Vacances apprenantes – Imaginez la suite des cinq textes suivants. Faites n’importe quoi et le plus rapidement possible, de toute façon au point où on en est.
N’importe quoi, oui, mais avec rigueur et méthode, donc la correction vous est encore proposée.
Suite n°1
J’ai franchi la rivière et j’ai dévalé, sur l’autre rive, le talus, derrière la pile du pont, en me jetant d’arbre en arbre. Je m’enfonçais déjà dans la vase quand j’ai enfin tourné la tête pour apercevoir le pont abandonné – abandonné comme si personne ne l’avait regardé depuis des années. La vase suintait sur ma peau comme de la rosée sur des bégonias le 23 janvier 2014 à 6h du matin au 32 rue des Hortensias à Bormes-les-Mimosas, ou alors comme une couche de crépis fraîchement appliquée sur le mur en brique de la villa Valvule de l’allée des Peupliers à La Bédoule.
Le pont m’accosta :
- Toi qui me regardes avec toute la fougue de la jeunesse, tu ne passeras pas sur moi avant de m’avoir combattu. Tu vaincras ainsi le sortilège qui règne en ce lieu depuis que la fée Miam-Miam a jeté un sort pour venger la mort de son mari qui a basculé par dessus moi lors de son combat contre Duodenum le Sanguinaire.
Sans perdre un instant, le pont revêtit son haubert, rabattit son heaume, s’arma, récupéra son écu, monta sur son cheval, le plus vif de tout le royaume, pointa sa lance dans ma direction et chargea.
Je mourus.
Suite n°2
...les deux dernières heures de calme que j’ai eues, pendant la sieste de mon fils, je les ai passées à laver la voiture sous le vieux marronnier en fleur (...) j’étais enchanté à l’idée que toute cette eau qui ruisselait dans la cour finirait par relancer la pousse des pissenlits, et que je n’étais plus qu’à un jour ou deux d’une nouvelle tonte. L’enchantement dura jusqu’à ce que je me rende compte que j’avais trop arrosé les pissenlits, qui d’un coup se mirent à grandir démesurément, jusqu’à engloutir ma voiture dans cette végétation devenue monstrueuse. Le vieux marronnier qui me regardait d’un œil bienveillant depuis deux heures, attendant mon départ pour pouvoir s’allonger à son aise, se jeta sur les pissenlits, écrasant la voiture déjà démantibulée. Puis la lutte fut sauvage, de temps à autre des branches mêlées de tiges et de capitules jaillissaient comme un geyser islandais. Pourquoi regardai-je si longtemps ce spectacle sauvage et fascinant ? Peut-être parce qu’il était sauvage et fascinant, pensai-je, avant qu’un dérapage incontrôlé du marronnier le fit s’écraser sur moi, rendant inévitable le jeu de mots que j’essayais d’éviter depuis le début.
Suite n°3
Châteaudun – je me suis promis d’y revenir en famille, et comme j’avais bêtement posé mes lunettes dans un tournant après Saint-Christophe, cela fut fait dès le lendemain. De là, nous nous sommes vaguement mis en quête, puisque j’avais un peu d’argent sur mon compte, d’une maison de campagne dans le Dunois, pariant sur le traditionnel dédain des parisiens pour la Beauce.
Ce furent des semaines faustiennes de délice immobilier sur « Le bon Coin » et « seloger.com » : villas en bord de mer, chalets montagnards, maisons sur pilotis, je ne savais que choisir, tout faisait mon bonheur. Mais soudain, mon choix s’arrêta net, grâce à mes freins surpuissants, sur une villa d’architecte de style néo-gothique, face à la mer, 4 pièces sur 10 étages, une terrasse souterraine ensoleillée, un abri antiatomique au premier, un parc arboré de 300 hectares sur trois niveaux dans un jardin de 3,5m², une mare olympique avec mezzanine de 4 m de profondeur en poivre de Cayenne. Je pris d’une part rendez-vous parce qu’il fallait absolument que je la visse très fort, et d’autre part ma voiture parce qu’il fallait que je la visse très vite. Je roulais d’un pas haletant, jusqu’à ce que je ne roulasse plus. Une armée de sycomores me fonçait droit dessus dans la nuit noire qui était tombée comme un tank lâché d’un Spitfire s’écrasant sur une collection de céramiques chinoises. « Aaaaah ! », criai-je et pensai-je simultanément, rendant synchrones le temps d’une seconde corps et esprit, avant que l’un ne s’échappe de l’autre, m’empêchant de comprendre que ce n’étaient pas mes lunettes que l’on m’avait rendues.
