Forum des auditeurs passionnés et critiques de France Culture

@Mitsouko :

Lucide et très bien dit :

Mitsouko a écrit: Selon les contributeurs, l'auditeur a droit à une collection plus ou moins pertinente de jugements de goût. Je demeure d'ailleurs persuadée que quel que soit le cahier des charges de ces émissions chargées d'être des relais promotionnels aux sorties en salles, il serait tout à fait possible qu'elles livrent aussi, au passage, davantage de substance critique, qu'elles ne restent pas collées à quelques remarques humorales, délivrées sans esprit et marquées au sceau du lieu commun.

Je pensais à ce déficit d'analyse des émissions de France Culture en lisant l'article du Monde du 24 mars (ci-dessous en lien) sur les faiblesses d'une série policière française à la télé et surtout les commentaires avisés le suivant :
http://seriestv.blog.lemonde.fr/2012/03/24/antigone-34-le-syndrome-francais/#comments

J'y pense aussi, à ce souci promotionnel, quand par contraste j'ai plaisir à écouter les propos tenus par les journalistes très compétents du "Casque et l'Enclume" de France Musique. Ces derniers rendent compte des concerts, opéras, et disques du moment, sans concession et avec force détails d'analyse. http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/casque-enclume/emission.php?e_id=100000083
C'est donc possible.

Alors, pourquoi n'a-t-on pas d'émissions sur le cinéma, la littérature, la langue, l'ethnologie (et la zoologie, voir BBC 3), etc, qui seraient des "études" (vilain mot ?), oui, des études et des analyses critiques honnêtes, et pourquoi a-t-on ce prêt-à-consommer actuel fait de coups de brosses à reluire, de "jugements de goût" et de "lieux communs", pour reprendre les termes de votre diagnostic ?

Les réponses ont déjà été données de nombreuses fois sur ce Forum.

Ce ne sont pas de vaines lamentations, Etienne, mais des constats. Signaler, informer, répéter sans se lasser, faire prendre conscience ou développer l'esprit critique, c'est agir (d'autres manières complémentaires d'agir existent, bien sûr) et c'est rendre service à ceux qui lisent les contributions de RFC par passion ou par curiosité professionnelle et aussi rendre service à son propre esprit. Car, comme l'a dit quelque part Nessie en humeur de dispute, mais tout en retenue, "s'esspliquer" ou formuler les choses aussi bien que possible, c'est un effort de clarification pour mieux penser. Tout le contraire de tourner en rond.

Philaunet a écrit:

Ce ne sont pas de vaines lamentations, Etienne, mais des constats. Signaler, informer, répéter sans se lasser, faire prendre conscience ou développer l'esprit critique, c'est agir (d'autres manières complémentaires d'agir existent, bien sûr) et c'est rendre service à ceux qui lisent les contributions de RFC par passion ou par curiosité professionnelle et aussi rendre service à son propre esprit. Car, comme l'a dit quelque part Nessie en humeur de dispute, mais tout en retenue, "s'esspliquer" ou formuler les choses aussi bien que possible, c'est un effort de clarification pour mieux penser. Tout le contraire de tourner en rond.

Puisqu'on est sur les Nouveaux chemins, un petit Diderot pour la route :
"Ah si je savais dire comme je sais penser ! Mais il était écrit là-haut que j'aurais les choses dans ma tête
et que ne trouverais pas les mots".
Alors autant s'attarder sur les chemins de ceux qui s'y cognent.

@ Yann Sancatorze

Tout à fait juste ce que vous dites :

Yann Sancatorze a écrit:Le problème vient du fait qu'on ne définit plus à France Culture le terme d' "émission" comme un terrain dévolu à un producteur qui peut développer son champ de spécialisation, jouer avec le format, multiplier les explorations.

Oui, mais comme pour tout, il ne faut pas généraliser, il reste encore quelques producteurs spécialisés (mais peuvent-ils développer ce champ de spécialisation dans des documentaires ou avec des invités ? )

Reste qu'avant je vous lise, je savais que vous aviez raison... Ainsi durant l'écoute de ceci : "La matinée des autres - L'homme de la cascade sacrée, le Jivaro (09 octobre 1979) par Claude Mettra et José Castan", une rediffusion nocturne du 04 février 2012 et de ceci : "Albatros - Poésie classique chinoise 1 (13 et 20 mai 79) par Gil Jouanard" avec François Cheng (pas encore ce qu'il est devenu...) une rediffusion du 13 mars 2012, je me disais que c'était quand même un très grand plaisir (et une pratique permettant l'approfondissement) que d'entendre un mythologue et conteur s'entretenir avec un ethnologue, et un poète de grande culture poser des questions remarquables à François Cheng, spécialiste de poésie chinoise classique qui en révèle toute la richesse.

