C'est avec près de quatre mois de retard, suite à un touitte du jour, que nous découvrîmes ceci :
Près de quatre mois de retard, car la tendance ici est de considérer France Cu comme une radio culturelle et non une chaîne info.
Donc, le journal de 12h30, présenté par un dépressif auréolé des relances de Didine des Midis Didine & Nico, ne fait pas partie de nos écoutes quotidiennes.
Or, cette analyse d'experte a fait scandale lors de sa diffusion. Des auditeurs se sont plaints. Le service de la médiatrice qui coupe en son milieu a traité le dossier en refilant la patate chaude à qui de droit.
La philosophie reste la même. Toujours couvrir le personnel de France Cu, toujours renvoyer les auditeurs comme s'ils étaient des débiles mentaux. La preuve, les producteurs actuels ont la fâcheuse tendance à les traiter comme tels.
La médiatrice a transmis à qui de droit, et nous avons donc, transmise par la médiatrice, la réponse de la directrice de la rédaction, qui elle-même ne nous transmet pas directement la réponse de la chercheuse. Pour l'avoir, faut écrire personnellement à la médiatrice qui transmettra la réponse transmise.
Plus tarabiscoté, fallait le faire. Une intervention dans le journal de 12h30 pour une mise au point, par exemple, ç'aurait été trop compliqué.
"La réponse de Clotilde Dumetz, directrice de la rédaction de France Culture :
Julie Billaud est une anthropologue et professeure à l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève. Elle est spécialiste de l’islam, de la gouvernance internationale, de l’action humanitaire et du genre. Au lendemain du l’accueil par la France de 5 afghanes réfugiées au Pakistan car menacées par les talibans au pouvoir à Kaboul, il nous paraissait intéressant d’avoir son expertise. Nous aurions sans doute dû prendre le temps en début d’entretien de contextualiser plus avant. Ce rendez-vous dans le journal dure 5 minutes et ne permet pas toujours de prendre suffisamment de recul avant de dérouler une réflexion. Nous allons retravailler avec le présentateur de ce rendez-vous pour être plus attentifs à ne pas heurter nos auditeurs. Par ailleurs nous avons indiqué à Julie Billaud que ses propos avaient créé la polémique. Elle nous a proposé un texte en réponse. Pour tout auditeur qui souhaiterait en prendre connaissance, il suffit d’en faire la demande par message sur le site mediatrice.radiofrance.com"La moitié de cette réponse est du noyage de poisson, un rappel des faits que la médiatrice a déjà rappelé plus haut. L'autre moitié nous prend un peu pour des demeurés.
"Il nous paraissait intéressant d'avoir son expertise", mais sans faire gaffe aux propos qu'elle pourrait tenir parce que c'est une experte et on discute pas les expertes, ni les experts, leur discours fait autorité alors on écoute et on ferme sa gueule.
Je remets la suite car elle est magnifique :
"Nous aurions sans doute dû prendre le temps en début d’entretien de contextualiser plus avant. Ce rendez-vous dans le journal dure 5 minutes et ne permet pas toujours de prendre suffisamment de recul avant de dérouler une réflexion."Le problème avec ces deux phrases est multiple, mais avant tout, c'est une vaste blague, un ultime pied de nez aux quelques auditeurs qui ont osé se plaindre.
"Contextualiser" et
"prendre du recul", mais bon sang, mais c'est ce qu'à longueur d'année France Cu se vante de faire, c'est son fameux "France Cu va plus loin", c'est son credo, c'est sa croix, sa bannière.
Ne pas avoir "contextualisé" et "pris du recul", c'est admettre que le boulot n'a pas été fait, sans l'admettre vraiment, parce que peuchère, en 5mn, on peut rien dire, il aurait fallu plus de temps. Peuchère.
"Nous allons retravailler avec le présentateur de ce rendez-vous pour être plus attentifs à ne pas heurter nos auditeurs."Que signifie cette phrase ? Promis on le refera plus juré craché ? Ou alors que le producteur du "Journal de 12h30" de 12h30 va se prendre un petit savon ? Ou alors c'est juste une manière polie de se débarrasser de la patate chaude et de passer à autre chose ?