Suite n°4
Ce n’est pas une crise d’adolescence, que j’ai vécu, c’est un choc pétrolier : mes besoins en pétrole augmentaient chaque jour, jusqu’à ce que, nageant au fin fond de la mer Baltique je me rende compte enfin que le pétrole dégoulinait partout, envahissant ma cale, débordant sur mon pont, engloutissant mes cabines. Il fallait réagir au plus vite, et j’achetais, afin d’écoper mon surplus énergétique, un lot de 10 cuillères à café en promo chez Ikéa. Malgré tous mes efforts conjugués au plus-que-parfait, au conditionnel présent, et même à l’impératif futur car grand était mon désespoir, je coulais inexorablement, indubitablement, incontestablement, passablement, anticonstitutionnellement. Mais je survécus, car telle était ma destinée. La crise passa, je retournai en cale sèche, la joie envahissait mon cœur, et j’aurais pu être sauvé si la météorite Pass Moil Sel 51 ne s’était abattue sur ma carcasse encore convalescente.
Suite n°5
Notre machine à laver est tombée en panne et je suis allé au Leclerc avec des idées contradictoires (...) et j’ai rapidement dépensé le coût de ma machine à laver neuve en puzzles Disney, en Naruto, en Playmobil, en pavés de rumsteak, en chaises longues, en CD de Céline Dion, en citrons verts, en papiers toilettes double épaisseur, et en casseroles en aluminium 20 cm. Après un passage en caisse sans encombre si ce n’est que ma carte de fidélité, tombée malencontreusement, s’en alla, seule, l’âme en peine, bloquer le tapis roulant, provoquant un court-circuit mystérieux qui fit sauter tous les fusibles du Leclerc, et si l’on excepte aussi, j’allais oublier, une chaise longue qui s’ouvrit soudain, envoyant voler à travers le rayon un puzzle qui s’ouvrit lui-aussi, une pièce allant taper brutalement l’alarme incendie qui déclencha une panique démentielle dans le supermarché. N’écoutant que mon courage qui usait d’un porte-voix pour couvrir les cris déchirants des clients terrifiés, je récupérai les pièces en rampant dans le rayon des congelés, les caddies en furies me percutant comme aux autos-tamponneuses de la foire d’Issoudun-Filalétin. Après donc un passage en caisse sans encombre, je m’installai sur le parking pour assembler ma machine à laver, car, malicieusement, j’en avais acheté les composants. Après avoir emboîté un rumsteak entre la page 15 d’un Naruto et le pied avant droit d'une chaise longue, enroulé dans une casserole un CD de Céline Dion dans le rouleau de papier toilette surmonté d’un citron en équilibre sur un pirate Playmobil, je fus happé par l’incroyable machine, et pris dans un programme synthétique à 60°. Une fois n’est pas coutume, je mouris.
N’importe quoi, oui, mais avec rigueur et méthode, donc la correction vous est encore proposée.
Suite n°1
J’ai franchi la rivière et j’ai dévalé, sur l’autre rive, le talus, derrière la pile du pont, en me jetant d’arbre en arbre. Je m’enfonçais déjà dans la vase quand j’ai enfin tourné la tête pour apercevoir le pont abandonné – abandonné comme si personne ne l’avait regardé depuis des années. La vase suintait sur ma peau comme de la rosée sur des bégonias le 23 janvier 2014 à 6h du matin au 32 rue des Hortensias à Bormes-les-Mimosas, ou alors comme une couche de crépis fraîchement appliquée sur le mur en brique de la villa Valvule de l’allée des Peupliers à La Bédoule.
Le pont m’accosta :
- Toi qui me regardes avec toute la fougue de la jeunesse, tu ne passeras pas sur moi avant de m’avoir combattu. Tu vaincras ainsi le sortilège qui règne en ce lieu depuis que la fée Miam-Miam a jeté un sort pour venger la mort de son mari qui a basculé par dessus moi lors de son combat contre Duodenum le Sanguinaire.
Sans perdre un instant, le pont revêtit son haubert, rabattit son heaume, s’arma, récupéra son écu, monta sur son cheval, le plus vif de tout le royaume, pointa sa lance dans ma direction et chargea.
Je mourus.
Suite n°2
...les deux dernières heures de calme que j’ai eues, pendant la sieste de mon fils, je les ai passées à laver la voiture sous le vieux marronnier en fleur (...) j’étais enchanté à l’idée que toute cette eau qui ruisselait dans la cour finirait par relancer la pousse des pissenlits, et que je n’étais plus qu’à un jour ou deux d’une nouvelle tonte. L’enchantement dura jusqu’à ce que je me rende compte que j’avais trop arrosé les pissenlits, qui d’un coup se mirent à grandir démesurément, jusqu’à engloutir ma voiture dans cette végétation devenue monstrueuse. Le vieux marronnier qui me regardait d’un œil bienveillant depuis deux heures, attendant mon départ pour pouvoir s’allonger à son aise, se jeta sur les pissenlits, écrasant la voiture déjà démantibulée. Puis la lutte fut sauvage, de temps à autre des branches mêlées de tiges et de capitules jaillissaient comme un geyser islandais. Pourquoi regardai-je si longtemps ce spectacle sauvage et fascinant ? Peut-être parce qu’il était sauvage et fascinant, pensai-je, avant qu’un dérapage incontrôlé du marronnier le fit s’écraser sur moi, rendant inévitable le jeu de mots que j’essayais d’éviter depuis le début.
