Et encore. Si lire la page fait sourire, écouter l'émission fait pleurer : en ouverture, une immature parle du baiser, ou plutôt une voix immature parle du baiser. Pas très glamour dit-elle, est l'explication des anthropologues. On admire la formulation, qui rappelle Julie Clarini 'Les anthropologues disent que'. En fait "LES anthropologues..." c'est un ou deux d'entre eux, ou bien un wikipédiste qui a eu envie d'écrire une connerie et c'est sur cette connerie que s'est jetée la responsable de ce bobineau. Mais des tas d'autres anthropologues ont pu écrire autre chose sur le baiser, que ce soit les observateur du maraîchinage ou bien l'anglo-polonais en éxpédition chez les papous, auteur de "La vie sexuelle des primitifs". Mais on ne peut pas demander à une immature de réfléchir fut-ce deux minutes à un morceau d'idée qu'elle a l'intention de mettre dans son baratin
A part ça le sujet c'est plus le baiser, tout d'un coup c'est le strip-tease. Il n'y a aucun rapport sauf pour un adolescent qui parvient au stade des premiers émois. Le baiser c'est le contact. Rien de plus opposé au contact que le strip-tease. Mais c'est pas grave, on a bouclé comme ça un bobineau pour faire l'intro de l'émission. Et tant pis si ça commençait bien mal avec une qui aurait mieux fait de se taire, parce que ça va continuer pire : strip-tease à Orléans avec une idée "trop jénialle" (recruter Jehanne d'Arc, il fallait y penser). Ensuite : chorégraphie de la pornographie, avec une fille qui parle comme si elle avait 22 ans mais on apprend en cours d'émission qu'elle en a plus de 40. Son projet artistique : faire de la chorégraphie contemporaine avec la pornographie. Hélas c'est pas possible et, dit-elle, je le regrette. Je pense qu'elle a tort, non de le regretter, mais de croire la chose impossible. Je peux l'assurer que la chose existe, mais dans des lieux et sous des formes qu'elle ignore. Elle s'est seulement trompée de chemin : tenter de passer du sex-shop à la scène n'était peut-être pas le meilleur plan ; cela dit, elle a aussi fait une tentative aussi pour passer son numéro en cabine téléphonique, tel était son projet pour 'La nuit blanche' mais on lui a 'censuré' je vous jure que je n'invente rien.
Tout cela n'est pas choquant, enfin pas sexuellement choquant pour moi. Mais c'est extrêmement bête. Et choquant par sa bétise, là oui. Surtout avec la séquence visiblement imprégnée de l'esprit 'Art contemporain' car il s'agit maintenant de 'scène contemporaine' d'où l'inévitable : on n'échappe à rien : elle fait des strip-teases avec ses organes ou plutôt non, elle dit "avec mes orgââânes, avec mes flux, ma lymphe, mes ovaires" (soyez heureux les mecs : vous pouvez faire de même avec vos testicules, mais Wolinsky a déjà dessiné tout ça). Elle souligne 'on est des organes' et on se demande quelle explosion atomique la guette le jour où elle aura l'idée de se connecter juste une fois pour voir avec son cerveau. Comme de juste on n'échappe pas à son 'rapport à ses états de corps'. Ouais. Elle fait aussi des strip-tease dans le noir et en portant une moustache. Plus l'émission avance et plus on a envie de croire à un canular, mais c'est assez cohérent en fin de compte avec ce qu'elle a dit quelques minutes plus tôt : avant d'aller apprendre le strip-tease dans les pornoshops, elle ne connaissait rien à l'attirail de la féminité comme elle dit : le maquillage, les talons les bas-résille c'est vraiment très intéressant de voir comment cette drôle de femme considère ce qu'est être une femme et ce qu'est la féminité, depuis qu'elle est passée de la négation à l'acceptation de stéréotypes qui ont assez peu à voir avec la féminité. Elle est seulement passée du rien au faux, vous me direz que dans certains cas c'est un progrès, surtout qu'elle dit ne pas y croire une seconde. Un tel délire laisse l'auditeur les bras ballants, mais avec une certitude : cette femme est à mille lieux de toutes les réalités de l'érotisme, que ce soit celui du français moyen capable d'aimer, du client des pornoshop ou des putes, de l'esthète rêveur, ou du fantasmeur ou même seulement de l'homme aimant intensément le corps féminin (mais si, ça existe).
On se dit que cette fille ou plutôt cette dame, si elle est probablement assez représentative (ou 'emblématique', comme on dit sur FC) de l'Arcontemporain, est un peu l'équivalent du délire philosophique tel qu'on l'entend sur France Culture un jour sur deux entre 10 et 11. Au bout de la route donc un peu tardivement, surgit voila l'imaginaire voila de la femme nue voila, qui vient de la peinture où il y a trop voila de femmes nues et pas assez voila d'hommes nus ça l'énerve beaucoup dit-elle oui je vous jure qu'elle balance cette ânerie comme ça : il y a trop de bonnes femmes nues et pas assez de mecs à poil dans la peinture classique ! Ce qui prouve qu'elle connait fort bien l'histoire de l'art c'est une artissecontemporaine et cette tranche de radio de la entre la 40e à la fin de la 49e est rien moins qu'un sommet.
Parmi tous ces gens qui jouent à touche-pipi dans un studio pour 'déconstruire ces choses-là', il y a aussi un mec assez intellectuel invité à donner son avis : les filles à poil ça le branche pas trop car lui il a besoin de voir la culotte on se dirait presque 'ouf un type qui parle comme tout le monde', s'il n'ajoutait finalement sa propre couche de niaiserie au mille-feuilles déjà pas mal épais.
Pour conclure, voici l'atelier des filles. Super-pas original : tout ça était sur Téva il y a plus de 10 ans ! On passe sans s'arrêter devant l'atelier sex-toys pour aller direct à l'atelier masturbation. Parce que dit-elle 'avant d'aller sur la lune il faut savoir faire du deltaplane (rire bête)". Que penser d'une telle tranche de vie ? Certes, le sexe est décomplexé, dédramatisé, et à ce titre au moins les personnes qu'on entend peuvent sembler déniaisées, bref c'est toujours moins dommageable que la répression sexuelle. Mais à entendre autant de rires cons, on se dit que pour en sortir moins niais c'est peut-être pas la meilleure voie ; enfin chacun sa voie. Evidemment, on passe sur le fait que ça n'a là encore rien à voir avec le sujet annoncé, pas plus que le bobineau d'intro. Ce qui rassure, en un sens : il y a dans cette incohérence systématique une forme de cohérence.
Chez Aurélie Charon la chair est triste et on doute que tous ces gens aient jamais lu un seul livre.