Il y a une autre hypothèse, elle est simple parce qu'elle correspond à ce qui est entendu, et à ce qui est expliqué dans la première moitié de la réponse de la direction de la rédaction : c'est une experte, elle a été invitée en connaissance de cause, et l'ensemble de la rédac' du journal de 12h30, celui qui passe à 12h30 mais réécoutable quand vous voulez en pode & caste, approuve cette analyse parce que nulle relance ni interrogation, mais tapis rouge bien déroulé.
Alors que la partie "invité de la rédac'" est toujours proposée en pastille isolée pour la réécoute sur la page du "Journal de 12h30" de 12h30, ce
mardi 5 septembre, rien. Faut aller chercher l'invité soi-même dans les 20 mn que dure le journal de 12h30.
La séquence peut toujours s'écouter, elle est en libre accès, rien n'a été coupé ni signalé, il n'y a aucune contextualisation ni prise de recul ajoutées sur la page du journal (de 12h30, je précise pour les étourdis).
"Voilà plusieurs mois déjà qu'elles avaient fui le régime obscurantiste de leur pays, depuis que les talibans ont repris le pouvoir à l'été 2021. Hier, cinq femmes afghanes menacées par les fondamentalistes et exilées au Pakistan ont été accueillies par la France, à l'issue d'une opération d'évacuation réclamée de longue date par leur soutien, lesquels appellent d'ailleurs Paris à mettre en place, plus largement, un couloir humanitaire « féministe ».
Et pour en parler aujourd'hui, Julie Billaud, anthropologue, chercheuse à l'Université de Genève et spécialiste des violences de genre en Afghanistan, bonjour Madame.
- Bonjoureuh.
- Depuis la reprise du pouvoir par les talibans les autorités françaises revendiquent en réalité l'évacuation de quelques 16 000 personnes... mais on comprend bien que l'arrivée de ces femmes donc hier revêt cette fois-ci une dimension supplémentaire ou à tout le moins disons une puissance symbolique particulière."Petite pause : cette intro indique fort clairement que c'est une invite à dérouler ce qui va suivre, que le pro' de 12h30 sait très bien ce que va dire l'experte.
Fin de la petite pause.
"- Oui tout à fait non effectivement là c'est enfin c'est ce qui est mis sureuh sur le genre ça devient un critère de sélection majeur, et bien entendu on peut tout à fait se réjouir du fait que ces cinq femmes aient pu trouver refuge. Pour autant, il semble que c'est une action quiiii...qui qui qui est problématique dans la mesure où quelque part euh elle renforce certaiiiiiiiins stérérotypes qui sont déjà bien ancrés je pense dans l'imaginaire collectif, un imaginaire selon lequel les femmes afghanes, musulmanes de manière générale, devraient avoir besoin d'être sauvées... euh par l'Occident, sauvée euuuuuuuuh de forces qui seraient représentées comme barbares qui sont les talibans, et qui seraient la principale cause de leur vulnérabilité. Et c'que j'trouve problématique et en fait dans cetteuh action c'est que ça aaaaaa que ça, passe sous silence le fait qu'la France a activ'ment participé au... ces dernières dernières années à l'occupation militaire brutale de ce pays qui est en grande partie responsable du mouv'ment d'résistance qui est incarné par les talibans. Donc c'qui est à l’œuvre à mon avis dans cette opération c'est une forme de, de, fémo-nationalisme, c'est-à-dire une forme d'instrumentalisation de la question du féminisme et d'l'émancipation des femmes à des fins racises [??? sic] dans l'sens où on alimente encore ces stéréotypes de femmes musulmanes, nécessitant d'être sauvées par l'Occident, et ça, et on passe sous silence la souffrance des femmes afghanes qui est bien réelle mais qui est pas seul'ment conséquence de leur genre ou des talibans, c'est le résultat de guerres à répétition, d'une occupation qui a été brutale, de la pauvreté généralisée, d'la militarisation d'la société, euh, tous ces processus qui ont été engendré à cauuuse , en grosse partie à cause de cette occupation auquel (sic) la France a participé...
- Julie Billaud, pour bien comprendre, vous avez travaillé sur les rapports de genre dans la société afghane, euh, cette représentation collective des femmes afghanes serait selon vous trop réductrice ? Quelles sont les limites, les manières, selon vous, d'poser l'problème ?