Suite n°3
Châteaudun – je me suis promis d’y revenir en famille, et comme j’avais bêtement posé mes lunettes dans un tournant après Saint-Christophe, cela fut fait dès le lendemain. De là, nous nous sommes vaguement mis en quête, puisque j’avais un peu d’argent sur mon compte, d’une maison de campagne dans le Dunois, pariant sur le traditionnel dédain des parisiens pour la Beauce.
Ce furent des semaines faustiennes de délice immobilier sur « Le bon Coin » et « seloger.com » : villas en bord de mer, chalets montagnards, maisons sur pilotis, je ne savais que choisir, tout faisait mon bonheur. Mais soudain, mon choix s’arrêta net, grâce à mes freins surpuissants, sur une villa d’architecte de style néo-gothique, face à la mer, 4 pièces sur 10 étages, une terrasse souterraine ensoleillée, un abri antiatomique au premier, un parc arboré de 300 hectares sur trois niveaux dans un jardin de 3,5m², une mare olympique avec mezzanine de 4 m de profondeur en poivre de Cayenne. Je pris d’une part rendez-vous parce qu’il fallait absolument que je la visse très fort, et d’autre part ma voiture parce qu’il fallait que je la visse très vite. Je roulais d’un pas haletant, jusqu’à ce que je ne roulasse plus. Une armée de sycomores me fonçait droit dessus dans la nuit noire qui était tombée comme un tank lâché d’un Spitfire s’écrasant sur une collection de céramiques chinoises. « Aaaaah ! », criai-je et pensai-je simultanément, rendant synchrones le temps d’une seconde corps et esprit, avant que l’un ne s’échappe de l’autre, m’empêchant de comprendre que ce n’étaient pas mes lunettes que l’on m’avait rendues.
Suite n°4
Ce n’est pas une crise d’adolescence, que j’ai vécu, c’est un choc pétrolier : mes besoins en pétrole augmentaient chaque jour, jusqu’à ce que, nageant au fin fond de la mer Baltique je me rende compte enfin que le pétrole dégoulinait partout, envahissant ma cale, débordant sur mon pont, engloutissant mes cabines. Il fallait réagir au plus vite, et j’achetais, afin d’écoper mon surplus énergétique, un lot de 10 cuillères à café en promo chez Ikéa. Malgré tous mes efforts conjugués au plus-que-parfait, au conditionnel présent, et même à l’impératif futur car grand était mon désespoir, je coulais inexorablement, indubitablement, incontestablement, passablement, anticonstitutionnellement. Mais je survécus, car telle était ma destinée. La crise passa, je retournai en cale sèche, la joie envahissait mon cœur, et j’aurais pu être sauvé si la météorite Pass Moil Sel 51 ne s’était abattue sur ma carcasse encore convalescente.
Suite n°5
Notre machine à laver est tombée en panne et je suis allé au Leclerc avec des idées contradictoires (...) et j’ai rapidement dépensé le coût de ma machine à laver neuve en puzzles Disney, en Naruto, en Playmobil, en pavés de rumsteak, en chaises longues, en CD de Céline Dion, en citrons verts, en papiers toilettes double épaisseur, et en casseroles en aluminium 20 cm. Après un passage en caisse sans encombre si ce n’est que ma carte de fidélité, tombée malencontreusement, s’en alla, seule, l’âme en peine, bloquer le tapis roulant, provoquant un court-circuit mystérieux qui fit sauter tous les fusibles du Leclerc, et si l’on excepte aussi, j’allais oublier, une chaise longue qui s’ouvrit soudain, envoyant voler à travers le rayon un puzzle qui s’ouvrit lui-aussi, une pièce allant taper brutalement l’alarme incendie qui déclencha une panique démentielle dans le supermarché. N’écoutant que mon courage qui usait d’un porte-voix pour couvrir les cris déchirants des clients terrifiés, je récupérai les pièces en rampant dans le rayon des congelés, les caddies en furies me percutant comme aux autos-tamponneuses de la foire d’Issoudun-Filalétin. Après donc un passage en caisse sans encombre, je m’installai sur le parking pour assembler ma machine à laver, car, malicieusement, j’en avais acheté les composants. Après avoir emboîté un rumsteak entre la page 15 d’un Naruto et le pied avant droit d'une chaise longue, enroulé dans une casserole un CD de Céline Dion dans le rouleau de papier toilette surmonté d’un citron en équilibre sur un pirate Playmobil, je fus happé par l’incroyable machine, et pris dans un programme synthétique à 60°. Une fois n’est pas coutume, je mouris.