Si des exemples de bonnes pratiques de ce genre existent actuellement dans la grille de France Culture, on serait heureux de les connaître.

En tous les cas, Yann Sancatorze, les deux émissions précitées d'il y a trente-trois ans s'écoutent très bien aujourd'hui et s'écouteront certainement tout aussi bien dans 30 ans.

Barnabé a écrit:
Puisqu'on est sur les Nouveaux chemins, un petit Diderot pour la route :
"Ah si je savais dire comme je sais penser ! Mais il était écrit là-haut que j'aurais les choses dans ma tête et que ne trouverais pas les mots"

À propos de Diderot sur les Nouveaux Chemins de la Connaissance, on se rappelle les émissions où Raphaël Enthoven s'entretenait avec Raymond Trousson, c'était en avril 2011. La série s'écoutera dans 30 ans comme un beau morceau de patrimoine de France Culture : Diderot 5/5 : Le Neveu de Rameau et Jacques le Fataliste

Un peu plus loin, Mitsouko a écrit:Nouveaux chemins de la connaissance / 11 avril 2012 / Le rêve américain : "Avatar".

Par delà le décryptage, l'analyse ! C'est ce à quoi se livrent Enthoven et Adèle à propos du fameux "Avatar". Pour celles et ceux qui déplorent les émissions light, bornées aux opinions nombrilistes de certains, cette émission est à la fois un contre-exemple et un antidote.
Autre grand plaisir, entendre la façon dont un film dit populaire charrie toutes sortes de mythologies, reflets d'une société et qui, sans doute, iront "féconder" les imaginaires contemporains.

http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-le-reve-americain-a-l-ecran-34-avatar-quand-hollywo

Il semble que toute la semaine fut bonne.
L'émission du lundi sur le western, l'idéal des pionniers, les homestaders et l'idéologie bigote, Tocqueville dans la poche revolver, c'était vraiment bien
(Désolé de pas en dire plus mais j'écris ceci d'une connexion en plein Groenland stadire ake des moufles).

Ai apprécié aussi émission de jeudi stop A la fois à cause et malgré l'invité JB Throret stop Toujours aussi intéressant et débraillé de la langue et du concept stop Lui pas moi stop (Moi suis débraillé des moufles stop)

(quit. marre de ce -25° )

Effroyable ennui que cette semaine sur le rien dans la deuxième saison des Nouveaux Chemins.

La formule sans Enthoven est venue à bout de ma résistance encore plus vite que jadis Raphy. Adèle van Reeth n'a ni le narcissisme ni l'abattage de notre pommadé de la glotte qu'on en viendrait à regretter ? Oui... non ... oui... non ? Je ne sais pas. Mais quel ennui que cet interminable tartinage quotidiennement répété depuis des mois pour nous servir des platitudes creuses comme un soufflé de mots sans même le fromage des idées malgré le renfort du name-dropping récurrent avec Aristote Heidegger Platon Bergson Spinoza Pascal tiens justement le voila : << mé-ta-phy-si-kment pour Pascal c'est un infiniment rien >> et tout ça sur la musiquette sur-jouée de l'émerveillement mal contrefait, Trissotin a été déporté au dimanche 16h mais Philaminte est toujours là. A 10h30 le rien est dans les têtes et le désespoir est dans les coeurs. Alors pitié pour l'auditeur ! Décidément cette émission a épuisé son potentiel alors que celui des "Chemins de la connaissance" était inépuisable. Pendant ce temps là Jacques Munier qui fut un si bon documentariste radio est enfermé comme le numéro 6 sous la surveillance vacharde du Voinche en numéro 2. Munier condamné à ronger son frein chaque jour à 6h35, privé d'énergie et d'inspiration il ne parvient plus qu'à se caricaturer lui-même puisque 4 fois sur 5 on a droit à des clichés contre le néolibéralisme. C'est tellement usé que ça ne fait même plus bondir un libéral fut-il de droite ou de gauche.

