Faire silence c’est être à l’écoute des autres et de soi. Et le silence en musique, c’est le moment de réactivation de notre écoute. Un coup de fouet muet pour nos oreilles. Et plus le silence est long, plus il devient bruyant. Plus il devient son. Il révèle, il réveille ces sons que l’on ne prend plus le temps d’écouter (…). (1’50'').
Ainsi commence la série de quatre émissions consacrée au silence dans l’émission de Clément Lebrun sur France Musique : Le cri du patchwork (octobre 2014). Une véritable démonstration qui brille par la densité des thèmes proposés, la pertinence des artistes invités, les morceaux donnés à écouter. Vous trouverez ci-dessous les résumés du contenu de chaque émission (un coup d’œil aux descriptifs richement dotés en vidéos et liste des œuvres jouées est vivement recommandé).
Silence 1/4 : À la limite du son (04 octobre 2014).
Le récit de l’expérience en chambre anéchoïque de John Cage ouvre ce premier numéro : Le silence n’existe pas. Le silence s’impose comme un vacarme dans lequel nous y insérons des sons. Nous y organisons des sons en musique dit Clément Lebrun. La nature du silence est double : les conditions d’apparition de son avènement sont également celles de sa disparition. À peine le croit-on réalisé qu’il se volatilise. La pièce 4’33’’ (1952) constitue la synthèse de cette présence-absence simultanée. Cette évidence posée (le silence n’est pas véritablement du silence ou plutôt : le silence n'est véritablement pas du silence), le producteur offre d’écouter les bocaux de silence d’Alvin Lucier (1931-)*, puis ouvre une séquence axée sur le « shh » ou « chut », onomatopée inventée pour demander le silence, objet d’interprétations poétique et musicale depuis DADA (Jaap Blonk, Catherine Jauniaux, Maja Ratkje, Helmut Lachenmann, Heinz Holliger, Alin Gherman).
Suit une interview d’Igor Ballereau qui explique comment le silence est apparu progressivement dans ses compositions, par touffes, comme une promesse ou quelque chose qui se tait, en liaison avec la mort, l’ensevelissement. De ses oeuvres délicates aux voix effleurant le micro, il livre la réflexion suivante : Pour moi, le silence matérialise l’impossibilité de se rassasier des objets du monde. Dans le silence, il y a un désir de choses inexistantes.
Les dix dernières minutes de l’émission font retour sur l’œuvre ‘(t)air(e)’ du hautboïste Heinz Holliger.
* Ne manquez pas son interview par Thomas Baumgartner dans L'atelier du son (1er mai 2015)
Silence 2/4 : La haine de la musique (11 octobre 2014)
Le silence, c'est aussi pour écouter l'autre. L'autre qui est en dehors de nous et l'autre qui est en nous. Luigi Nono (56'31'')
La deuxième émission est placée sous le signe du cri, et prend à revers la thématique désignée. Plusieurs sortes de cris sont passées en revue : le cri premier, du nouveau-né ; le cri maîtrisé, inspiré au lieu d’être expiré (Roger Waters dans Careful with that axe, Eugene, album Ummagumma) ; le cri libératoire (Abbey Lincoln dans Triptych : Prayer/Protest/Peace, album We insist, ou Yoko Ono, album Two Virgins) ; le cri lancé à la rencontre de l’instrument (Yamataka Eye avec John Zorn) ; le cri expressif et technique, des chanteurs black metal (The Dillinger Escape Plan, dans Jim Fear, album Calculating Infinity) ; le cri performance (Maja Ratkje) ; le cri dernier (la scène où Don Giovanni est avalé par les Enfers).
Suit une interview de Benjamin Dupé pour son spectacle : Il se trouve que les oreilles n’ont pas de paupières, inspiré du livre de Pascal Quignard : La haine de la musique (1995). De longs extraits nous permettent d’écouter l'adaptation de l'histoire lue par le comédien Pierre Baux d’un chef d’orchestre polonais interné dans le camp d’extermination d’Auschwitz. La discussion roule sur les rapports du silence avec l’invisible, les souvenirs sonores surgissant dans notre tête sans qu’on en devine leur provenance, la collaboration texte/alto, ou l’incapacité de grouper des sons identiques par plus de deux, trois ou cinq à la fois (exemple de l’horloge mécanique citée par Quignard).
La dernière partie de l’émission est réservée à l’analyse de l’œuvre de Luigi Nono (1924-1990) : Fragmente-Stille, an Diotima (1980), traversée par des fragments de poésie de Friedrich Hölderlin. Dans un entretien donné à Michèle Reverdy, il dit : Le silence n'est pas le vide. Pour moi, le silence est plein de voix, de mémoires, d'échos, de questions avec soi-même, de questions avec les autres. Le silence des yeux. Le silence de toucher aussi physiquement. Le silence de regarder, d'écouter, de penser, de réfléchir, de la méditation. Il y a beaucoup de difficultés dans le silence. C'est un moment décisionnel dans la vie, et pas seulement dans la vie.
