Par contre, la croisade de Michel Onfray me semble des plus salutaires quand il fait l'éloge de la clarté. D 'ailleurs ça n'est pas tout à fait un éloge de la clarté : c'est plutôt une violente attaque contre la confusion verbale, qu'il appelle "le jargon". A mon avis c'est beaucoup plus que du jargon, c'est de l'escroquerie intellectuelle. Et quand il parle de jeu intellectuel, il ferait mieux de dire que c'est du pur jeu verbal, creux et sans signification. Car le jargon traduit en langage normal, ça peut donner quelque chose de clair et de simplement exprimé une fois débarrassé des oripeaux de la complication et de l'obscurcissement. L'escroquerie intellectuelle c'est autre chose : c'est l'obscurcissement pour masquer une arnaque, ou bien tout simplement c'est du vent.
Alors de la clarté, il en parlera un peu en début de conférence (à 17'45 du fichier podcast : "Il y avait une tradition de la clarté dans la philosophie française"), puis ça revient à la 49e minute et là encore hélas c'est fait n'importe comment : une charge contre le jargon, car "le jargon ça permet de chasser en meute". Tu parles ! Là c'est Onfray qui fait de la chasse aux sorcières, il vient de traiter de quasi-sympathisants nazis la moitié des pontes de la philo en France. Il aurait été plus juste de les traiter de fumistes ou d'escrocs bien à l'abri dans leur chapelle entourés de fidèles annonant les clichés du charabia qui leur permet de tenir le manteau du Diafoirus. Fumisterie institutionnelle, et ça il le dira très bien : le pire est que ces penseurs "subversifs" sont tous fonctionnarisés, logés dans les grandes Institutions qui les subventionnent et les nourrissent. Au moins Michel Onfray le gourou de la subversion en philo, a construit tout seul sa propre chapelle, avec son énergie et ses efforts à lui. En fin de compte elle fonctionne un peu de la même façon et il va même jusqu'à éditer avec eux, chez Galilée repaire de la fumisterie totale. Eh bien ça, ça prouve qu'il n'est pas net.
Mais voila: des fumistes, Onfray ne sait peut-être pas ce que c'est, parce qu'il fonctionne sur le procès d'intention et que la fumisterie est un délit mineur. Et peut-être aussi parce qu'il sait bien que l'étiquette de fumiste pourrait lui être retournée, non pour raison de confusion et de manque de clarté, mais plutôt parce que son baratin est d'un superficiel à hurler. C'est dommage car quand il s'en prend en ces termes à Derrida et aux as de la French Theory, il se plante en établissant ce pont absurde qui part du nazisme et arrive aux marécages de l'abstraction fumeuse. De l'inhumain au déshumanisé, comme si c'était la même chose, alors qu'il n'y a strictement rien qui relie les deux rives, bien au contraire. Une fois de plus il avait une bonne cible, il la tenait au bout de son fusil, et il lui balance des bastos sorties des usines Godwin. Quelle buse !
La critique de la déshumanisation dans la pensée moderne a été faite depuis longtemps, et par des semi-philosophes, qui ne se poussaient pas autant du coude : Jean-Marie Domenach ou Jean-Paul Aron, par exemple. Sur ce sujet précis, mieux vaut lire ces gens-là qu'écouter Michel Onfray. Mais si on veut voir un dingue armé d'un pistolet-mitrailleur en train de tirer sur tout ce qui bouge, et si on veut voir les impacts sur les cibles ou plutôt sur les figurines en carton qu'il a alignées devant lui, éventuellement on peut écouter Michel Onfray.
Dernière édition par Nessie le Mer 30 Juil 2014, 00:22, édité 1 fois