On trouvera cet entretien avec Raphaël Enthoven dans
Medias n°26 oui celui-là même qui met en couverture un coup de gueule de Pierre Péan contre le journalisme qui se dit d'investigation. C'est un autre sujet et on pourrait en parler dans un autre fil. Mais ici c'est Raphy : il y a de quoi réagir, lui répondre, lire là-bas ou lire ici :
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(je vous passe le chapeau qui me semble un tout petit peu affligeant et j'envoie directement la partie lisible en gratuit)
Quelle est votre perception des médias, vous qui êtes passé d’invité à « invitant » ?Je suis surtout passé d’anonyme à invité. J’ai sauté dans ma télé. J’ai tutoyé des images. J’ai vu la représentation elle-même, de l’intérieur. Depuis, la télévision me laisse froid. Quand on entre dans la télé, on ne la regarde plus. Une fois qu’on a pénétré les médias, le charme est rompu : on y découvre exactement tout ce qu’on « imaginait », à savoir que les médias dissimulent plus qu’ils ne montrent. C’est particulièrement vrai des médias à images dont on imagine, à bon droit, qu’ils montrent davantage que les autres, tout en soupçonnant, à juste titre, qu’ils cachent davantage qu’ils ne montrent. L’abus d’images est un filtre qui recouvre le contenu plus qu’il ne l’éclaire. C’est la raison pour laquelle je suis plus à l’aise à la radio qu’à la télévision.
« Le pouvoir, c’est souvent l’impuissance. Si la présence dans les médias se résume à un enjeu de pouvoir et de séduction, on est cuit. »
C’est aussi pour cette raison que vous avez choisi le système du plan séquence unique dans votre émission télévisée ?L’idée du plan séquence m’est d’abord venue d’une phrase de Nietzsche, tirée du « Crépuscule des idoles », où, répondant à Flaubert qui affirme : « On n’écrit bien qu’assis », Nietzsche déclare : « Les bonnes idées sont celles qui viennent en marchant. » J’aime cette phrase qui ancre les idées dans l’humeur et l’humeur dans le paysage, qui donne à la pensée la mobilité d’un sol instable. De là est née une émission où, littéralement, nous ne tenons pas en place. Quant au plan séquence, c’est la façon qu’on a trouvée, avec Dominique Ambiel (le producteur) et Philippe Truffaut (le réalisateur), de déjouer l’ambivalence de la télévision. À défaut de proposer une « vérité » (que personne ne détient), l’émission s’attache à être sincère, c’est-à-dire à montrer exactement ce que nous vivons pendant son enregistrement. Nous n’utilisons qu’une seule caméra : on ne peut rien couper. Même si, ensuite, bien sûr, Philippe Truffaut, en orfèvre, habille l’émission, la travaille, met en évidence les phrases clefs et les noms d’auteurs...
Du coup, pas de montage, qui est pourtant l’écriture, la grammaire de l’image...Pas de montage, non. Pas de mensonge non plus. L’anti-modèle ici, c’est Thierry Ardisson, qui trafique à l’envi les paroles de ses invités. Si on doit perdre son temps devant la télévision, autant que ce soit du temps réel.
Si la télévision ne vous plaît pas, pourquoi en faire ?Au départ j’étais très sceptique sur la possibilité de faire de la philosophie à la télé. Comme je n’étais pas demandeur, j’ai posé des conditions qui me semblaient difficilement acceptables : 1) le plan séquence ; 2) la liberté de choisir les invités en fonction de leur compétence et de leur éloquence, plus que de leur notoriété ; 3) la possibilité de prendre l’image à son propre piège, d’appliquer la méthode barthésienne du subvertir les signes qu’envoie telle ou telle image. Quand la chaîne a miraculeusement accepté ces conditions, je n’avais plus aucune raison de ne pas me lancer dans l’aventure.
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