Bonjour Lola
Dans un premier temps, en ce qui concerne le podcast payant, je parierais sur une rumeur née de discussions réelles mais qui n'auraient pas abouti. Je vois mal le service public à la française renier à ce point ses valeurs.
Cela dit, si c'est une question de gros sous, de financement et de droits d'auteurs, alors le sujet déborde le podcast. Là je dois l'avouer : c'est précisément une des inquiétudes que m'avait inspirées la création d'ADDOR, l'association de défense du documentaire radio, fondée en décembre dernier par Irène Omélianenko et un groupe de documentaristes de FC. J'y redoutais (et je redoute encore un peu), une dérive vers un corporatisme qui défendrait avant tout des intérêts de groupe, dont les auditeurs auraient fait les frais : podcast payant, consultation ouverte des archives de FC mais à un coût prohibitif, ou pire, réservé aux professionnels. Car le corporatisme à la française aboutit couramment à un malthusianisme dont le consommateur est la victime. D'autant plus dommage quand il s'agit de consommation à forte part immatérielle. Inquiétude, donc. Pourtant je dois dire que cette inquiétude n'a jamais été étayée par rien du tout, aucun élément concret, si ce n'est le parfum de corporatisme que j'ai cru déceler dans l'ambiance interne à FC. Quand on connait en plus le profil idéologique d'Irène Omélianenko, aussi marqué et identifiable que son art de documentariste est abouti et magistral, on avait le droit de s'inquiéter. Le droit mais, est-ce assez pour glisser au procès d'intention ? Non. Je signale seulement l'éventualité, mais sans plus car l'ouvrir car ça ne serait pas très judicieux, n'est-ce pas ? Qui parmi nous ira voir ce qui se dit sur
le site d'ADDOR, pourrait ensuite enrichir la discussion ici. Pour le peu que j'en ai lu jusqu'ici, je parie sur un projet de type "Artistique/Expression" et non sur un accès de corporatisme militant. L'avenir dira si je me trompe.
C'est que depuis le début, l'association ADDOR est présentée comme étant ouverte à tous : producteurs, réalisateurs, auteurs, comédiens, ... et auditeurs. Sans qu'on sache bien quel rôle les auditeurs peuvent y jouer, sinon, informer par leurs réaction, et éclairer un peu sur la demande tous ceux qui font l'offre càd les créateurs ?
Et puis un des objectifs affichés par Irène Omélianenko, c'est de parvenir à la reconnaissance de l'art radiophonique, au travers de la création (à terme) d'institutions comme une Radiothèque où le stock d'archives serait consultable. Le numérique autorise déjà un tel service, dématérialisé. Mais il y faudra une volonté politique, car l'INA ne lâchera pas facilement son trésor radio. Trésor qu'il ne semble pas disposé à offrir en consultation, contrairement aux archives télé et là quand on voit comment c'est fait, on se dit que mieux vaut rien du tout en attendant qu'ils se réveillent, car à l'INA ils ne semblent guère plus mûrs qu'à Radio-France.
Enfin (et je continue dans mon hors-sujet sur le stock), si la notion même de Broadcast est relativement mise en cause par l'existence du Podcast, il ne faut pas non plus sous-estimer les résistances devant la mise à dispo d'un stock vaste. Je me souviens d'une interview télé donnée à Antoine Perraud il y a une dizaine d'années, par Pierre Dumayet, lui-même très grand interviewer (de la race des silencieux, comme Veinstein), et aussi grand innovateur de formules d'émission comme "Questions sans visage" ou "Vocations". Dans cet entretien diffusé sur une chaine du câble en 2002, Dumayet disait à Perraud tout en bourrant sa pipe "je ne crois pas que les choses soient toutes faites pour être rediffusées". Le grand silencieux Dumayet ne s'est pas expliqué là-dessus, et le bavard qui l'interviewait n'a pas jugé utile de prolonger car il avait encore des questions préparées à placer. Mais le problème est là, et même s'il est mal posé pour le moment, c'est bien ainsi que je l'ai entendu, notamment dans une discussion à Phonurgia Nova : si les archives documentaires sont disponibles, qui écoutera la radio de maintenant, sinon pour s'informer ? Il faut dire qu'avec la chute radicale de la qualité radio à FC, nombre d'auditeurs préfèreraient être branchés en permanence sur le programme des années 1985-1999. Si on tient compte en plus de la domination de l'actu sur les émissions culturelles, alors l'avenir est peut-être dans un partage de l'offre sonore : la radio aura l'actu et la radiothèque aura le stock, càd : la culture.
Et si c'était ça, la mutation qui nous attend : le programme de stock (dont le documentaire radio et les émissions didactiques comme celles d'Enthoven et de Laurentin) persisterait en production et dans une distribution dont la forme serait plus proche des médiathèques, qu'elles soient concrètes ou en ligne. Et la radio serait dévolue au chaud, au direct, à l'actu. C'est peut-être ce chemin là qui a été pris en 1999 ?