Tiens c'est justement l'un des rares numéros que j'aie ratés ces derniers temps, que je filerai écouter sous peu.
Je suis sur une tendance d'écoute inverse de Continent Sciences, ce qui me donne l'impression peut-être fausse que Deligeorges, je ne sais pas s'il est lassé, mais y parle de plus en plus souvent philosophie et épistémologie, spéculation, métaphysique, histoire des idées et cie. C'est loin d'être pour me déplaire, et c'est peut-être le mien de contentement, qui me masque l'évolution du producteur.
Je zappe aussi assez fréquemment la chronique animalière, d'une meilleure eau que celle que proposait naguère Marc Kravetz, mais les histoires (enfin les anecdotes) naturelles "à méditer" ne sont pas mon fort non plus.
Par contre, je veux défendre un peu les fameux semeurs de doutes que sont les relativistes et les antiréalistes de tout poil : je ne les suis pas, mais le doute qu'ils sèment n'est pas malsain. De mon côté, je dois une réponse à Basil là-dessus, pour laquelle j'ai surtout la flemme de mettre de l'ordre dans les raisonnements et les arguments qui m'engagent contre ses positions, mais quand on est moins flemmard, ça force à solidifier ses propres opinions, à réviser ses approximations, à les émonder de ce qui est friable.
A mon avis, il y a plein de naïveté également dans la position de Basil, mais elle appelle des réponses d'autant mieux étayées, qui doivent permettre d'exhumer dans ses propres façons de penser les raisonnements à la fois les plus clairs et les moins attaquables, à sélectionner ceux qui peuvent être transmis au contradicteur le plus étranger et le plus dubitatif.
Bon, ça c'est l'idéal, et on a tôt fait de s'emporter avant, en général. Mais dire que c'est malsain, non, c'est le ferment d'une opposition qui évite l'amollissement.
Et le bon sens n'est pas d'une grande aide à mon avis, car c'est contre lui que la science se construit, depuis bien longtemps.
Par ailleurs, il arrive que les positivistes soient les pires adversaires du réalisme : ainsi les pères de l'école de Copenhague au sujet de la physique quantique, Bohr, Born, Heisenberg, en ont-ils bâtie une conception purement instrumentaliste, qui est un positivisme extrême. Dans celle-là, la science n'a aucun contenu ontologique. Les théories ne sont que des instruments prédictifs. La réalité n'y est qu'un ensemble de phénomènes, ceux que mettent en corrélation les théories scientifiques, et qui sont une une expérience préparée convenablement, et la prise de conscience des résultats des mesures faites dessus.
Une conception positiviste car la science y dit le seul vrai qui compte, et que toute métaphysique y est jetée par la fenêtre. Une position en même temps contre le réalisme, car elle rejette tout ce qui dépasse le cadre de la préparation et des mesures, tout ce qui serait extérieur à l'esprit humain. Elle est une pure phénoménologie. Elle dit : si on fait tels actes avec tels objets de notre conscience, puis qu'on y applique tel formalisme mathématique - qui ne contient rien que des formules, des jeux de langage, dont les "objets" (électrons, quarks, champs...) et les propriétés (masse, charge, saveur...) ne sont que des instruments commodes, alors on aura telles probabilités de faire telles lectures de nos aiguilles, sur nos instruments de mesure, qui ne sont eux que des objets de la conscience. Rien d'extérieur à l'esprit humain dans tout ça. Contre de telles conceptions, il n'est pas si facile d'argumenter.
Mais elles sont néanmoins compatibles avec une forme d'objectivisme light, celui qui définit l'objectivité comme l'accord intersubjectif, ce que j'essayais d'expliquer à Basil.
Mais je ne sais pas si lui(Basil, si vous lisez ça ici, n'hésitez pas à répondre, tant pis pour le croisement des fils, on fera le ménage plus tard) distingue bien trois velléités distinctes de l'entreprise scientifique que sont (de la plus forte à la plus faible, côté prétention) l'explication, la description, et la prédiction.
Pour faire de la prédiction, on n'a besoin d'aucun arsenal ontologique, seulement de faire des préparations, appliquer un modèle pour proposer une prédiction, faire des mesures, et de vérifier l'écart avec les valeurs prédites.
La science a constamment amélioré ses capacités prédictives, c'est un fait souvent ignoré de ses détracteurs, et c'est pourtant là une forme de connaissance non du réel, mais de ses manifestations. Comme le disait Nessie, cette diminution des prétentions ne nuit nullement à son efficacité pratique.
Que la description soit un programme plus vaste et moins bien accompli, c'est certain, mais pourquoi vouloir jeter le bébé avec l'eau du bain ? Quant aux prétentions à fournir des explications sur le monde, elles demandent bien sûr de creuser dans un terreau forcément plus métaphysique et de faire quelques paris invérifiables sur le monde, mais c'est une autre histoire.
Edit : Sur ce sujet, une référence détaillée ici en forum "Média & diffusion" : le site du Collège du physique et de philosophie