Nous avons reconnu (et reconnaissons encore) le soin apporté par l'équipe d'Hors-champs aux descriptifs de ses pages. Images et textes sont le fruit d'un effort quotidien que seule la page de l'émission :
Les regardeurs vient égaler. (voir les photographies de qualité fournies par Samuel Bernard Blatchley dont on a discuté
ici et les extraits transcrits des paroles entendues dans l'émission (quand d'autres imaginent que leur
prose ponctuée de
fautes suffirait à satisfaire la curiosité de l'auditeur internaute)).
Le 15 juin 2016, Laure Adler recevait l'artiste
Robert Longo. Le descriptif s'engage mal :
L'artiste américain Robert Longo est peintre, sculpteur mais aussi vidéaste. Il s'entretient avec Laure Adler. La productrice n'a pas compris que Longo était avant tout dessinateur depuis plus de 30 ans (Cf. la série
Mens in the cities, de 1983). L'ignorance se poursuit jusque dans le mot-clé de l'émission : un seul :
photographie. De mieux en mieux. Les Latrive et compagnie ont pu incriminer la fonctionnalité de l'ancien moteur de recherche. Mais si les producteurs/trices ne sont pas capables de l'alimenter correctement (ou n'ont pas reçu de formation pour), à quoi sert-il ? Voici gratuitement quelques mots-clés pour une recherche fructueuse : Robert Longo, Dessin noir et blanc, Dessin d'après photographie, Dessin grand format, Mens in the cities, Fusain, Hyperréalisme.
L'entretien commence donc par :
1'54 : Laure Adler :
Robert Longo, vous êtes artiste, Américain, auteur de très nombreux dispositifs picturaux, de très nombreuses séries, vous avez inventé un art pictural (...). Nous n'entendons pas la traduction du français vers l'anglais, c'est pourquoi Longo ne relève pas la bêtise de la question. Laure Adler a-t-elle compris que
pictural renvoyait au mot peinture ? Que la peinture n'est pas du dessin ? Il faut croire qu'elle découvre l'auteur au fur et à mesure qu'il répond. Car 5 minutes plus tard :
4'52'':
À partir de quand avez-vous conçu l'idée que votre nature d'artiste, c'était le fusain, c'étaient les grands formats, et c'était la reproduction métamorphosée par votre regard du monde ?13' : Réagissant à la série
Mens in the cities, (...)
ce travail qui a permis de faire découvrir non seulement aux États-Unis, mais dans le monde entier. Et déjà, il y avait votre univers, mais ensuite votre univers va beaucoup changer. C'est-à-dire qu'il y a le dessin, comme vous dites, c'est du dessin au fusain, mais on dirait des photographies, et puis c'est à la fois abstrait, conceptuel, tout en étant hyperréaliste. (...)
+
16'12'' :
Donc vous acceptez l'idée Robert Longo que vous êtes un artiste qui a fait des cycles très différents. Au départ, Mens in the cities
, c'est du noir et blanc, on peut croire que c'est de la photo, ce n'est pas de la photo, c'est un acte artistique, c'est vous qui dessinez toujours sur des grands formats. Et on comprend bien que la vitesse de la vision du regardeur comme on dit maintenant est très importante pour comprendre. Et ensuite, vous allez faire des choses totalement différentes. (...)
Est-ce qu'à chaque fois, il y a une métamorphose de votre pratique artistique et de votre regard sur le monde ? Voilà deux questions qui brassent de l'air. Ce n'est pas que dire à un artiste que son oeuvre dessinée ressemble à de la photo par deux fois est à la limite de la provocation en plus d'être complètement con. C'est que le raisonnement n'est pas capable d'aller plus loin. Et puis que veut dire :
Et on comprend bien que la vitesse de la vision du regardeur comme on dit maintenant est très importante pour comprendre ? Des mots mis bout à bout, au fil de l'énonciation, ni plus ni moins. Enfin, dire que Longo va
faire des choses totalement différentes par la suite, c'est avoir une analyse de regard limitée, pour rester poli : Longo n'a pas varié d'un pouce sa technique depuis ses débuts (du fusain sur de grandes feuilles de papier) et les croisements de sens entre ses séries sont nombreux (comme il l'explique lui-même par la suite).
Enfin, la palme revient à cette question raffinée :
19'38'' : Robert Longo :
On a commencé à gagner de l'argent, tous.Adler :
Et vous beaucoup d'argent. Beaucoup, beaucoup d'argent. Et exposer dans les très grandes galeries comme Gogosian à New-York, et cetera. Beaucoup, beaucoup d'argent. Qu'espère t-elle après une telle remarque ? Que Longo s'excuse ? Par chance, il répond avec une perspective historique intéressante.
Malgré tout, l'entretien laisse heureusement la part belle aux développements de Longo qui bénéficie de beaux tunnels (éclairés comme dirait Nessie). A titre de comparaison, l'écoute du
Bon plaisir de Pierre Soulages, diffusé dans la Nuits du 11 novembre 2014, (1ère diffusion : 5 décembre 1992), par Marie-Christine Navarro, d'une durée de 3 heures, laisse entrevoir le gouffre foré en 25 ans entre ces deux France Culture.
Dans ce documentaire, la productrice accompagne Soulages dans son atelier à Sète, prend le temps de s'intéresser à ses outils inventés par lui, marche dans les pas de l'artiste pour sentir la perception qu'il reçoit des paysages autour de son atelier, entre au coeur de la fabrication des vitraux/verrières pour l'abbatiale de Conques, sans oublier de recueillir la parole de témoins plus ou moins proches de son oeuvre ou de sa personne. La réflexion sur l'oeuvre se développe parallèlement, en présence de l'artiste ou non, finement écrite ou dans un dialogue documenté et réfléchi. Le droit à l'erreur peut être fatal devant un Soulages érudit et sans concession (Cf. l'anecdote du tournage de la télévision japonaise dans ses locaux). Aujourd'hui, seules les grandes traversées estivales pourraient nous offrir de quoi nous immerger en longueur dans une oeuvre quelle qu'elle soit.