Ainsi commence la série de quatre émissions consacrée au silence dans l’émission de Clément Lebrun sur France Musique : Le cri du patchwork (octobre 2014). Une véritable démonstration qui brille par la densité des thèmes proposés, la pertinence des artistes invités, les morceaux donnés à écouter. Vous trouverez ci-dessous les résumés du contenu de chaque émission (un coup d’œil aux descriptifs richement dotés en vidéos et liste des œuvres jouées est vivement recommandé).
Silence 1/4 : À la limite du son (04 octobre 2014).
Le récit de l’expérience en chambre anéchoïque de John Cage ouvre ce premier numéro : Le silence n’existe pas. Le silence s’impose comme un vacarme dans lequel nous y insérons des sons. Nous y organisons des sons en musique dit Clément Lebrun. La nature du silence est double : les conditions d’apparition de son avènement sont également celles de sa disparition. À peine le croit-on réalisé qu’il se volatilise. La pièce 4’33’’ (1952) constitue la synthèse de cette présence-absence simultanée. Cette évidence posée (le silence n’est pas véritablement du silence ou plutôt : le silence n'est véritablement pas du silence), le producteur offre d’écouter les bocaux de silence d’Alvin Lucier (1931-)*, puis ouvre une séquence axée sur le « shh » ou « chut », onomatopée inventée pour demander le silence, objet d’interprétations poétique et musicale depuis DADA (Jaap Blonk, Catherine Jauniaux, Maja Ratkje, Helmut Lachenmann, Heinz Holliger, Alin Gherman).
Suit une interview d’Igor Ballereau qui explique comment le silence est apparu progressivement dans ses compositions, par touffes, comme une promesse ou quelque chose qui se tait, en liaison avec la mort, l’ensevelissement. De ses oeuvres délicates aux voix effleurant le micro, il livre la réflexion suivante : Pour moi, le silence matérialise l’impossibilité de se rassasier des objets du monde. Dans le silence, il y a un désir de choses inexistantes.
Les dix dernières minutes de l’émission font retour sur l’œuvre ‘(t)air(e)’ du hautboïste Heinz Holliger.
* Ne manquez pas son interview par Thomas Baumgartner dans L'atelier du son (1er mai 2015)
Silence 2/4 : La haine de la musique (11 octobre 2014)
Le silence, c'est aussi pour écouter l'autre. L'autre qui est en dehors de nous et l'autre qui est en nous. Luigi Nono (56'31'')
La deuxième émission est placée sous le signe du cri, et prend à revers la thématique désignée. Plusieurs sortes de cris sont passées en revue : le cri premier, du nouveau-né ; le cri maîtrisé, inspiré au lieu d’être expiré (Roger Waters dans Careful with that axe, Eugene, album Ummagumma) ; le cri libératoire (Abbey Lincoln dans Triptych : Prayer/Protest/Peace, album We insist, ou Yoko Ono, album Two Virgins) ; le cri lancé à la rencontre de l’instrument (Yamataka Eye avec John Zorn) ; le cri expressif et technique, des chanteurs black metal (The Dillinger Escape Plan, dans Jim Fear, album Calculating Infinity) ; le cri performance (Maja Ratkje) ; le cri dernier (la scène où Don Giovanni est avalé par les Enfers).
Suit une interview de Benjamin Dupé pour son spectacle : Il se trouve que les oreilles n’ont pas de paupières, inspiré du livre de Pascal Quignard : La haine de la musique (1995). De longs extraits nous permettent d’écouter l'adaptation de l'histoire lue par le comédien Pierre Baux d’un chef d’orchestre polonais interné dans le camp d’extermination d’Auschwitz. La discussion roule sur les rapports du silence avec l’invisible, les souvenirs sonores surgissant dans notre tête sans qu’on en devine leur provenance, la collaboration texte/alto, ou l’incapacité de grouper des sons identiques par plus de deux, trois ou cinq à la fois (exemple de l’horloge mécanique citée par Quignard).
La dernière partie de l’émission est réservée à l’analyse de l’œuvre de Luigi Nono (1924-1990) : Fragmente-Stille, an Diotima (1980), traversée par des fragments de poésie de Friedrich Hölderlin. Dans un entretien donné à Michèle Reverdy, il dit : Le silence n'est pas le vide. Pour moi, le silence est plein de voix, de mémoires, d'échos, de questions avec soi-même, de questions avec les autres. Le silence des yeux. Le silence de toucher aussi physiquement. Le silence de regarder, d'écouter, de penser, de réfléchir, de la méditation. Il y a beaucoup de difficultés dans le silence. C'est un moment décisionnel dans la vie, et pas seulement dans la vie.