Phil a écrit:[...]
Exemple de questions:
1) Pierre Bergé que pensez-vous de Martine Aubry?
2) Pierre Bergé que pensez-vous de Ségolène Royale?
3) Dominique Strauss-Kahn?
4) Et Ségolène Royale?
5) Soutiendrez-vous le candidat de la gauche?
6) Et si c'est Dominique Strauss-Kahn?
Et hop...
On reconnait là un procédé courant dans le journalisme moderne. Fogiel, Ferrari, pratiquent ainsi. Même Demorand jadis face à Finkielkraut ("êtes-vous de droite ?" , question posée plusieurs fois dans la même interview)
Mais on ne sait pas si c'est par incapacité à remplir intelligemment sa feuille de questions et donc son émission, ou si c'est par une dérive du métier vers le harcèlement policier. Je pense que le second aspect n'est pas absent d'une certaine morale du métier : faire craquer l'invité, le forcer à se couper, sera un résultat positif. En oubliant que pendant ce temps-là le harceleur est soi-même aussi en lumière, même s'il est moins visible que celui qu'il asticote. Et qu'à terme le public finira bien par faire le bilan de ce journalisme là. Hélas il dure depuis une vingtaine d'années, peut-être même que ça remplace d'autres pratiques qui ne valaient guère mieux et ont suscité en interprétation la fameuse théorie de la connivence, qui me semble maintenant bien éventée au plan factuel, mais qui continue à offrir une onction morale à ce journalisme de harcèlement.
Qu'on ne s'y trompe pas : ce sont bien deux pouvoirs qui s'affrontent. Celui de l'invité qui vend son image, et celui du journaliste qui lui offre une chance tout en le mettant en danger. Quand le duel oppose un journaliste à un politique, alors une morale un peu simplifiée pourrait nous faire croire que le duel est bel et bon. Quand ce sont deux confrères, il en va autrement : le meilleur bouffe l'autre. Martel se fait tapoter la joue par Frapat, sonner les cloches par Joffrin, hier Bergé l'a remis en place sans sécheresse ce qui est dommage, à mon avis : l'actionnaire-décisionnaire du Monde, soucieux de rétablir les vérités après les faussetés balancées par Martel, laisse passer une occasion de donner à Martel une correction dont tout le public bénéficierait. Et comme ça n'est pas par confraternité, me semble-t-il, alors il faut espérer que ça n'est pas un effet de prudence, par exemple le principe de la barbichette ? Espérons-le.
PS :
(à part ça, je ne dis rien des cas où Martel invite quelqu'un pour le victimiser, car ça fait longtemps maintenant que ça n'est pas arrivé, ou plutôt ça fait longtemps que ça ne marche plus)