- C'est qu'ça nous empêche de penser à notre responsabilité. Quand je dis « notre », je dis « la responsabilité d'l'Occident ». Ça nous empêche de comprendre leur vulnérablité, de manière plus large, comme n'étant pas seul'ment le fruit du fait de l'Islam ou des politiques des talibans, mais le résultat du processus plus long, euh, historique, de long cours, il faut quand même rapp'ler que les talibans c'est des Frankenstein qui ont largement été créés par l'Occident lui-même. Euh le financ'ment par l'Occident des différents groupeuhs de moudjahidine en résistance contre la Russie, qui occupait l'Afghanistan pendant la guerre froide a largement contribué à l'essor en fait de l'islamisme fondamentaliste dans la région. Et donc il faut euouaussi prendre nos responsabilités et comprendre cette vulnérabilité qui est bien sûr genrée, qui n'... qui qui qui qui est aussieuh le résultat de processus beaucoup plus longs.
- Julie Billaud vous avez euh longu'ment analyséeuh justement les contradictions du projet d'émancipation des femmes par lequel les États-Unis avaient euh justifié leur intervention en Afghanistan. Dans quelle mesure est-il important de prendre en compte la condition des femmes durant cette période pour comprendre au fond le sort qui leur est réservé aujourd'hui par le régime taliban ?
- Oui, j'pense que ça permet de comprendre en près un peu plusseuh la prise en considération d'cette histoire plus longue, ça nous permet d'comprendre un p'tit peu plussseuh euh les... la communication des talibans. J'pense qu'il faut voir dans leur politique de genre un acte performatif, c'est-à-dire un acte de communication. Á mon avis ces, ces politiqueuh genrées euuuuuh... mises en place par euh c'est une manière d'affirmer leur souveraineté et d'se placer en opposition politique de genre sout'nue par l'Occident au cours d'ces vingt dernières années., et qui étaient largement perçues par la population comme une forme de domination cultureeeeelle et idéologique sur le pays. En fait, la mise en place par les talibans de politique de genre diamétral'ment opposée à pour but à mon avis de réaffirmer leur pouvoir souv'rain sur euh le territoire et de rapp'ler égal'ment les racines musulmanes de la culture afghane. C'est un acte nationaliste, et de la même manière je pense que cette action du gouvernement français est aussi une forme de communication. C'que j'trouve terrible dans cett' bataille c'est que le corps des femmes afghanes est dev'nu le terrain d'affront'ment idéologique entre les islamistes afghans et l'Occident impérialiste.
- C'est bien compris. Merci merci beaucoup Julie euh Billaud, anthropologue, chercheuse à l'université d'Genève, spécialiste des violences de genre en Afghanistan d'avoir répondu à l'invitation de France Culture, merci égal'ment à Aloïs Guérin pour la préparation".Pas la peine d’écrire personnellement à la médiatrice, la réponse est disponible
sur le blog Médiapart de la chercheuse.
On y trouve le même contenu, mais avec un soucis d'insister sur un point vite évacué au début de l'intervention sur France Cu, parce que vraisemblablement jugé moins important.
Premier paragraphe :
« Il est certain que nous ne pouvons que nous réjouir du fait que cinq femmes aient pu obtenir la protection de la France. Il faut espérer que cette opération marque le début d’une politique d’asile plus généreuse à l’égard des Afghans qui depuis quarante ans subissent des guerres à répétition. Une telle politique permettrait d’honorer une certaine tradition française de l’asile qui semble faire de moins en moins consensus.
Pour autant... »Un peu plus loin :
« Dans le cas présent, l’invocation de la cause humanitaire, bien qu’a priori louable, est problématique... »Encore plus loin :
« Les discriminations que subissent les femmes sous le régime actuel sont bien réelles et sont évidemment condamnables. Il faut cependant... »Et la fin :
« Être solidaire avec elles implique non seulement de les accueillir de manière inconditionnelle mais aussi de prendre acte de nos propres responsabilités vis-à-vis de la situation dans laquelle elles se trouvent aujourd’hui. »Autre particularité, le texte est plus construit, plus réfléchi, preuve que l’intervention dans le « Journal de 12h30 » de 12h30 était de l’impro totale, jamais nuancée ni remise en cause avec « recul » et « contextualisation » par la rédac’ à France Cu.
Le texte du blog, tranquille pépère, ne sera jamais remis en question, ni nuancé ni discuté par qui que ce soit.