d’Aurélie Charon, puis celle de son premier invité : instantanément, quelque chose saute à l’oreille. Quel est le mot qui, dans l’univers sonore, correspond à « évident » ? L’évidence pour l’oreille, à ce moment-là, c’est un changement fondamental entre 1980 et 2013, je dis 2013 parce que le second extrait est de lundi dernier, mais il est certain que le changement est bien antérieur.

Alors de quoi s’agit-il ? Pour le dire simplement : ce lundi à 23h on entend non plus des gens simples parlant sincèrement, mais des gens en permanente représentation. Un poête acrobate qui fait "chanter les parois" donc une sorte de Marie Richeux au masculin (ou d‘Aurélie Charon) plus occupé à tartiner ses billevesées qu'à se demander quel sens ça a, ce qu'il raconte pour se faire mousser. Ensuite Aurélie Charon, toujours dans son spectacle personnel, et qui accorde toujours plus de soin à son propre personnage qu'à soigner le sens de ce qu'elle raconte.

De là je suggère à tous de faire l’expérience, plusieurs fois par journée : réécouter un moment des 4 volets d’Andrew Orr, puis basculez sans transition sur la fréquence de FC. Je parie que le changement de ton va vous sauter aux oreilles. C’est une conséquence probable de l’avancée de la médiatisation, ou plutôt de la façon dont les médias ont fait avancer la société dans le narcissisme : comme si un permanent et proéminent souci de l’image de soi était venu changer la parole radiophonique, et cela tant du côté des interviewés que des professionnels. Ce qui me semble d’ailleurs fort compréhensible, je veux dire qu’il y a là quelque chose de l’ordre de la fatalité, un effet probablement inévitable, dans une époque où le moindre enregistrement peut être diffusé N fois, repris en boucle, conservé et restitué sur plusieurs canaux dont les canaux du narcissisme numérique. Peut-être n’est-ce là qu’un effet transitoire, avant que l’utilisateur ne mûrisse. N’empêche que la constatation est là, frappante. Elle est le dernier cadeau que j’aurai reçu de cette série d’Andrew Orr.



Dernière édition par Nessie le Ven 20 Sep 2013, 21:19, édité 1 fois

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