Melle, Deux-Sèvres, 1989. On ne connaît pas Melle. C'est perdu. À l'occasion d'un parcours architectural dans les différents édifices romans qu'abrite la ville, je poursuis naturellement jusqu'à l'autre grande curiosité de la commune, les mines d'argent des rois francs, exploitées du Ve au Xe siècle pour l'atelier monétaire qui frappait les monnaies royales carolingiennes, deniers et oboles. J'en ressortirai riche de mon premier contact avec le plasticien sonore danois, Knud Viktor. À l'initiative de la commune, l'artiste avait réalisé une « oeuvre pérenne », Éclats d'argent, sa première et unique commande publique. Il s'agit d'un parcours sonore qui se déroule sur plus de 300 mètres de galerie, pour lequel K. Viktor avait travaillé les bruits de la mine comme une matière organique, donnant à entendre l'éclatement de la roche par le feu jusqu'aux gouttes d'eau...
C'est donc avec un intérêt particulier que je me suis lancé dans l'écoute du numéro d'Expérimentale du lundi 25 septembre, dont le programme était un documentaire intitulé « Le Field Recording ». La page de descriptif me propose une «Rencontre avec quelques grands noms du "Field Recording". Ces artistes nous ouvrent leur univers pour un voyage à travers des "Paysages Sonores" ». Parmi ces artistes, « Alexandre Galand, Pali Meursault, Murray Schafer, Luc Ferrari, Knud Viktor, Yann Paranthoën, Chris Watson, Jana Winderen ».
L'Expérimentale fait partie des nouvelles émissions mises en place dans la grille de septembre 2017. Sa carte de visite :
« Produite par le Groupe de Recherches Musicales de l’Ina, L’Expérimentale place l’exploration du son, au centre du processus de création : Musiques électroacoustiques, concrètes, électroniques, d’avant-garde ou même improvisées... »
Elle est produite par François Bonnet : compositeur et théoricien (il a publié Les mots et les sons, l'Eclat, 2012, et L'Infra-Monde, MF, 2015), il est membre du Groupe de Recherches Musicales de l'Ina depuis 2007, dont il assure désormais la direction artistique.
C'est la première fois que j'écoute cette émission. Je ne suis pas déçu. La réalisation, signée Alexandre Bazin, est très soignée. Le montage, d'une grande efficacité, allie subtilement la rigueur démonstrative à la déambulation poétique, comme je vais tenter de le montrer.
François Bonnet nous informe que ce documentaire se met à l'écoute du « paysage sonore ». « Mais pas simplement selon le concept développé par Murray Schafer, celui de soundscape qui a été traduit en français par paysage sonore mais dans dans une acception plus large où le naturel et l'artificiel se croisent à travers les dispositifs d'enregistrements, de la microphonie de proximité aux techniques de montage ». Le producteur nous invite à un « voyage musical à travers la pratique de quelques-uns de ces artistes qui sont allés à la rencontre du sonore et du monde vivant qui le porte. »
La parole est d'abord donnée à Alexandre Galand qui nous précise qu'historiquement les enregistrements sont d'abord le fait de professionnels, des ethnomusicologues. Le coût du matériel est très élevé. Mais à partir des années 50-60, ce matériel devient accessible aux voyageurs qui vont collecter des sons et des musiques du monde entier. La démonstration suit immédiatement, avec la parole aux accents poétiques de Nicolas Bouvier qui nous parle de sa fascination pour les musiques balkaniques et notamment serbes :
[son mp3="https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/18081-25.09.2017-ITEMA_21444802-0.mp3" debut="03:08" fin="04:22"]
Efficacité de la formule : « revenir dans ces territoires à cigognes, à tziganes ». La parenté phonique des deux mots illustre à elle-seule une dimension essentielle du soundscape, l'alliance sonore de la nature et de l'homme.
Le compositeur Pali Meursault retrace à son tour rapidement l'histoire des enregistrements de terrain, de l'émergence de l'expression de « field recording » et montre les enjeux qu'une telle évolution soulève, en nous aiguillant sur la piste féconde de la philosophe Anne Cauquelin dont l'ouvrage L'Invention du paysage fait l'objet ici d'une recension.
