Une autre réaction, moins drôle et moins étayée que celle ci-dessus, celle du site Boulevard Voltaire : [Point de vue] Radio France : Interview de S. Veil, sur des paroles d’Orwell !. On se demande en passant pourquoi on ne trouve pas d'analyses critiques du discours de Sibyle Veil dans des revues d'une obédience politique autre que celle de ce média classé à l'extrême-droite (3e occurrence Google à l'expression "Radio France thérapie").
Reproduction du point de vue ci-dessous.
La mention du terme "goulag" paraît plus qu'inappropriée, comme l'analogie médicale et l'on ne sait pas ce que vient faire C8 dans ce contexte. En revanche, la pointe sur l'AFP touche juste. Enfin, il semblerait que Radio France, pour nombre de commentateurs, ce soient uniquement France Inter et ses informations et chroniques politiques. France Culture existe à peine, France Musique encore moins.
Sibyle Veil est la patronne de Radio France. C’est la petite-fille par alliance de Simone Veil et la camarade de promotion d’Emmanuel Macron à l’ENA. Elle est sortie dans les premières de sa promotion et a rejoint le Conseil d’État, cet organe connu pour son impartialité juridique. Parmi les grands chantiers de sa présidence, il y a « Égalité 360° », destiné à « diversifier les profils ». Un sans-faute. En somme, elle a tous les brevets de respectabilité nécessaires à l’exercice d’une fonction publique en vue. Certes, sa gestion de la radio publique a été un peu contestée, y compris en interne : n’a-t-elle pas viré Guillaume Meurice, alors que son sketch antisémite était forcément drôle, puisqu’il était pro-palestinien ? Peu importe : Sibyle Veil va son chemin, en parfait accord avec les totems et les tabous du temps présent.
La présidente de Radio France vient d’accorder une interview à nos confrères du Figaro. Il est important de la lire, pour voir comment sont employés les impôts des Français. Sibyle Veil y livre sans détour sa vision de ce que doivent apporter les radios publiques à la France, et peut-être même au monde. Parmi ses grands projets pour cette rentrée audiovisuelle, on trouve d’abord ceci : « Nous proposons donc une "Radio France thérapie" avec nos radios qui sont là pour faire du bien, elles sont des thérapies contre tout ce qui met à mal le vivre ensemble : désinformation, polarisation, repli sur soi... Ce qui nous rassemble, c'est ce qui nous fait du bien. On peut être une solution face à la Cocotte Minute sociale et renforcer les défenses immunitaires de la société face aux crises. » Traduisons-la.
Radio « thérapie »
Faire du bien contre tout ce qui met à mal le vivre ensemble : un peu vieux, un peu vague, mais toujours de bon goût. La désinformation ? C’est quand on n’est pas d’accord avec Radio France ni avec le gouvernement. Car la désinformation existe bel et bien, mais on ne sache pas que Radio France se soit, par exemple, acharnée à essayer de démonter les mensonges pro-Biden de Meta (que vient de reconnaître Mark Zuckerberg, son président, devant une commission parlementaire américaine). La polarisation ? On appelait cela, naguère, le débat d’idées. C’était même une spécificité française. Les temps ont apparemment changé. Le repli sur soi ? On parle probablement de l’extrême droite, car le repli sur soi des banlieues islamisées n’a jamais été l’axe de travail principal des radios publiques. Bref, « ce qui nous rassemble, c’est ce qui nous fait du bien ». Une « thérapie » qui ressemble tout de même beaucoup à une sédation terminale, au goutte-à-goutte. L’expression « Radio France thérapie » n’est pas très heureuse car elle renvoie à la destruction des métastases par radiothérapie, mais elle a le mérite d’être claire. Quand le jargon médical s’invite dans le débat politique, on n’est jamais très loin des goulags.
Pour donner des gages aux croquants, il y aura des antennes locales mises en avant, comme « Ici », en liaison avec France 3. Pour apaiser les méchants complotistes, les auditeurs pourront poser des questions sur les choix éditoriaux de France Info. Que celui qui s’entendra répondre « Vous avez raison, nous sommes allés trop vite en reprenant les éléments de langage de l’AFP » nous écrive… Sur l’essentiel, on ne bouge pas : on remplace Yaël Goosz par Patrick Cohen (la gauche par la gauche), on garde Charline Vanhoenacker sur France Inter (on va bien rigoler)… et, évidemment, on ne remet pas en cause la décision de l’Arcom, qui a retiré sa fréquence à la chaîne C8. « Remettre en cause les institutions d’un pays détruit la confiance. »
On ne remettra donc rien en cause, et surtout pas la ligne éditoriale de Radio France, forcément indépendante. Circulez, y a rien à voir. Encore une fois, comme dans 1984, le ministère de la Vérité a peaufiné le programme de son télécran. Un beau discours signé Orwell. Belle rentrée sur ces radios qui nous font du bien !