Finissons-en avec ces Nouveaux chemins qui n'ont plus rien de neuf et ne mènent plus nulle aprt à force de tourner en rond. Rendez-nous les Chemins à Munier, par pitié, même avec un contrat hybride, comme pour Laurentin : des semaines en dirèque et des semaines en docu. Ramenez nous tout ça à la demi-heure placée en sortie de la matinale et pour compléter collez-y une demi-heure de philo en pilules ou alors un tube ou alors un jeu ou de la propagande contre les tuberculeux mais par pitié, redonnez un peu de nerf aux matinées de France Culture !

Etant anti-Enthoven "primaire", je me réjouis chaque jour de son remplacement par Adèle van Reeth. En plus de Trissotin, il me rappelle étrangement le personnage de l'abbé de Vilecourt dans "Ridicule", magnifiquement interprété par Bernard Giraudeau (Encore un "Pays").

Je pense également que la formule des Nouveaux Chemins est à revoir, car trop bien rodée, et par conséquent, trop prévisible. Comme dans le "Village", tout est trop lisse. Mais, au moins, le "Village" changeait de numero 2 pratiquement à chaque épisode. Une rotation de producteurs, peut-être?

Nessie a écrit: La formule sans Enthoven est venue à bout de ma résistance encore plus vite que jadis Raphy. Adèle van Reeth n'a ni le narcissisme ni l'abattage de notre pommadé de la glotte qu'on en viendrait à regretter ? Oui... non ... oui... non ?

Oui.

Il faut se souvenir des NCC où des invités de qualité ont pu montrer, face à et grâce à Enthoven (le fils) leur savoir : sur Diderot, Proust, Montaigne, Freud, Maupassant, Shakespeare, etc, et sur des sujets comme le voyage, le rêve, l'inachevé, le voyage, l'humeur noire, les arts sacrés, etc. "Abattage" est bien le mot.

Si Enthoven a changé au cours du temps pour devenir, la dernière année des NCC, une sorte de caricature de lui-même et faire du Raphaël Enthoven pour les Nuls (comme actuellement le dimanche où il recycle les anciens NCC pour les bacheliers), on peut le comprendre et excuser le bonhomme : il s'est retrouvé adulé à 25-30 ans comme une vedette du show-business et demandé partout. Qui aurait résisté ?

On peut noter qu'il s'est apparemment retiré de lui-même des NCC (ou n'a-t-il pas voulu courber l'échine devant certaines conditions et a-t-il été écarté ?) alors que tous les auditeurs ou presque étaient unanimes sur son maintien à l'antenne (voir les réactions à son départ). Combien de producteurs de FC sont restés et restent des décennies à l'antenne, avalant pour ce faire de nombreuses couleuvres. Roger Munier, par exemple, puisqu'il est question de lui ? Je ne l'écoute pas le matin, mais ses Chemins d'autrefois étaient fort intéressants et j'en garde des numéros choisis. Triste (ou pathétique ?) de devoir ( ? ) accepter une place si médiocre à l'antenne aujourd'hui.

La preuve de l'écoute de qualité induite par les émissions d'Enthoven entre 2004 et 2010 sur FC : les discussions argumentées et développées parfois dans les commentaires suivant les émissions. Les commentaires actuels ressemblent davantage à ceux d'un public que cherchent à capter les managers (il faut les désigner par leur fonction) de France Culture : j'aime, j'aime pas et quelques opinions torchées en deux coups de cuillère à pot.

J'ai essayé plusieurs fois A v R, je n'ai pas tenu 10 minutes à chaque fois, il y a des voix, des respirations, des présences radiophoniques qui vous retiennent, d'autres non.

Semaine Moyen-âge. Je crains le pire. Au vu de la première j'ai tort, car pour le premier jour j'entends le meilleur : ce matin pour parler de Chrétien de Troyes, Adèle recevait Michel Zink. Comme Paul Veyne, c'est une sorte d'homme-livre qui connait son sujet tellement sur le bout du doigt qu'on regrette qu'il n'ait pas 4 ou 5 mains.