Après quelques propos et compositions de Luc Ferrari, Presque Rien n°1 et Presque Rien n°2, nous pouvons entendre le chantre du Lubéron, Knud Viktor, mort en 2013. L'artiste est à la fois peintre, graveur, photographe et cinéaste quand il vient s'installer dans le Lubéron. Le « peintre sonore », comme il se qualifie lui-même, est capable de déceler et d'enregistrer des bruits que ni vous ni moi ne pourrions même soupçonner : un ver qui gratte dans une pomme et se régale de son jus, la communication des vers à bois depuis les galeries qu'ils creusent, le bruit d'un cochon d'Inde dans le ventre de sa mère...
Voici comment l'artiste se souvient de sa toute première expérience de prise de son :
[son mp3="https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/18081-25.09.2017-ITEMA_21444802-0.mp3" debut="23:28" fin="24:12"]
Quelques propos sur son travail :
[son mp3="https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/18081-25.09.2017-ITEMA_21444802-0.mp3" debut="24:34" fin="25:06"]
Son rapport à la pratique artistique:
[son mp3="https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/18081-25.09.2017-ITEMA_21444802-0.mp3" debut="25:28" fin="26:06"]
Que trouvons-nous sur sa palette? Voici la réponse :
[son mp3="https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/18081-25.09.2017-ITEMA_21444802-0.mp3" debut="26:30" fin="28:12"]
Je ne peux résister au plaisir de vous conseiller l'écoute du très bel hommage qui lui avait été rendu dans le cadre d'un Atelier de la création, toujours disponible à la réécoute. J'ajoute également une archive I.N.A très émouvante qui nous emmène rendre visite à l'ermite provençal.
Au-delà de l'aspect paradoxal du titre de la pièce proposée en écoute, Symphonie du Lubéron, rappelons que Knud Viktor récuse la qualification musicale de son travail au profit d'une terminologie plasticienne : image, peintre, couleurs. On retrouve ce même souci d'échapper à la dimension musicale lorsque Yann Parenthoën nous parle de son travail (paroles agrémentées de propos intéressants sur le rôle du hasard dans la prise de son) :
[son mp3="https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/18081-25.09.2017-ITEMA_21444802-0.mp3" debut="32:05" fin="33:32"]
L'émission s'achève par l'écoute des œuvres de Chris Watson, Weather Report et de Jana Winderen, Energy Field. Une heure de grâce poétique au cours de ce documentaire d'une grande richesse et de très belle tenue. Je n'aurais qu'un regret : l'absence, parmi les participants, de Jean-Guy Coulange, veritable poète radiophonique dont je ne me lasse pas d'écouter l'essai sonore : Le Fleuve Somme, toujours à l'écoute chez nos amis du Labo d'Espace 2 (RTS).
C'est donc avec un intérêt particulier que je me suis lancé dans l'écoute du numéro d'Expérimentale du lundi 25 septembre, dont le programme était un documentaire intitulé « Le Field Recording ». La page de descriptif me propose une «Rencontre avec quelques grands noms du "Field Recording". Ces artistes nous ouvrent leur univers pour un voyage à travers des "Paysages Sonores" ». Parmi ces artistes, « Alexandre Galand, Pali Meursault, Murray Schafer, Luc Ferrari, Knud Viktor, Yann Paranthoën, Chris Watson, Jana Winderen ».
L'Expérimentale fait partie des nouvelles émissions mises en place dans la grille de septembre 2017. Sa carte de visite :
« Produite par le Groupe de Recherches Musicales de l’Ina, L’Expérimentale place l’exploration du son, au centre du processus de création : Musiques électroacoustiques, concrètes, électroniques, d’avant-garde ou même improvisées... »
Elle est produite par François Bonnet : compositeur et théoricien (il a publié Les mots et les sons, l'Eclat, 2012, et L'Infra-Monde, MF, 2015), il est membre du Groupe de Recherches Musicales de l'Ina depuis 2007, dont il assure désormais la direction artistique.