Ca s'écoute sans accroc. Tout au plus on va grincer des dents un instant par ci ou par là, car il faut quand même des relances de la productrice et ça, c'est pas du bronze ni du zink mais peut-être une feuille de papier sulfurisé. On a le droit de renâcler par exemple quand Adèle lâche un << De quoi le Graal est-il le nom, ou le symptôme ? >>. Voyez comme elle réunit en une seule question con un cliché contemporain ('de quoi .. .. .. est-il le nom') et une impropriété de langage, par ailleurs fort répandue : l'abus de l'image, l'abus du sens figuré, l'abus du trope que sais-je. Un peu comme quand elle dit 'emblématique' pour 'représentatif' ou pour 'caractéristique' (bel exemple : 'la misère est emblématique du tiers-monde'). Elle sait certainement ce qu'est un emblème, et aussi un symptôme. Mais le désir ou le réflexe de faire image est une des plaies du journalisme en général, et France Culture n'est pas épargné. Si on fait un jour le florilège de Voinchet ou de Caroline Broué en la matière, je vous garantis qu'ils seront épais.

Mais ne fusillons pas Adèle, d'abord parce que mine de rien elle est une des dernières à nous faire encore de la culture sur France Culture. Et aussi parce que nous avons encore besoin d'elle pour continuer la semaine :
- demain mardi : Dante, avec Didier Ottaviani
- mercredi : Maître Eckhart, avec Laurent Lavaud
- jeudi : Thomas d'Aquin, avec Ruedi Imbach

Une fois bouclé le dialogue avec Michel Zink, on retrouve le Journal du Noodleman après une semaine de carème philosophique. Il reçoit non un philosophe mais un politologue et on en a dit un mot dans cet autre post.

Rien à faire, malgré cette semaine, cette "philosophie Chrétienne" restera pour moi un oxymore.
Mais j'ai eu un peu de nostalgie pour Michel Cazenave et "Les vivants et les dieux." Lorsque l'on y parlait de Maître Eckhart, cela me semblait moins hermétique.
Par contre, la présentation du livre sur Thomas Paine était trés interessante.

Sur les Nouveaux chemins, la semaine du 25 au 28 février m'a semblé plutôt réussie : 4 numéros sur le socialisme, qui faisaient suite une heure plus tôt à un programme au titre quasi identique dans 'la fabrique'. Adèle van Reeth n'a pas le métier radio de Laurentin, mais pour le coup, au moins dans la construction du programme elle l'enfonce du moins à mon goût. Qu'on en juge :

Nouveaux chemins :
- Jaurès
- Marx
- Saint-Simon
- Un défi moderne : le libéralisme

Fabrique de l'histoire :
- Le témoin est un bon apparatchik, maire de Dreux : Françoise Gaspard
- Le congrès de Rennes (1972)
- Débat sur les fondateurs au XIXe et début XXe siècles.
- Socialisme et colonialisme (345987126eme occasion saisie de traiter le sujet)

Face aux marottes de Laurentin, Adèle qui n'a comme marotte qu'Enthoven dont elle imite les tics, a composé un programme instructif. L'invité de mardi était, hélas, adepte de la langue-de-bois du coup si vous avez mis le vieux Carlo dans un tiroir une fois pour toutes vous ne serez pas tentés de le sortir pour l'aérer, et c'est dommage. Du côté Fabrique, c'est la 3eme qui fait l'exception, étant la seule des 4 à échapper à l'appétence de France Culture pour le journalisme cheap et idéologiquement orienté, du coup c'est le seul numéro qui remplit un véritable rôle historique : le grand public surtout celui qui n'écoute pas les Nuits de FC, en sait fort peu sur certains des précurseurs du socialisme en France notamment Pierre Leroux, de là on se contente un peu vite d'une étiquette de socialisme utopique, à tort. Récemment dans un débat chez Philippe Petit, Jean Peyrelevade avait glissé 'on a enterré Saint-Simon au profit de Marx, et c'est dommage'.

J'ai encore évité -de peu- l'ouverture d'un fil 'Radio comparée', mais enfin c'est quand même pas génial cette semaine de la Fabrique qui s'intitule "Histoire du socialisme" alors que les 4 numéros des Chemins sont davantage historiques et avec l'ajout du débat dans La Fabrique, offrent à ce titre un tableau presque complet ? Il aurait suffi d'intervertir Saint-Simon avec Jaurès, et même rêvons : annuler le Philippe Petit de la semaine, et intercaler Gramsci en 4 avant de placer le défi libéral en 5eme position.