C'est la première fois que j'écoute cette émission. Je ne suis pas déçu. La réalisation, signée Alexandre Bazin, est très soignée. Le montage, d'une grande efficacité, allie subtilement la rigueur démonstrative à la déambulation poétique, comme je vais tenter de le montrer.
François Bonnet nous informe que ce documentaire se met à l'écoute du « paysage sonore ». « Mais pas simplement selon le concept développé par Murray Schafer, celui de soundscape qui a été traduit en français par paysage sonore mais dans dans une acception plus large où le naturel et l'artificiel se croisent à travers les dispositifs d'enregistrements, de la microphonie de proximité aux techniques de montage ». Le producteur nous invite à un « voyage musical à travers la pratique de quelques-uns de ces artistes qui sont allés à la rencontre du sonore et du monde vivant qui le porte. »
La parole est d'abord donnée à Alexandre Galand qui nous précise qu'historiquement les enregistrements sont d'abord le fait de professionnels, des ethnomusicologues. Le coût du matériel est très élevé. Mais à partir des années 50-60, ce matériel devient accessible aux voyageurs qui vont collecter des sons et des musiques du monde entier. La démonstration suit immédiatement, avec la parole aux accents poétiques de Nicolas Bouvier qui nous parle de sa fascination pour les musiques balkaniques et notamment serbes :
[son mp3="https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/18081-25.09.2017-ITEMA_21444802-0.mp3" debut="03:08" fin="04:22"]
Efficacité de la formule : « revenir dans ces territoires à cigognes, à tziganes ». La parenté phonique des deux mots illustre à elle-seule une dimension essentielle du soundscape, l'alliance sonore de la nature et de l'homme.
Le compositeur Pali Meursault retrace à son tour rapidement l'histoire des enregistrements de terrain, de l'émergence de l'expression de « field recording » et montre les enjeux qu'une telle évolution soulève, en nous aiguillant sur la piste féconde de la philosophe Anne Cauquelin dont l'ouvrage L'Invention du paysage fait l'objet ici d'une recension.
Après quelques propos et compositions de Luc Ferrari, Presque Rien n°1 et Presque Rien n°2, nous pouvons entendre le chantre du Lubéron, Knud Viktor, mort en 2013. L'artiste est à la fois peintre, graveur, photographe et cinéaste quand il vient s'installer dans le Lubéron. Le « peintre sonore », comme il se qualifie lui-même, est capable de déceler et d'enregistrer des bruits que ni vous ni moi ne pourrions même soupçonner : un ver qui gratte dans une pomme et se régale de son jus, la communication des vers à bois depuis les galeries qu'ils creusent, le bruit d'un cochon d'Inde dans le ventre de sa mère...
Voici comment l'artiste se souvient de sa toute première expérience de prise de son :
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Quelques propos sur son travail :
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Son rapport à la pratique artistique:
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Que trouvons-nous sur sa palette? Voici la réponse :
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Je ne peux résister au plaisir de vous conseiller l'écoute du très bel hommage qui lui avait été rendu dans le cadre d'un Atelier de la création, toujours disponible à la réécoute. J'ajoute également une archive I.N.A très émouvante qui nous emmène rendre visite à l'ermite provençal.
Au-delà de l'aspect paradoxal du titre de la pièce proposée en écoute, Symphonie du Lubéron, rappelons que Knud Viktor récuse la qualification musicale de son travail au profit d'une terminologie plasticienne : image, peintre, couleurs. On retrouve ce même souci d'échapper à la dimension musicale lorsque Yann Parenthoën nous parle de son travail (paroles agrémentées de propos intéressants sur le rôle du hasard dans la prise de son) :
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L'émission s'achève par l'écoute des œuvres de Chris Watson, Weather Report et de Jana Winderen, Energy Field. Une heure de grâce poétique au cours de ce documentaire d'une grande richesse et de très belle tenue. Je n'aurais qu'un regret : l'absence, parmi les participants, de Jean-Guy Coulange, veritable poète radiophonique dont je ne me lasse pas d'écouter l'essai sonore : Le Fleuve Somme, toujours à l'écoute chez nos amis du Labo d'Espace 2 (RTS).